FESTIVAL DU CASTELET, 1976( ) Les commerçants ont fermé boutique, c'est la nuit noire au-dessus d'un tapis de corps allongés dans des duvets ou des couvertures. Tout est prêt pour l'Apocalypse et la Renaissance.
A cinq heures du matin, Magma fait, son entrée sur scène. Ils vont tout balayer sur leur passage, démontrant une fois de plus qu'ils sont un des plus grands groupes du moment. Ce sera terrible et grandiose. Effrayant de puissance et de précision. Partout on va voir se relever des têtes ébouriffées, ébahies par un tel réveil. Magma brûle de l'intérieur, et le feu vient des yeux de Vander. Leur force est tellement évidente et tellement canalisée, épurée, qu'après eux tous les "stylistes" semblent faire du tricot. Et leur foi a fait se lever le jour pendant que Christian Vander martelait ses caisses, pour le solo de batterie le plus beau et le mieux construit de ce festival. Le ciel commença à se colorer quand retentirent les premiers accords de "Mekanïk Destruktïw Kommandöh". Trois quarts d'heure de folie furieuse suivirent. La section rythmique monstrueuse, Didier Lockwood sautant et rebondissant, crissant sur son violon la musique damnée d'Erich Zann, et Klaus les mains sur la poitrine, grand prêtre de l'infâme cérémonie de purification priant les astres noirs face au soleil levant. Dans le public, c'est l'effarement qui dominait. Too much, too soon. Comme si les collines autour s'étaient transformées en montagnes de glace, comme si des cathédrales sortaient du ventre de la terre, comme si d'énormes oiseaux rouges zébraient le ciel à la recherche de leur proie, qu'une étrange armée montait à l'assaut du monde, des éclairs au poignet. Cybergothique. La musique ,des orages planétaires, tellurique, volcanique. La symphonie des éléments déchaînés mettant à mort la terre dans un délire d'angoisse et de panique.
Après, il n'y avait plus rien à dire, plus rien à voir, plus rien à entendre. Même pas le nouveau groupe de Mike Shrieve, Automatic Man : il fallait fuir, très vite.
Longues files de freaks marchant le long de la route sur des kilomètres, sacs à dos, cheveux longs, regards rouges, digérant un mélange de poisons et de filtres d'amour, de déceptions et d'étonnements, énervés par le premier jour, abasourdis par la dernière nuit. Echappée rapide vers Aix-en-Provence, arrêt pour prendre un café. Le serveur a l'air d'un martien. La civilisation existe encore, je ne m'en souvenais plus. Il est 9 heures, Mc Laughlin doit préparer son thé et Coryell faire ses gammes. Michael Lang, lui, fait ses comptes. Et son sourire pâlit... .
Michel BOURRE.
Rock & Folk n° 116 - Septembre 1976