Magma :
étrange planète venue d'ailleurs

Une énorme tournée qui va les conduire dans plus de vingt villes françaises avant de les emmener dans d'autres pays d'Europe.

Un beau disque, Magma live (Utopia distribué par RCA) qui reprend les meilleurs moments de concerts donnés il y a quelques mois.

Voilà déjà deux moyens de rencontrer Magma ; sa musique du moins, car Magma veut être plus qu'un groupe d'hommes jouant de la musique. Qu'est donc Magma : une musique, un groupe, des personnes, une philosophie, des symboles étranges, un langage nouveau ? Tout cela certainement, mais aussi une part d'inconnu, de mystère que nous avons cherché à élucider avec Klaus Blasquiz qui fait partie depuis sept ans de cette expérience unique et déroutante.

Si l'on en reste aux apparences, et il n'est pas indispensable d'aller au-delà, Magma que vous verrez sur scène est formé de sept hommes et d'une femme uniformément vêtus de noir qui portent sur la poitrine un étrange signe rappelant des serres d'oiseau de proie. Comme les musiciens pop, ils jouent pourtant d'instruments connus : la batterie, les claviers électroniques, la guitare et le violon électrique. Seules les voix surprennent : un chant lyrique loin de la chansonnette. La couleur de la musique est à mi-chemin entre ce qu'on appelle le pop et le jazz.

Pourtant, sans aimer ces musiques, on ne sent pas perdu à écouter Magma. Klaus Blasquiz explique ce rapprochement par "l'héritage artistique et culturel de la musique européenne classique et même folklorique" qui les inspire. " Il y a dans ces musiques la chaleur, la simplicité, la communication humaine que veut retrouver Magma." Il est vrai qu'à moins de rester insensible, on est pris dans cette fournaise de sons, dans ce grouillement rythmique sous lequel perce une pulsation proche des rythmes essentiels de la vie : le cœur qui bat, la marche, le jour et la nuit. Derrière ses caisses et ses cymbales, Christian Vander assure cette pulsion avec les qualités connues d'un des meilleurs batteurs français. Il est également le compositeur "inspiré" de tous les morceaux : "On ne crée pas une musique, on la retrouve", dit Klaus Blasquiz. La guitare basse de Bernard Paganotti, les claviers de Benoît Wideman et de Patrick Gauthier tissent la trame mélodique sur laquelle repose l'ensemble. Les sonorités plus clairement distinctes du violon de Didier Lockwood et de la guitare de Gabriel Federow marquent les moments forts, de même que le chant de Stella Vander et de Klaus Blasquiz.

Si Magma refuse farouchement d'être catalogué dans une catégorie musicale trop précise, son public est, sans conteste, assez proche de celui de la musique pop. Le circuit de salles de MJC, inventé par le groupe l'explique. Mais il y a aussi autre chose : des motivations plus profondes (sept ans de difficultés en auraient fait abandonner beaucoup d'autres) qui répondent à un besoin de sincérité auquel ne répondent pas toutes les autres musiques.

Finalement, au-delà des balbutiements d'un nouveau langage, le kobaïen ; au-delà d'une certaine philosophie qui admet l'humour et la discussion, il y a la volonté de faire quelque chose de vrai. C'est l'espoir de tout homme :faire quelque chose qui échappera à l'infâme morsure des siècles. "Magma aurait pu exister il y a cent ans et on pourra l'écouter dans cent ans." A vous de
juger.

Christophe de CHENAY
Le Pèlerin n° 4859 - 18 janvier 1976

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