Transition sur scène
De nos correspondantsDeep Purple à Lyon
Bon, si qu'on causait du Deep Purple à Lyon. Suivez-moi. Retour dans le passé. Ca se passe le 25 octobre. Un dimanche, à 15 heures. Au Théâtre du 8ème.
Au début, c'est pas le Deep, c'est Transition. Un groupe français. Et Transition, c'est Magma moins quelques types. Et alors, on retrouve avec plaisir, Teddy Lasry (flûte), Francis Moze, (basse), Claude Engel (solo), Francis Cahen (piano) et Christian Vander (batterie), Et c'est rudement chouette ce qui font. Ca sonne un peu comme Magma, bien sur. C'est-à-dire que ça tient à la fois du jazz et de la pop et que c'est pas mal original. Un tout rudement miscible. Ils ont su digérer toutes leurs influences, ces cocos-là, pour offrir une musique complexe, riche en couleurs, qui peu à peu enthousiasme le public, pourtant rebuté lors des premières minutes. Transition baigne dans la décontraction et ça permet de juger de la qualité de chacun dans les improvisations. Deux morceaux sont exécutés au cours desquels la culture jazz des musiciens apparaît toute évidente ; notamment, chez Cahen et Lasry, élément moteur des courbes mélodiques. Et Vander, c'est un batteur remarquable. Fin, subtil. Sans cinéma. Un adepte des glissades sur fond de roulements. Les autres se défendent pas mal non plus, Transition, c'est bath. Et c'est pas mal applaudi par la salle qu'est pleine...Après, c'est l'entracte... Et on se taille un bout de bavette et chacun y va de son petit argument à grand renfort de sa culture pop, Ouais, c'est moins violent que Noise ; Bof... Moins confus... Et le temps tic passe tac. Et on en roule quelques-unes. Et le Deep, ben il arrive pas. Ça commence à râler méchamment, Y a des petites minettes qui font des caprices dans leur coin à cause de ça. Ca m'en donne la larme à l'il. Pauvres bêtes... Puis, on nous annonce que le Deep, il a confondu l'heure, four o'clock and five o'clock, mais que ça arrive.., Et c'est vrai, pasque dix minutes plus tard, ben le v'là sur scène, le Deep. Les minettes sèchent tout juste leurs larmes ... , on écrase en vitesse nos mégots... et c'est parti, mon quiqui !...
Ououh, ben c'est pas de la rigolade, vieux !... Pour commencer, histoire de mettre dans le bain, Gillan envoyé valdinguer le pied du micro. Et après c'est la défonce totale. " Speed King ", " Child Time ", " Into the Fire ". C'est le pied colossal. Ça tient à la fois de la détonation et du délire bourré de dynamite, tout en cascades, soubresauts, secousses, chutes, afflux, gros ronron échevelé, tumultueux, Tantôt, ca se convulse, ça serpente, ça se love, ça ondule Tantôt, ça s'étrangle, ca se disloque, ça larmoie... De la belle ouvrage, Déferlement de sonorités malaxées, triturées Etirements des notes dans tous les sens. Ecartèlement. Arrachements. Eparpillement dans la violence, la frénésie. Rythmes gonflés à bloc. Toute la Virulence d'une éruption sonore. Chaos et tourbillons. Vagues qui gonflent pour atteindre des amplitudes déchirantes. Amplis à fond. Et ça et là, des relâchements, des vacillements, des soulagements. L'orgue se répand en nappes, langoureuses. Et la voix torturée, âcre de Gillan s'insinue par spasmes, Au début, pour voguer simplement à la dérive. Bientôt pour s'élancer, assourdir. De toute sa colère. Retours et revers. Emmêlements. Grondements. Hurlements.
Puis, " Black Night ", très rallongé, " Paint it black ", " Mandrake root ". Idem. Jet multiple, affolement sur des rythmes ultra-rapides. Avec un Blackmore qui fait du boulot de haute voltige Soli en distorsion extraordinaires - ca bêle, meugle, rit ; ça pleure, ça hurle. rugit, ça fait tout à la fois. Avec un John Lord en pleine bourre, - qui se hasarde dans tous les styles ; ici, la Marseillaise, du jazz ; là, Bach, du musette. Vive le Vent. Prélassement, immobilisme, Elan, dégringolades. Rafales, explosions, cris, de sirènes, C'est apocalyptique, Ça geint de tous côtés dans une persistance obsédante, abasourdissante. Y en a qui comparent ça au bruit tonitruant de la ville, au désespoir mécanisé qui fait palpiter une ville, sais pas, mais c'est énorme, monstrueux . Seul point d'ombre dans cet emportement, le long solo du batteur Paice a la faveur de " Paint it black ", Techniquement très bon, côté inspiration, ennuyeux. Les variations sur le thème de la locomotive, c'est connu...
Et ce " Mandrake root " qu'achève la prestation ! Une vraie étincelle. Du son secoué. Ejaculation baignée dans un déchaînement de flashes lumineux ininterrompu. Entrecroisements, enchevêtrements de toutes les voix, Interférences sans retenue. Ça fuse fourmille, halète, ca dévale, se disperse, s'engloutit pour se redresser aussitôt. Musique qui brutalise, violente, Musique a l'image des musiciens, fantômes désarticulés dans les éclairs de la lumière crue, Cauchemar. Bon sang. c'est chouette ! C'est le Deep, tout ça !
Faut que j ' ajoute que si le Deep il est à Lyon ce 25 octobre, ben c'est grâce à une gentille petite dame qui s'appelle Luce Mélite, et qui défend la pop, et qu'agit vraiment pour ca , Zappa en décembre, Zeppelin en février, Pink Floyd en avril-mai, et les Who un de ces jours, c'est ça qu'elle nous promet dans l'avenir. Hein, qui en faudrait beaucoup des petites dames comme ca, en province et ailleurs...
Hubert FRANCILLARD,
Correspondant à Lyon.Zoo à Elboeuf
Théoriquement, le lundi 2 novembre, nous devions avoir la chance d'assister au show des Deep Purple a Elbeuf ; seulement voilà : ne trouvant pas le public français tout à fait à leur goût, ces chers Messieurs n'ont pas trouvé nécessaire de continuer leur tournée. Ainsi sont-ils allés à Lyon, Sochaux, Mulhouse. après quoi, Ils ont annulé, leur contrat au Havre, Elbeuf et Brest. Malgré tout, ils ont quand même accepté de faire le musicorama du 1er novembre, à l'Olympia. Avouons que leur succès - tout a fait mérite d'ailleurs - ne les a pas , "arrangés" du point de vue politesse !
Heureusement, l'organisateur du gala d'Elbeuf n'est pas homme à se laisser démonter pour si peu le soir même, à la place des Deep Purple, nous avions les Zoo, la première partie du spectacle étant assurée, comme auparavant, par Transition.
Onze cents personnes ont assisté à ce spectacle ; nombreux étaient ceux des garçons qui avaient ressorti leurs perruques poussiéreuses des arrière-greniers ; ça faisait si longtemps qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de le faire.Mais parlons un peu du spectacle par lui-même ; le rideau s'ouvrit - c'est façon de parler, puisqu'il était déjà ouvert - sur les Transitions. Dans le dictionnaire pop, transition = abréviation de Magma. Bizarre, n'est-ce pas ? Je veux dire par là que les Transitions sont les Magma, moins trois de leurs éléments. On y retrouve donc : François Cahen au piano, Teddy Lasry à la flûte, Christian Vander à la batterie, Francis Moze, à la basse et Claude Engel à la guitare solo. Par suite de l'absence de Klaus, la presque totalité de leur récital fut instrumental. Ils ouvrirent le feu sur trois de leurs compositions qui, au premier abord, semblaient mai construites, assez jazz, mais qui, finalement, ont une certaine continuité. A çes trois morceaux succédèrent des adaptations très personnelles des Santana et de Jimi Hendrix,. Durant un quart d'heure, Claude Engel nous montra tout son talent en faisant un solo de guitare ; je crois pouvoir dire, maintenant, sans me tromper, que c'est un guitariste de classe internationale.
Enfin, leur show est des plus variés, puisqu'il va de l'interprétation de " Blue Rondo à la Turc" , jusqu ' à un concert de miaulements de chats en pissant par un lancer de poireaux dans la salle. Celui qui a la possibilité de suive les Transitions dans leur tournée, pourrait se faire ainsi une petite jardinière de légumes, puisqu'ils avaient déjà lancé des carottes au Havre !Vinrent ensuite les Zoo ; rappelons - bien que cela ne soit plus maintenant nécessaire - la composition de l'orchestre : Daniel Carlet au violon, saxophone ténor ; Michel Ripoche, trombone, violon , Michel Hervé, guitare basse ; André Hervé, orgue, vibraphone, guitare accordéon : Christian Deneaux, batteur ; Michel Bonnecarrère, guitare ; et Ian Douglas Bellamus, chanteur,
Que, dire sur leur show? D'autres que moi en ont déjà tant parlé ! Ils ont interprété des compositions remarquables de Michel Bonnecarrère, des morceaux qui figurent sur leur dernier 33 tours : " City Breakdown ", " Endless Words ". " I shall be free" , mais également des vieux tubes de leurs débuts. Chacun des membres des Zoo est un spectacle à lui tout seul Ian Douglas Bellamus se bat avec son micro, Michel Hervé se bat avec sa basse, quant a André Hervé, lui, il se bat avec son orgue Hammond. Dans ce combat, c'est d'ailleurs le musicien qui est sorti vainqueur, ce qui lui a valu de finir le show au piano. A noter également l'inoubliable solo de violon de Michel Ripoche.En conclusion, il est évident qu'il aurait été agréable de voir et entendre les Deep Purple mais, finalement, le spectacle, tel qu'il a été, conçu, n'a pas été fait pour déplaire à beaucoup.
André RENAULT,
Correspondant à Rouen.BEST n° 29 - Décembre 1970