Les nouveaux bâtisseurs
de CATHÉDRALESIl est quelque fois fatigant d'être contredit.
Il est dangereux de ne pas l'être
(Bossuet)MAGMA printemps 1973 : Le bassiste s'appelle Janick Top; il sera là jusqu'à la fin de l'été 74.
MAGMA automne 1976 : Janick Top revient.
Ce retour n'est pas le fait d'un hasard trop souvent rencontré dans la formation ou la déformation des groupes ; il vient après deux années de réflexion, de reconsidération des problèmes posés par la vie d'un groupe. Il vient aussi après deux années de travail, autant pour Magma que pour Janick Top (les nombreuses séances de studio ont été pour lui une bonne école de maîtrise).
La concrétisation de ce retour est un 33 tours (il va sortir incessamment) qui surprendra certainement : la face 1 est constituée de morceaux assez courts (composés par J.Top -Christian Vander - B. Paganotti) assez semblables à ces petits poèmes japonais souvent réduits à une simple phrase, à une image très quotidienne, mais très denses, porteurs de vie et de force; la face 2 est un seul long morceau composé par J.Top.
Il est donc évident que Magma repose maintenant sur une association nouvelle à deux personnes, les autres apportant ce qu'elles ont à apporter.LE TEXTE QUI SUIT EST LA TRANSCRIPTION DES PROPOS TENUS PAR JANICK TOP LE 17 SEPTEMBRE 1976.
UNE PIERRE PLUS UNE PIERRE PLUS...
"Contrairement aux groupes anglo-saxons qui trouvent une base musicale et communautaire dans le rock, les musiciens français ne possèdent rien de tel. Il leur faut construire un édifice, pierre après pierre. C'est pour cela que la volonté d'un individu doit être acceptée au départ ; car c'est le seul moyen de déboucher sur un travail en équipe. Cela peut poser des problèmes, mais lorsqu'ils sont dépassés et maîtrisés, l'énergie commune est débloquée et rayonne".UN CREUSET
"Ce travail en équipe (commencé en fait par C. VANDER il y a 7 ans) fait de Magma un creuset où chaque force pourra s'exprimer si elle porte en elle suffisamment de dynamisme, où la musique est et restera quelque chose d'ouvert, un dialogue, d'abord, entre les musiciens qui sont chacun au service de l'autre, et ensuite, fatalement, avec le public. De plus, le contexte musical actuel en France est extrêmement dur. Tout ou presque est régi par l'argent et toujours dirigé dans le même sens. La rentabilité doit être évidente et immédiate pour les gens en place (maisons de disques, etc.), ce qui explique leur réticence à aider une musique comme celle de Magma. Il est très difficile de faire quelque chose sans aide ; c'est une raison supplémentaire pour qu'un travail en équipe s'impose afin que les forces soient conjuguées pour éviter l'écrasement par une telle machine qui en a brisé plus d'un.
Nous ne prétendons pas détruire ce qui existe, ni faire du dirigisme musical, mais il faudrait une place pour tout le monde ; en fait il n'y pratiquement pas de libre choix : c'est la variété ou la musique américaine. Le cercle vicieux est bouclé. Les musiciens français décidés à faire autre chose n'étant pas très nombreux, ce cercle n'est pas près d'être brisé ; ceux qui se laissent aller à la facilité pourraient réagir s'ils ne le font pas, ils sont seuls responsables".OUVRIR UNE BRECHE
"Evidemment, le chemin de la réaction n'est pas facile, mais une fois que la décision est prise, l'essentiel est de faire ce qu'il y a à faire, le temps qu'il faut, le chemin sera sans doute long mais peut-être un jour la musique de Magma passera à la radio !
Il faut ouvrir une brèche par laquelle passera cette musique, et être armé de patience et de sagesse..."DES FOIS ON SE PREND A REVER
Et si Magma recevait des subventions ? !!!
Bien sûr, il y aurait le chur des esprits chagrins pour glapir "récupération !", le mythe de l'artiste maudit est encore tellement vivant... Qu'ils soient rassurés, ces esprits chagrins, ce n'est qu'un rêve, bien loin de la réalité ; ou alors, il faudrait que TOUT change...LE FOND DU PROBLEME
" Pourquoi la musique de Magma n'est-elle pas aidée, pourquoi est-elle si souvent traînée dans les chemins boueux de la diffamation ?
Tout d'abord parce qu'elle est un éclairage qui dénonce le laisser-aller et la médiocrité, et que la seule ressource défensive des esprits médiocres est la diffamation. Mais il y a plus grave : cette musique dérange, même si c'est un malaise inconscient, parce qu'elle est directement liée avec le temps qui est relatif. Nous agissons en pensant être éternels, et cette musique, si nous sommes sincères, peut nous faire prendre conscience du fait contraire, et tout remettre en question.
Cette prise de conscience doit nous aider à faire les choses dans un autre esprit, la notion de but est transposée ; on ne peut plus rien "faire" , on peut seulement "être" dans le passage qui nous est donné. On en arrive à "ne pas faire", ce qui n'est pas négatif, bien au contraire... Le chemin du temps et de l'ultime passage est caché par tant de mensonges ! Si on supprime ces mensonges, ces artifices, quel danger ! On en arriverait à ne plus avoir besoin des mots, à ne plus avoir besoin d'explication, d'analyse... la musique comme "véhicule", on choisit celui-ci ou un autre, ils sont multiples.
Il faut écouter... sentir... Laisser parler la musique... "Dany HUC
Tartempion - Septembre 1976