MAGMA à Saint NazaireCe soir à St Nazaire, au Hall de la Soucoupe, a lieu le concert de Magma. Un endroit qui porte bien son nom car, vu de l'extérieur, on croit à une soucoupe volante de béton, échouée là par hasard. En réalité, c'est une très belle salle de trois mille places.
16 heures, les techniciens sont déjà sur les lieux et installent la sono, les éclairages, les instruments Car Magma est une grosse machine. Un matériel considérable : plusieurs claviers, deux batteries, une grosse sono puissante, deux rampes d'éclairages bien fournies en spots
17 heures 30, le groupe arrive, sans Vander le batteur, qui n'est pas encore revenu de Paris.
Magma est un groupe qui existe, maintenant, depuis 7 ans, mais qui a souvent changé de musiciens. De la première formation, seuls Klaus Blasquiz et Christian Vander restent. Se sont joints à eux : Clément Bailly qui seconde Vander à la batterie mais qui chante et joue aussi du piano électrique, Benoît Wideman aux divers claviers et synthétiseurs, Guy Delacroix à la basse, Jean De Antoni à la guitare et les choristes Stella Vander, Florence Von Werle et Lisa.
Le matériel en place, la sono réglée, il reste presque 2 heures avant le début du concert : on n'attend plus que Vander. Car c'est lui qui a le rôle prédominant dans Magma et ça personne ne se le cache.
"Pour l'élaboration des morceaux, explique Benoît Wideman, c'est assez simple, c'est à peu près toujours le même scénario. La composition principale est faite par Christian Vander, qui amène une trame de piano, et une mélodie chantée. Ensuite, le travail pour chaque instrument est, en partie, fait ensemble. Ca prend du temps et ça demande de l'énergie. Bien sûr, j'ai eu envie d'apporter mes thèmes, et c'est normal dans la mesure où je me sens une mentalité de compositeur. Il est évident que j'avais envie que ma musique soit jouée sur scène. Mais il faut être réaliste, Magma c'est la musique de Christian Vander et si j'ai envie de faire la mienne, je m'en irai de Magma. La différence entre Magma et la plupart des autres groupes, c'est que nos concerts ne sont pas une suite de petits morceaux qui s'enchaînent n'importe comment. C'est un tout. Et si quelqu'un d'autre, même du groupe, apporte un morceau, il sera différent des autres et cassera le rythme, l'évolution du concert."
En effet, la musique de Magma a une espèce de fil conducteur. Pourtant très pop, très rythmée, la batterie jouant un rôle prédominant, elle fait penser à une messe noire, où le groupe crée un monde autre et vous y emporte. Et tout cela symbolisé par les Kobaïens, leur langage, leur planète. Un monde qu'ils ont inventé, une nouvelle langue qu'ils ont créée de toutes pièces et dans laquelle ils chantent : "C'est un peu comme la musique, c'est un nouveau langage à apprendre. Même si tu ne le comprends pas, tu peux le ressentir. D'ailleurs il n'est jamais question pour personne de comprendre tout ce qui se passe à un concert et pas plus pour nous. C'est une langue musicale et elle n'est pratiquement pas utilisable dans la vie courante. Elle comporte 800 mots, mais par exemple, elle comporte le mot apocalypse, pas le mot pomme de terre. C'est une langue qui s'est faite plus qu'elle n'a été faite : Christian chantait en kobaïen avant de décider de le créer".
Mais dans ce groupe où Christian Vander est pour le moins l'élément moteur, on a vite tendance à penser que Magma c'est Vander et ses musiciens. Clément Bailly, lui, préfère dire que c'est une collectivité, où il y a quelqu'un qui met les points sur les "i". Un groupe avec un leader. "Et puis, renchérit Benoît, on est tous payés à tarif fixe, environ 500 francs par soir et tous les membres du groupe sont au même tarif". Pourtant, ni l'un ni l'autre ne sont capables de dire si oui ou non les choristes sont aussi payées le même prix. Ils ne le savent pas "C'est un arrangement entre les intéressées, l'équipe de management, qui s'occupe de la situation financière du groupe et Christian, explique Klaus. S'il y avait le moindre problème ça se saurait et vite". Mais pourquoi attendre les problèmes pour se mettre au courant ?
Surtout quand on passe la plupart du temps ensemble : en tournée où ils ne peuvent pratiquement pas se séparer et aussi en dehors, quand ils sont à Paris. La plupart ont une vie familiale, une femme, un enfant ; mais ils ne veulent en aucun cas mélanger ces deux vies très différentes : "Une tournée c'est déjà dur comme ça, mais ça poserait encore plus de problèmes avec nos femmes ou copines".
A Paris, les membres du groupe se retrouvent souvent pour passer une soirée ensemble, déconner, mais chacun a sa vie privée. "On se voit beaucoup, mais on vit chacun chez soi. On n'a pas l'état d'esprit des gens qui vivent ensemble, explique Clément Bailly. Notre communauté, c'est la musique. La plus belle manière qu'on ait de vivre ensemble, c'est en faisant de la musique. Quant aux détails : avoir des piaules les unes à côté des autres, c'est sans importance. D'autant plus qu'on vit six mois de l'année en tournée, donc les uns sur les autres et qu'on a donc besoin de décompresser".
21 heures. Dans les coulisses, les musiciens s'impatientent car Vander n'est toujours pas là. Le groupe Art Zoyd passe en première partie Ils sont déjà sur scène.
Et puis tout s'arrange, Vander arrive, prend un bon quart d'heure pour régler sa batterie pendant l'entracte et magma jette ses premières notes, les premiers fils de la toile que ce soir ils tisseront à la perfection. Et l'ambiance va monter dans la salle, envoûtée par la musique. Devant, ils sont déjà une cinquantaine à "danser". Et surtout cette impression qu'il se passe toujours quelque chose entre le public et le groupe même si au départ la musique ne m'accrochait pas tellement, à cause de son côté sérieux et gigantesque. L'impression que quelque chose d'incontrôlable me prend, nous prend.
Ensuite, les rappels et l'hébétement dans la salle quand les lumières se rallument.
Propos recueillis par Arnaud.
Antirouille n° 16 / 17 - Juin 1977