MAGMA
Hippodrome de Paris (14 mai)Plan I : une impressionnante somme de matériel ; batteries, percussions, pianos, synthétiseurs, micros ; comme une image surréelle, baignée de mauve. Terrifiante mécanique; cymbales luisantes, désordre de câbles et d'électricité.
Plan II : Blasquiz / Raspoutine élève les bras et la voix ; de sombres ruisseaux se mêlent à ses cris ; trois choristes de blanc vêtus ; messe moyenâgeuse ; de gigantesques masques de démons apparaissent en un éclair de lumière, ça et là dans la salle pétrifiée, attentive.
Plan III : Guy de Lacroix danse. Chaque note de basse, étirée, glissée, personnalisée, est un pas. Deux heures durant il dansera, le seul peut-être dans le Magma actuel qui soit tenté par le swing... A ses côtés, Benoît Wiedeman lance comme des étoiles dans la nuit très noire et très secrète.
Plan IV : Vander abat ses baguettes sur les toms. Un coup de poing et il se fige, sphinx, ses yeux fixant chacun des cinq mille regards du public. Christian et Clément Bailly s'échangent les parties de batterie. Bailly tourne les rythmes, Vander intervient en orages brusques. Il parle en termes de puissance, de révolte aussi contre un ordre qu'il aurait lui-même établi.
Plan V : alors que les feux d'artifice éclatent, une acrobate sur son trapèze traverse le ciel. Le groupe joue très fort ; peut-être trop fort, et cela gomme un peu la dynamique musicale. Mais Magma fut-il jamais autre chose qu'une impitoyable machine à décerveler ? Il y a probablement un malentendu Magma. Peut-être vient-il de cette volonté d'atteindre le Surhumain, de se hisser plus haut que la misère des jours, peut-être cela vient-il de ce que sa force a d'effrayant lorsqu'elle se libère. Qu'importe les morceaux qu'ils jouèrent. Un fait est là : ce que Magma donne, il est le seul a en détenir la formule. Et cela restera, comme le souvenir de cet extraordinaire concert / spectacle.
P. C.
Rock & Folk n°126 - Juillet 1977