MAGMA :
Discographie 1970 - 1977

MAGMA
Parution 1970
Philips - 6395001 - 002

C'est en avril 1970, après un entraînement intensif (9 à 10 heures par jour), la démolition d'une maison suite au « climat serein » des répétitions, qu'est enregistré le 1° Magma, sans titre. Coup de balai énorme dans la musique française, ce double album fait figure de révolution. Violence, rythmique implacable, vocaux envoûtants, toutes les composantes de la musique Magma sont déjà là, à portée de la main. Le premier morceau, Kobaïa, est peut-être le plus révélateur de l'évolution à venir ; étant le plus dégagé des conventions musicales alors en vigueur. Pourtant, les attaches des musiciens sont très nettes : le jazz. La basse électrique cède parfois la place à la contrebasse ;les cuivres occupent une place primordiale, se lancent dans des solos proches du jazz. D'ailleurs, tous les musiciens (à l'exception du bluesman bien connu Blasquiz) viennent du jazz.
Tout ça, explique un premier double très brut, comme l'éclosion d'un style nouveau qui se dégage de la gangue des modes musicales. L'album est basé sur l'histoire de Kobaïa, les chants d'ailleurs sont déjà en Kobaïen. L'impression générale qui s'en dégage est parfois ombre, parfois lumière, à mesure que la
musique se libère de ses racines. En dehors de Vander, quatre des autres membres du groupe ont composé, ce qui ne fournit pas toujours les résultats les meilleurs, la musique se diluant alors dans des solos trop nombreux. Très construites, les compositions de Vander foisonnent de thèmes dont certains
seront réemployés dans les autres L.P. Une musique nouvelle, indéniablement belle parce que forte), mais inégale. La critique pour sa part est fort distante ; l'événement étant le plus souvent ignoré ou incompris. II faut dire que l'on parle de Kobaïa et que les dynamomètres ne sont pas encore à l'heure de la musique interplanétaire.
Et pour éviter de regarder la violence de l'esprit Magma (la pochette explique clairement les motivations du groupe, et représente une serre, l'insigne Magma écrasant le monde, ses fascismes, et ses immeubles, inutiles protections contre nous même ; on parle d'une « nouvelle case esthétique ». Cela passe mieux dans les salons que le graphisme brut de la pochette
« Terre, ceci te concerne. Tes systèmes écrasent et tes révoltes assassinent : en fait, tu ne détruis que ce que tu ne comprends pas. Nous savons que tu seras aussi détruite. Que tout ceux qui étouffent ici-bas, nous suivent. Mais que l'hypocrite n'espère rien ! Terre ! tu n'es déjà plus qu'un oubli. »

MAGMA
Parution 1971
100 1 ° Centigrades
Philips - 6397031

Un an plus tard, la composition du groupe n'a que peu changé. Seul le départ de Claude Engel (le guitariste du « Piano sous la mer ») au milieu de l'enregistrement modifie sensiblement la musique. Une nouveauté par rapport au Magma 1 : 3 morceaux seulement sur le disque, et la première longue pièce de Vander : Riah Sahiltaahk (21 minutes). Pour mettre dans l'ambiance, et faire comprendre que la première pochette n'était pas une erreur d'impression, Magma réédite : au dos de la pochette de 1001°, un poème en Kobaïen de Vander... avec traduction en français. Le contenu en est clair et net : « Flots du temps, ne pardonnez pas ; vengez ces âmes aux veines translucides qui ne demandaient qu'à respirer tes parfums trompeurs de haine et d'hypocrisie. Terre, purge ce premier néant ! ».

Le ton est donné, et la musique est à sa mesure. La première face, Riah Sahiltaahk, expose une suite de thèmes, presque complètement dégagés de l'influence jazz. L'impression est bouillonnante, confuse à la première écoute ; cependant, l'évolution par rapport au premier disque est nette. Plutôt que s'appuyer sur les solos, la musique repose sur l'enchaînement et la superposition de rythmes, créant cette sensation que Magma n'abandonnera jamais par la suite de machine implacable, d'une force qui poursuit sans cesse celui qui écoute. Pour ce faire, le groupe est divisé en deux : la force rythmique (dont la batterie de combat) et le peloton de cuivres (dont un régisseur stratégique). D'où une impression guerrière difficile à dissimuler. La séparation du groupe en deux entités est d'ailleurs plus sensible sur la face 2, avec une composition de Cahen (claviers) et une de Lasry (cuivres). II apparaît alors que Vander continue à prendre de l'avance sur les autres membres du groupe, la composition de Teddy Lasry comportant de magnifiques interventions de saxe, mais retirant parfois à la musique une partie de sa puissance et de la sensation d'avance constante que sait lui imprimer Vander. La lave bouillonne, la puissance est présente, l'œuvre n'est pas encore construite.

MAGMA
Parution 1973
Mekanik Destruktiw Kommandoh
Philips Vertigo - 6499729

L'oeuvre, la voici. C'est la seconde version de Mekanik Destruktiw Kommandoh, mouvement final de Theusz Hamtaak. Seul compositeur : Vander, arrivant de poids : Janik Top à la basse. Ce sera le morceau du groupe, celui que l'on attendra toujours dans les salles de concerts...
« Ce moment raconte l'histoire d'un peuple d'Europe Centrale qui, s'étant révolté contre sont tyran, marchait sur le palais. Et les chants de ce peuple était si beaux qu'il s'évanouit dans l'espace. Ce moment raconte l'histoire de... Mekanik... Destruktiw... Kommandoh. » Le disque enchaîne sept morceaux sans interruptions. C'est aussi puissant qu'une cathédrale, mais aussi vivant que celui qui écoute.
... Une attente, la naissance du piano qui crée une rythmique si lointaine... La présence plus proche des harmoniques de la guitare, chapelets de notes qui éclatent en bulle... Un rythme lointain, cœur qui bat, si faiblement de peur d'éveiller une contrainte... La voix de Klaus donne la liberté aux claviers qui descendent jusqu'à vous... Klaus reprend plus aigu, les notes d'orgues veillant au-dessus des accords inorganisés... encore, encore... puis Klaus reprend encore plus aigu, Stella le rejoint dans son chant... la basse accepte le rythme de la guitare... la batterie éclaire le paysage d'un soleil nouveau... c'est la naissance de la terre, des hommes... les chœurs répondent... et c'est l'éclatement de la joie, voix et guitares aux limites de l'aigu... il n'est plus possible d'aller plus loin, au-delà, c'est l'accord et la paix... les chœurs, la batterie et les claviers rapprochent leurs rythmes... clous de cuivres, montée des orgues pendant que la voix descend, une musique infinie, des tintements suraigus des percussions.
Plus loin ce sera la reprise de Da Zeuhl Wortz Mekanik qui ralentit, ralentit, jusqu'à la rédemption du peuple, exprimé par des chœurs très graves, 7 accords de pianos joués deux fois, et les chœurs féminins de Magma, qui escaladent les gammes... jusqu'à se dissoudre dans l'espace.
Mekanik est une construction vivante, évoluant au fil des départs et des arrivées dans le groupe (plus de trente musiciens ont joué Mekanik). Violente et directe dans sa première version (sur puissance 13 + 2), puis chaleureuse, Mekanik tend dans la version 1978 vers une plus grande liberté des instruments (en particulier de la guitare). Parce qu'il renaît toujours avec la même vie, mais jamais tout à fait le même, Mekanik est le meilleur symbole de Magma. Les 2 noms resteront attachés ensemble encore très longtemps.

MAGMA
Parution 1974
Tristan et Iseult
Utopia - 80528

Au cas où vous ne sauriez pas que Christian Vander adore faire des musiques de film, apprenez qu'il montre son nez dans « Moi y'en a vouloir des sous! », et qu'il soutient de ses rythmes puissants l'effort des pilotes du Mans dans « 24 H seulement ».
Mais pour Tristan et Iseult, l'histoire est un peu différente. En 1971, Christian et Klaus (Blasquiz) venaient d'enregistrer le second mouvement de Theusz Hamtaahk (Wurdah Itah). Le producteur du groupe leur emprunte la bande, qui échoue dans les mains d'Yves Lagrange, ce qui permet à Christian de voir le film « Tristan et Iseult » avec une version Dekheulasz de Wurdah Itah. Skandahl ! Un Kommandoh de l'Uniweria Zekt (Stella, Christian, Klaus et Janik Top) débarque en avril 74 dans le Studio de Milan et en 3 après-midi nous refait en entier le second mouvement de Theusz Hamtaahk. Quand on sait que certains groupes occupent des studios pendant un mois et plus pour un seul 33, on visionne la performance !
Qui n'est pas mince, compte tenu du résultat, paysages enneigés, marches forcenées dans la neige. Compte tenu du temps imparti, les arrangements sont faméliques, ce qui donne à Wurdah Itah un aspect de musique russe non négligeable. Blasquiz compense l'absence de chœurs par des performances à tout crac (comme dans Wainsaht !, en avant !), où il va chercher des aigus auxquels on aurait guère songé. Christian propulse l'album de bout en bout sur des rythmes étouffants. II est presque amusant à la limite de voir ce que peuvent faire Magma et le groupe de rock torride « Machin » à orchestration égale ! Pour éviter le ridicule aux rockers brûlants de tous crins, Magma se prive de guitare. Sympathique non ?
Et la musique ? c'est à 2 faces : les thèmes sont à la hauteur de ceux de Mekanik, les mélodies recoupent certaines de Mekanik ou de Kohntark, l'ensemble est d'une construction impeccable. Mais quand Magma se réduit à 4 personnes, (et surtout 3 après-midi) il lui est difficile de donner sa pleine mesure.
Le résultat est un disque très beau à sa manière, le nombre très réduit d'instruments lui donnant un son étrange, celui de l'ossature de Magma.

MAGMA
Parution 1974
Köhntarkösz
Philips Vertigo AML S 68260

1 mois après l'enregistrement de Tristan et Iseult, la bande à Vander se remet aux choses sérieuses et c'est Köhntarkösz. Changement de décor : nous passons de la morne Europe centrale enneigée à la torpeur de l'Egypte. L'histoire : Köhntarkösz entre dans le tombeau d'Emehntëht-Rê, et, en poussant la dalle du tombeau inviolé, soulève les poussières accumulées pendant des millénaires. Celles-ci le pénètrent, et pendant un quart de seconde Köhntarkösz voit défiler toute la vie et les recherches sur l'immortalité d'Emehntëht-Rê. Lorsque les poussières retombent, Köhntarkösz sait qu'il va passer sa vie à retrouver la splendeur qu'il a entrevue. C'est le premier mouvement d'Emehntëht-Rê, qui devait faire l'objet en 1977 d'un triptyque (mais allez essayer de vendre un triple album !).
Sous des latitudes si basses, la musique de Magma est devenue différente, et dépouillée au maximum. La batterie imprime des rythmes lents, l'instrumentation est réduite au minimum, seuls deux pianos assurent la mélodie, mélodie répétitive d'ailleurs, qui évolue lentement à partir de chaque thème de début de face, les variations étant assurées par les chœurs et la basse très simple (jamais simpliste) de Top. Ceci jusqu'à la fin de Köhntarkösz où les pianos parcourent le thème dans un sens puis dans l'autre, sur une mélodie de plus en plus rapidement modifiée. Un final magnifique. Pour compléter l'album : deux morceaux antinomiques : le paisible Coltrane Sundia de Vander, l'hommage au maître, à celui qui a révélé sa musique et sa vie à Vander.
Et en prime le morceau le plus dépressif des 10 dernières années, soit Ork Alarm, la première composition de Jannick Top pour Magma. Ork Alarm, c'est l'attaque du peuple d'Ork, qui est aux machines ce que les machines sont à nous. Ne cherchez pas, le peuple d'Ork, c'est nous dans notre quotidien. Une voix et une basse très gutturales, écrasées à la fin du morceau par la marche inexorable de 2 cymbales. Un titre très, très dur !!!

MAGMA
Parution 1975
Magma Live
Utopia - CYI 2 1245

Enregistré en juin 1975 à la Taverne de l'Olympia, avec un groupe totalement modifié (seuls survivants : Vander, Blasquiz et Stella, sœur de Christian). Magma Live (qui est un double) reprend en entier Köhntarkösz dans une version plus brillante, plus tranchante que celle du studio. Dans cette version, le rôle des pianos est tenu par les chœurs. Et l'effet en est magnifique, Magma y retrouve une chaleur et une sensibilité incroyables.
Suivent 3 morceaux, où des thèmes anciens ont été repris et épurés. Kobah, Lihns (la pluie, qui est un chef-d'œuvre de délicatesse (comme quoi Magma n'est pas limité à la force de frappes, la voix de Christian étant seulement par un clavier au début du morceau, la batterie entrant en jeu, puis le retour au thème initial, à la voix. Et surtout Hhai, un thème d'une finesse extrême, où le groupe entier retient chacune des notes, façonne chaque bulle musicale avant de la laisser s'envoler.
Enfin le disque se clôture sur Mekanik Zain (extrait du premier mouvement de Theusz Hamtaak), avec la recherche de la note parfaite sur un solo de basse, un déchaînement de Didier Lockwood au violon, et un extrait de Mekanik, très dépouillé. Si cette dernière face conserve un caractère expérimental assez rebutant, les 3 premières sont par contre de toute beauté, et donnent une première idée de ce qu'est Magma sur scène et du caractère mystique qu'il insuffle alors. Ça donne même envie d'applaudir.

MAGMA
Parution 1976
Üdü Wüdü
RCA Utopia - Bull 11790

Üdü Wüdü est un disque assez particulier ans l'évolution de Magma. Jugez plutôt, Üdü Wüdü est un Vandertop, soit une tentative direction à deux du groupe : Christian Vander et Jannick Top, le bassiste de Mekanik, Tristan et Köhntarkösz. Cette seconde réunion Vandertop n'a tenu que le temps d'un disque, mais pendant les cinq morceaux de la face A, elle a permis la naissance d'un des plus belles compositions du groupe : De Futura de Top.
Ce morceau est relatif au peuple d'Ork et au voyage dans le temps qu'il faut effectuer pour voir ce peuple. C'est un morceau Top, extrêmement dur mais d'un pureté cristalline : 3 thèmes seulement sont exploités en alternance. Mais ces thèmes sont tellement complémentaires que l'ensemble est prenant au-delà de toute mesure. Le son a un registre extrêmement large, le même que dans Mekanik. L'instrumentation est d'ailleurs assez semblable par sa puissance et sa détermination. Comme dans Mekanik, le principe de la naissance des sons est repris : cloche aiguë et batterie aux rythmes incohérents, que le mouvement de la basse vient relever en avant. La basse de Top d'ailleurs, encore plus ronflante et précise, un son très particulier : chaque note est décomposée, et pourtant l'ensemble de la mélodie ne semble être qu'une seule, toujours transposée des aigus vers les graves, puis les aigus. Le morceau s'achève sur un rythme obsessionnel où le synthétiseur élève vers les aigus sa sirène d'alarme. Ce morceau est transparent comme le verre, tout de suite compréhensible... et la version diffusée le 29 décembre sur la télé correspondait entièrement au mode Top :
« Derrière l'apparente dureté de cette musique, tout n'est que silence. » Ce jour, quand le synthé a lancé son hurlement d'alarme, on ne voyait qu'une ville atterrée, déchirée par un faisceau de lumière bleue, si métallique.

MAGMA
Parution 1977
Inédits
10001

Paru en 1977, ce disque reprend uniquement des enregistrements réalisés entre 1973 et 1975. L'étiquette « disque live » ne reproduit pas exactement la réalité... qui est que certains morceaux ont été enregistrés avec les moyens du bord pendant les répétitions. Rassurez-vous, le son ne s'en ressent pas trop, seuls les applaudissements paraissent timides... ce qui est évidemment le plus gros défaut que peut connaître un disque live.
6 morceaux composent cet album depuis Terrien si je t'ai convoqué, du temps de 1001°, à Om Zanka de l'époque de Magma live. Le résultat est un disque aux sons différents, où l'importance des premiers temps est contrebalancée par la prédominance, des cuivres des derniers disques. 20 musiciens jouent sur les différents morceaux. Cependant, le résultat est à l'image de la pochette : en 2 couleurs. Un disque valable mais où aucun morceau n'atteint la puissance de Mekarik ou de De Futura. Aussi nous décernerons une mention à Sowiloi et à Gamma Anteria, simplement pour attendre que Magma sorte ses prochains morceaux … bientôt... bientôt...

D'ici-là, pour les insatiables nous citerons quelques albums qui n'ont pas le privilège d'être Magma à 100 % :
- UNIWERIA ZEKT - PHILIPS 6332501
- PUISSANCE 13 2 - THELEME 6641037. Un seul morceau : la première version de Mekanik
- UTOPIA VIVA - RCA 42519 Soit... Janik Top
Et les 45 tours...
- HAMTAAK-TENDAI KOBAH – PHILIPS 6009 145
- MEKANIK MACHINE - A et M AMS 7119 ---Extrait de KÖHNTARKÖSZ
- MEKANIK KOMMANDOH - PHILIPS 6009185

Jean-François PAPIN Laurent BUVRY
Rock en Stock – Août 1978
Zeuhl Merci : Yves ROHRBACHER

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