Interview Christian Vander et Stella.
Radio Bavaroise de Munich - Paris - 13 Décembre 1981La traductrice (avec une trés belle voix à la Marthe Keller) :
Est-ce vrai que tu as eu l’idée de créer Magma en entendant une chanson de Coltrane, “Out of this world” avec un copain ?Christian Vander :
Non. D’abord parce que la bonne version de “Out of this world” n’était pas sortie à l’époque, elle est sortie après sa mort. Mais bien longtemps après sa mort…Peux-tu raconter l’histoire de la formation du groupe et comment est née l’idée de tout le mythe de Magma, du langage que vous avez crée, etc…
Bon, certainement, quand j’ai fait ça je ne l’ai pas analysé comme je vais l’expliquer. Je l’ai fait, bien sûr d’instinct… Après j’ai analysé le pourquoi, j’ai tout retrouvé les éléments. Maintenant je peux expliquer les éléments mais à l’époque je n’avais absolument pas compris ça.
Mais comment ça a commencé ?
C’est très compliqué. D’abord j’avais fait un groupe avec Bernard Paganotti et on jouait des morceaux de Otis Redding. Et j’ai pour la première fois composé un thème. C’était trois ans et demi avant Magma. Ce thème s’appelait “Nogma”. Mais je cherchais un nom pour le thème J’ai cherché longtemps et j’ai trouvé Nogma.
Quelles sont les deux variantes de l’histoire de Magma ? Celle d’aujourd’hui, comment tu l’analyses, et celle de comment ça a réellement été à l’époque.
Ce que je raconte maintenant c’est comme ça s’est passé à l’époque, dans l’ordre chronologique. J’ai eu le temps d’y penser…
En fait, inconsciemment, bon j’avais fait ce thème “Nogma”, mais je cherchais certainement le nom Magma qui n’était pas encore mûr, en moi. Mais j’avais trouvé quand même “Nogma”. Je dirais que c’était un mot qui me hantait, un nom comme ça qui me hantait, je sentais un mot qui voulait sortir de moi-même en fait. J’ai trouvé “Nogma” mais ce n’était pas encore mûr puisque j’ai trouvé “Magma” que, donc, trois ans et demi après. Alors, j’avais fait ce thème et on chantait déjà en Kobaïen, j’avais trouvé des mots qui sonnaient bien avec la musique. Et ce n’était déjà ni en Français ni en Anglais. C’était autre chose déjà. On chantait déjà dans une autre langue à cette époque-là.Et comment cela se fait justement, que tu as créé un autre langage ?
Ça s’est fait tout seul, c’est un langage que j’ai senti, qui sortait de moi… C’est très compliqué l’histoire. J’ai analysé aussi pourquoi j’écoutais toujours des musiques où il y avait une sorte de cri. Ray Charles, John Coltrane, ou Hendrix dans certaines choses… parce que j’avais envie aussi de sortir quelque chose… et ces mots n’étaient pas des mots que je calculais… quand j’avais envie de hurler quelque chose de désespéré je sortais un mot qui était… tous les mots Kobaïens je les ai sorti dans un Cri. C’est un langage organique, ce n’est pas un langage intellectuel… comme l’espéranto j’ai déjà donné l’exemple… Mais ce n’est pas un langage intellectuel, c’est un langage organique. Je n’ai pas cherché à faire ce langage, il est venu naturellement.
Est-ce que cette langue contient un système comme toutes les autres ?
Non.
Est-ce que ce langage peut se traduire mot par mot ? Car j’ai lu un poème sur une pochette de disque. J’ai l’impression que c’est une langue qui se traduit… ou est-ce seulement des onomatopées ?
Je vais expliquer. Avant de trouver la signification d’un mot, parce que comme les mots n’existaient pas, il fallait retrouver le sens des mots. Mais pour le retrouver, on ne pouvait le retrouver qu’en faisant quelque chose de profond. Pour moi c’était la musique. Donc c’est en me mettant au piano et en chantant le mot dans certains climats que j’arrivais à retrouver l’essence du mot. C’est-à-dire… que ce soit le mot “vie”, le mot “mort” ou autre… il fallait que je sache à force de répéter le mot que c’était certainement ça que ça voulait dire. Mais quelquefois ça prenait un an deux ans trois ans… Il y a des mots que je n’ai pas traduit encore parce que je ne sais pas ce que ça veut dire. Ça a pris quelquefois 5 ans. “Zess” par exemple, ou certains mots, je n’ai pas trouvé tout de suite sa signification.
Oui mais chaque mot à sa signification et tu les réutilises chaque fois.
Oui, ça c’est vrai. Mais par exemple pour un thème comme Mekanik Destruktiw Kommandoh, c’est un thème que j’ai traduit du Kobaïen pour que ça garde l’impact de ce que c’était en Kobaïen. Mais en fait Mekanik Kommandoh ne se disait pas Mekanik Kommandoh en Kobaïen. C’est évident. Il fallait quelque chose qui frappe très fort aussi, comme le Kobaïen. J’ai cherché les mots Mekanik Destruktiw Kommandoh pour arrivé à retrouver un peu la violence qui se dégageait du nom original… En fait, Mekanik Kommandoh est une traduction du Kobaïen mais n’est pas du Kobaïen ! Par exemple.
Quand j’ai fait le morceau Mekanik Kommandoh, j’avais une idée bien précise du thème. Je ne pouvais pas décrire ça autrement que par un titre très marqué, très choc. J’ai essayé de trouver un titre qui se rapprochait de la violence qu’il y avait en Kobaïen, l’espèce de choc qu’on devait éprouver en le disant en Kobaïen. Mais en Kobaïen personne n’aurait compris alors je voulais qu’au moins l’essence de la démarche soit comprise.Pour créer quelque chose, que ce soit un langage ou que ce soit de la musique, il faut être au maximum de son physique. On ne peut pas inventer de la musique ou créer un langage si le cri ne vient pas du plus profond. Là on peut trouver un mot, comme en musique il faut jouer AU FOND ! Il n’y a pas un musicien qui a trouvé une musique, un style de musique, ou un esprit de musique, qui n’ait pas joué à se faire saigner des mains, ou comme Coltrane qui saignait de la bouche, il a fallu jouer jouer jouer ! C’est une conception très profonde de la musique et le langage c’est pareil. Pour créer quelque chose, il faut souffrir en le faisant.
Oui alors, l’histoire de Magma…
Donc, à cette période, j’avais donc fait le groupe avec Bernard Paganotti. John Coltrane est mort. Et pour moi ça a été beaucoup de choses qui s’effondraient… peut-être parce que j’avais un vieux rêve de jouer avec lui, le voir… bon j’ai été très déçu. Et je suis parti en Italie où je peux dire que j’ai pleuré Coltrane pendant deux ans.
Ensuite, là-bas, je savais plus quoi faire, j’ai travaillé avec des groupes, pas avec des groupes Italiens, avec des groupes américains, des musiciens Américains. Aussi avec Arthur Conley, un chanteur de Rythm&blues. Je peux dire qu’à cette époque-là, j’ai pris pas mal de drogues et j’ai bu beaucoup d’alcool, parce que j’avais envie de me suicider en fait un peu… Je n’avais pas envie de survivre après Coltrane alors je ne savais pas comment faire, je n’avais pas envie de me mettre une balle dans la tête non plus… Alors je buvais pour oublier… toutes les nuits j’écoutais John Coltrane. C’était un peu le feeling de ce moment-là. C’était un prétexte. En fait, j’ai simplement quitté la France pour essayer de comprendre ce qui se passait. Alors donc j’ai bu, je me suis drogué, certainement d’autres gens ont fait ça, peu importe… jusqu’au jour où j’ai pensé que c’était pas possible que John Coltrane ait fait ça pour rien… qu’il m’ait donné une envie de jouer comme ça, parce qu’il m’a tout donné. Il m’a tout donné, il m’a donné envie de jouer, l’énergie, tout… donc il ne fallait pour mourir si on aimait Coltrane en fait. Il fallait essayer de continuer… je savais qu’il fallait essayer de continuer… Mais comment et pourquoi je ne savais pas… Puisque d’abord je ne connaissais personne avec qui jouer de la musique, et puis je ne pensais même pas créer moi-même une musique à travers ça…Comment tu as trouvé les gens ?
Bon, un soir parmi tant d’autres, à Turin, je buvais encore du whisky, je peux même dire que c’était mon deuxième verre. J’ai posé mon verre de whisky et j’ai dit : tu ne boiras plus jamais. J’ai posé le verre, j’ai dit : je boirais plus ! Je suis rentré à l’hôtel et je me suis couché. Et je me suis réveillé en pleine nuit, et je croyais que j’allais mourir. En fait j’ai eu l’impression de mourir. J’ai réveillé le trompettiste et je lui ai dit : je vais mourir ! Et lui il était tellement défoncé qu’il m’a dit : Mais non ! Mais non. Et puis il s’est rendormi… J’ai passé une nuit… je croyais que j’allais mourir cette nuit là… je ne savais pas pourquoi. Et finalement je me suis endormi. Je me suis levé le matin et je suis descendu dans la rue et j’avais l’impression que toute la ville était complètement illuminée. Et je marchais dans la ville, j’avais l’impression qu’il y avait une clarté incroyable. Je marchais et je me disais : qu’est-ce qui se passe ? Et je suis rentré dans une pharmacie… parce que j’avais l’impression qu’il se passait quelque chose de pas normal… MOI et… je sais pas… J’ai dit au pharmacien : je ne me sens pas très bien ! Et il m’a dit : attendez ! Mais je suis sorti, je n’ai pas attendu qu’il revienne et j’ai continué à marcher comme cela dans la ville illuminée. Je dois préciser que je n’avais ni bu ni pris quoi que ce soit… ni drogue ni autre, j’étais très clair… Je n’ai jamais pris de LSD, c’est important de dire ça aussi parce qu’on s’imagine toujours que les gens qui ont des visions en ont pris… Alors j’ai continué à marcher. Et j’étais fiancé avec une fille en Italie que j’aimais beaucoup. Et, je ne sais pas, je lui ai téléphoné de la gare, je lui ai dit : j’ai décidé de rentrer à Paris. Je ne savais pas pourquoi mais il fallait que je rentre. Je lui ai téléphoné de la gare de Milan.
Non, de Turin ! T’étais à Turin !
Non, je suis parti de Turin, j’ai été à Milan. Je ne savais pas quoi faire, j’ai bougé, j’ai pris le train et j’ai été à Milan. Je vais pas tout raconter, je peux dire aussi que j’étais en seconde… rires…
Donc j’étais à Milan et je lui ai téléphoné de la gare et je lui ai dit : allo… Natalina, je pars à Paris.
Elle m’a dit : où tu es ?
Je lui ai dit : je suis à la gare de Milan, je m’en vais.
Elle m’a demandé : Mais… combien de temps ?
Je lui dis : je m’en vais, je sais pas, je m’en vais…
Et donc là j’ai pris le train, je suis rentré à Paris. En voyage j’étais complètement perdu, je savais pas ce qui m’arrivais. Je la quittais, c’était déjà très dur pour moi… C’était, je ne sais pas, un mélange… mais il y avait quelque chose au-dessus qui était plus fort que ça, il fallait que je rentre à Paris de toute manière.
À Paris, j’ai fait une sorte d’épuration. J’ai bu de la limonade et j’ai mangé du riz pendant 6 mois. La limonade, je ne sais pas pourquoi mais par contre j’ai eu besoin de manger du riz pour m’épurer complètement. J’ai arrêté tout, café, tout… je me suis éclairci l’esprit. Et ensuite, j’ai commencé à rencontrer les gens avec qui je devais faire Magma. Mais toujours par hasard en fait. Quelqu’un m’a téléphoné un jour pour jouer avec. C’est là que j’ai rencontré Laurent Thibault, et Francis Moze. Francis Moze, qui est devenu le bassiste de Magma. Mais dans ce groupe, il était organiste. Et puis tout s’est fait très vite en fait. J’ai rencontré François Cahen.
À l’époque, tout le monde jouait une musique très cool, mais en fait il n’y avait ni énergie ni cri ni rien. Et moi je voulais montrer qu’il y avait des gens qui aimaient la musique qui avaient envie de bouleverser quelque chose… Et je jouais la batterie, bon quand je commençais à jouer je cassais toujours une ou deux batteries. Ça… pourquoi ?… Mais ça faisait peur tout ça. L’énergie faisait peur en fait, moi je crois. Parce que je connaissais ces gens-là, avant. Quand c’était la mode de porter des fleurs, ils ont porté des fleurs, et ils se font fait raser la tête avec Krishna et tout ça. En fait je savais très bien qu’intérieurement ils avaient plein de problèmes et que c’étaient des gens hypocrites.
Des meilleurs musiciens de l’époque qu’il y avait à Paris, dits “meilleurs musiciens”, moi je ne savais pas comment monter un groupe de cette envergure et finalement j’ai téléphoné à des gens qui étaient complètement inconnus et qui sont devenus en six mois les gens les plus connus à Paris. C’était une bonne revanche. Francis Moze n’était même pas bassiste au départ, il jouait un peu de basse et un peu de guitare mais il était organiste. C’est quand même fou, il avait un sens du rythme terrible.Et comment tu as rencontré les autres musiciens ?
Je jouais avec Mal Waldron dans un club qui s’appelait le chat qui pêche. Et François Cahen est venu me voir jouer et il m’a demandé si je cherchais un pianiste. J’ai dit : oui. Je ne le connaissais pas. Il est venu à la maison et ça s’est fait… Mais avant même de rencontrer François Cahen moi j’avais composé. En fait on avait pas encore trouvé le nom Magma. Et j’avais fait la fameuse tournée, une tournée de casinos. Avec Francis Moze à l’orgue, c’est comme ça que je l’avais rencontré. Et on jouait dans les casinos, une musique complètement folle. On jouait des thèmes de Pharoah Sanders où il y avait une espèce de cri. Et on faisait peur aux gens du casino. Les gens venaient boire du champagne et puis nous on commençait à jouer et tout le monde tremblait dans les chaises parce qu’on on leur balançait un cri à bout portant auprès des tables. Ils se demandaient ce qui se passait. On a saccagé la tournée aussi. Et là j’avais fait mon premier morceau qui était “Kobaïa”. “Kobaïa”, c’est le premier mot qui est venu. “Kobaïa” est le premier mot qui est venu. “Kobaïa” est le premier mot que j’ai chanté. Je l’ai composé à la guitare ce morceau alors que je ne suis pas guitariste (il fredonne la mélodie). C’était le premier truc, le premier mot qui est venu. C’est pour ça que j’ai tout appelé “Kobaïa”. “Kobaïa” veut dire “éternel”. Parce que je cherchais à exprimer le cri. Je parle toujours du cri, cet espèce de Cri qu’avait inventé John Coltrane avec Pharoah Sanders. Mais il n’y avait AUCUN musicien qui connaissait cette musique. Donc j’ai été obligé de faire jouer à des musiciens une musique assez simple. C’est-à-dire, Pharoah Sanders avait fait de la musique assez simple sur deux accords où on pouvait reprendre le thème et au moins jouer un peu cette musique-là… on ne pouvait pas attaquer franchement la musique de John Coltrane parce que c’était trop complexe harmoniquement, ou il y avait trop de choses il fallait un pianiste incroyable pour jouer ça, alors que Pharoah Sanders on pouvait jouer et tourner dessus sur un thème très agressif aussi… enfin, c’est compliqué…
Le nom René Garber, est-il très important pour l’histoire de Magma ?
Oui oui. Après cette tournée folle, on s’est séparés avec ces musiciens. Et moi j’ai joué dans un orchestre de Rythm and Blues. Après cette tournée, on s’est séparés mais en se promettant qu’un jour on recommencerais cette chose-là… avec Francis Moze et Laurent Thibault qui est devenu le producteur un peu après… on s’était promis de grandes chose, on avait parlé de longues heures dans la voiture en disant : un jour peut-être on fera une musique où on pourra dire enfin ce qu’on a envie de faire… alors au revoir et peut-être à un de ces jours…
Donc j’ai à nouveau continué à faire ce que je faisais avant, bon, je ne savais pas encore, Magma ce n’était pas fait… j’ai joué dans un orchestre de Rythm and Blues. Et j’ai joué dans un festival où il y avait dix orchestres de Rythm and Blues qui jouaient. Et d’un seul coup, je vois un orchestre comme les autres et il y a un saxophoniste qui commence à jouer. Et normalement dans le Rythm and Blues, un solo de sax ça dure une minute… il va jouer le thème, puis le chanteur commence. Et lui il a joué trois quart d’heure ou une heure… mais déjà j’ai trouvé ça absolument anormal… rires… il jouait comme un fou pendant une heure, il a déliré pendant une heure… Et je le regardais et j’avais envie de lui parler parce que je savais qu’il écoutait John Coltrane aussi… Alors je lui ai parlé et lui m’a dit qu’il m’avait vu jouer déjà avant et que c’était la première fois qu’il avait entendu un batteur qui jouait certains coups de batterie que personne n’entend… je jouais la musique de James Brown, or il y a certains coups de grosse caisse qui sont plus ponctués que d’autres. Mais ça personne ne l’avait entendu. Mais moi je le jouais comme lui l’avait entendu. Il disait : j’ai compris que tu avais l’esprit… c’est important ça… Il avait déjà remarqué et pourtant je ne jouais pas Coltrane, je jouais des coups de grosse caisse…
J’ai parlé avec lui et je lui ai dit : si un jour je fais un groupe, je te téléphonerai et tu viendras. Et puis en fait tout s’est précipité très vite. À la rentrée, dès que je suis revenu de cette tournée de Rythm and Blues, j’ai revu certains copains à Paris… un percussionniste plus ou moins africain : Paco… J’ai rencontré des gens qui avaient vraiment envie de faire quelque chose tout de suite… Ça s’est précipité en fait. Je pensais faire ce groupe-là peut-être un an après, six mois, deux ans, je ne savais pas. Et là tous les éléments se sont imbriqués, j’ai tout de suite rencontré tout un tas de musiciens. Et on a commencé à répéter, sans savoir encore que ça s’appelait Magma… On s’est simplement réunis dans un local qui était un studio. On avait la chance aussi, on ne sait pas pourquoi, d’avoir un studio à nous. Alors que depuis on a jamais eu un studio ! Mais là on avait rien, on nous a prêté un studio à Pathé Marconi à Paris. Et on a répété comme des sauvages je peux dire… on travaillait de dix heures du matin à deux heures du matin… sans interruption… pendant ce temps-là… mais on jouait toujours cette musique Pharoah Sanders… UN morceau on jouait… Kobaïa !… Et une chose donc qu’on n’explique pas, c’est que le guitariste qui jouait avec nous qu’on avait déjà trouvé qui s’appelait Claude Engel, répétait toujours les trois accords que moi j’avais trouvé à la guitare… sans savoir pourquoi, alors que c’était un super guitariste ! Il jouait ça toute la journée sans se poser de questions… De dix heures du matin à deux heures du matin et il restait ! Il savait pas pourquoi il restait, parce que quand même !, pour un guitariste comme ça, jouer trois accords pendant quinze ou seize heures de suite, il fallait vraiment qu’il se passe quelque chose d’autre… Tout le monde sentait qu’il allait se passer quelque chose… on ne pouvait pas l’expliquer. François Cahen n’était pas là… Il y avait simplement des fous dans un studio en train de répéter toujours toujours la même chose en disant : on va tout changer ! On va tout changer ! On va tout changer !!… Ce qui était drôle, c’est qu’en fait des musiciens dont certains n’avaient pas voulu jouer avec nous, répétaient dans le studio à côté. Et c’était un des groupes les plus connu en France à l’époque qui s’appelait à l’époque “Triangle”. Et eux venaient en répétition vers quatre heures de l’après-midi et ils partaient à huit heures du soir. Or nous on était déjà là à quatre heures depuis dix heures du matin, mais ils le savaient parce que quelquefois ils venaient à trois heures mais on était toujours là !… et ils partaient à huit heures… on ne s’arrêtait jamais !… Moi je me rappelle quelquefois je mangeais un sandwich mais il était sur la batterie le sandwich… je mangeais le sandwich à la batterie… ils nous regardaient à travers la glace la glace du studio comme ça, ils osaient même pas rentrer, rien !… ils se disaient mais qu’est-ce qui se passe là-bas ? Ils sentaient bien qu’il y avait quelque chose d’absolument pas normal qui se passait. Sans savoir en plus qu’on répétait après ça jusqu’à deux heures du matin. Donc ils avaient peur, ils avaient peur… (rires)…Il y a une anecdote qui est bien, c’est qu’on n’avait pas de chanteur, et il y avait un espèce de mec qui me parlait tout le temps, que je prenais pour un abruti… rires… C’était un type qui me demandait toujours pur chanter avec moi qui avait les cheveux longs et une barbe. Et puis pour moi c’était quand même les petits oiseaux et les fleurs, j’avais quand même une méfiance. Et il me racontait toujours des histoires plus ou moins drôles. Il me disait j’ai envie de chanter, j’ai envie de chanter… je disais, oui d’accord on verra… nous on avait un chanteur, qui avait une belle voix, mais qui ne chantait pas en mesure. Mais bon, c’était un ami de la tournée des casinos… Donc on n’osait pas non plus, vis-à-vis de lui, essayer Klaus… Mais un jour, on a fait une maquette. Le chanteur ne pouvait pas chanter en mesure. Conclusion : on avait d’abord fait la basse, la batterie, ensemble avec les cuivres… le playback, la base… et le chanteur devait chanter après, dessus… Et j’ai écouté la bande à la maison. Et j’ai entendu une voix qui était derrière la bande, qu’on entendait au fond. Et en fait, c’était Klaus qui était assis au fond du studio, qui chantait, et sa voix était reprise par le micro du piano. Et j’ai entendu le chant “Kobaïaaaa” par la voix de Klaus, je me suis dit : mais qui est-ce qui chante là ? Et c’était Klaus ! Mais Klaus, on s’était fâché avec lui, entre temps !, parce qu’on lui avait dit : non non, tu ne peux pas faire partie du groupe, on veut pas, c’est Zabu, c’est l’autre chanteur… et lui était partie en colère. Et moi j’ai écouté, j’ai dit : c’est lui Klaus ? Et on a cherché Klaus partout après… On ne l’avait pas entendu dans le studio ! Ça aussi c’est magique, je veux dire, c’est fou…
Il faut dire qu’on avait répété dans ce local pour monter un groupe, on avait pas tous les musiciens de Magma mais on avait envie de montrer que la musique existait déjà… et il y avait un club à Paris qui s’appelait le Rock’n Roll Circus où tous les musiciens qui étaient très connus à Paris : Triangle, Martin Circus, tout ça, jouaient. Et on avait monter ce groupe, très vite, pour aller jouer dans ce club. Pour montrer que la musique existait. Les gens disaient que c’était là qu’il y avait la musique. Que tout était là. Mais nous on savait qu’il n’y avait PAS de musique et on voulait leur montrer qu’il y avait des fous… voilà…Et on ne jouait que Kobaïa, qui n’était d’ailleurs pas très bien joué parce qu’on avait pas tous les musiciens de Magma… même Francis Moze ne jouait pas encore la basse… il y avait Laurent Thibault qui jouait la basse et il ne savait pas jouer de basse !… rires… il avait seulement l’esprit… On a commencé à jouer. Et c’était tellement fou !… il y avait les musiciens de Wilson Pickett qui étaient là. Et ils ont voulu monter sur scène en disant c’est génial, c’est fantastique ! Et il y a un Américain qui était dans la salle, qui s’est levé, qui est monté sur la table et il a dit : c’est le meilleur groupe du monde !, c’est le plus grand groupe du monde… et c’est lui qui nous a payé le pavillon où on a pu répéter et tout ça…
Qui était cet Américain ? Où se trouvait le pavillon ?
L’Américain s’appelait Karl Knutt. Le pavillon c’était celui d’un ami à lui qui habitait à la vallée de Chevreuse. Il nous a prêté ce pavillon. Ce qui fait qu’à partir de ce moment-là, on a eu enfin le temps de chercher de bons musiciens, de faire travailler les musiciens, de créer la musique quoi, Magma. Une chose qui est drôle aussi, c’est qu’avant de rentrer au Rock’n roll circus, j’ai demandé à jouer et on m’a dit : comment s’appelle le groupe ? Et on avait pas de nom. Et Laurent Thibault a dit : mais c’est le meilleur groupe du monde !
-Mais le meilleur du groupe, je m’en fous moi… comment vous vous appelez ?
Alors on m’a demandé comment s’appelle le groupe… J’ai réfléchi très vite et j’ai pensé à Nogma… c’est revenu et j’ai dit : Magma ! Magma c’est là… Et c’est avant de rentrer dans le Rock’n Roll Circus qu’on avait trouvé le nom “Magma”… Laurent Thibault disait : mais vous connaissez pas c’est le meilleur groupe du monde !
Et ensuite l’Américain qui s’est levé en disant la même chose… c’était complètement fou… C’est comme ça qu’on a trouvé “Magma”. Et le même jour, au même moment, j’ai trouvé “Magma”, “Uniweria Zekt”, j’ai trouvé ces deux mots-là…Qu’est ce que ça veut dire ?
Une secte universelle, où il n’y a qu’un esprit. Uniweria Zekt, ça regroupe tous les gens qui ont l’esprit dirigé sur cette chose. C’est une secte qu’on a créée. Une secte ouverte.
Est-ce que ça a à faire avec une religion ? Est-ce qu’il y a un contenu de cette secte ?
Oui, mais ce n’est pas qu’une religion. L’esprit c’était de créer un mouvement, au moins déjà, international. Où on pouvait défendre une idée. Alors que ce soit des musiciens, ou des gens du théâtre, ou des scientifiques, ou autre… Et on a commencé à faire le mouvement et puis après on a arrêté parce qu’on a eu des problèmes avec la police parallèle…
C’est quoi la police parallèle ?
C’est une police qui surveille un peu tout ce qui se passe à côté. Et s’il y a des mouvements qui commencent à se former pour… Et on m’a posé… j’ai été un peu surveillé… et on a stoppé. On va recommencer, mais… Ils sont venu à la maison et ils m’ont dit : on est les assurances, la compagnie d’assurance je ne sais quoi… En fait, tous les jours il y avait des gens qui étaient en bas, qui surveillaient, j’ai déménagé, je suis parti…
Le livre d’Antoine De Caunes est le seul livre pour l’instant en Allemagne qui renseigne sur toi. Et toi tu n’étais pas tellement d’accord, et on voudrait d’abord savoir pourquoi. Qu’est-ce que tu critiques à ce bouquin ?
Au départ je critique tout… rires… Mais je pense qu’Antoine de Caunes a pris quelques renseignement, quelques anecdotes. Et puis après ça il a écrit son bouquin. D’ailleurs on ne comprend pas les anecdotes vraiment. J’avoue franchement, j’ai rien compris de ce que j’ai lu dans ce livre. Il a tout ébauché et rien terminé, en fait. Et puis de toute manière il a parlé de choses qu’il ne connaissait pas non plus. Il a imaginé des choses.
Quelles sont les anecdotes, tu peux en citer une par exemple, avec lesquelles tu n’es pas d’accord ?
Non. C’est-à-dire que je n’ai pas pensé à ça. Je ne me souviens plus. Le livre, je l’ai lu quand il est sorti. Et puis depuis je ne m’en souviens plus, il y a un tas d’anecdotes. Il a tout ébauché, et rien terminé, ne serait-ce que des anecdotes amusantes, on n’en comprenait pas l’issue de l’anecdote, on se demandait où il y avait à rire là-dedans. J’ai lu une anecdote, même simple, par exemple… ma première batterie… on comprend pas… J’avais raconté que ma première batterie, je l’ai eu dans des circonstances marrantes… Il y avait un trompettiste Américain, Chet Baker, il habitait à la maison, et puis on s’amusait, bon il voyait que je n’avais pas de batterie, on travaillait tous les deux les 4/4 sur un buvard… et il disait : oh c’est malheureux, pauvre Christian, tu n’as pas de batterie, t’en fais pas je vais me débrouiller pour t’en avoir une. Et il vient un après-midi me dire : tu passes ce soir au club de jazz le “Chat qui pêche” et je t’aurais une batterie… Alors d’accord… tu prends un taxi et tu m’attends dehors… ok !
Je l’attends au Chat qui pêche à l’heure convenue, à dix heures du soir… Il me charge la batterie à toute vitesse dans le taxi il me dit : voilà je te paie le taxi, tu rentres chez toi…
Et puis j’ai appris trois ans plus tard, qu’en fait, la batterie il l’avait volée au batteur avec qui il jouait dans le club et que le soir il n’y avait pas eu de batterie parce que bon, le batteur n’avait plus de batterie… C’était une batterie de location en plus de ça. Et il m’est tombé un procès parce que je n’avais pas payé les traites de la batterie. Enfin un truc de fou. C’est comme ça que j’ai eu ma première batterie. Par Chet Baker.Et ce n’est pas vrai cette histoire ?
Si ! Ça c’est la réalité. Mais lui il a raconté un truc, on ne comprend strictement rien de ça, bon, il y a mille anecdotes, ça c’est rien, c’était un truc marrant. Mais il y a des trucs où c’est plus grave… je sais plus quoi bon je ne me souviens plus, le bouquin je l’ai lu une fois, ça m’a pas intéressé…
Les histoires qu’il y avait dans la maison où vous étiez avec tout votre groupe avant votre premier album… et puis l’histoire du serpent python, comme quoi tu avais un python autour du cou dans le métro. Ces histoires sont vraies ?
Oui, c’est vrai. Je crois qu’il n’y a rien d’autre à ajouter. L’histoire du python, c’est vrai. Et puis on a répété dans un pavillon qu’on nous a prêté pendant quelques mois, pour six mois, je ne sais pas, pour mettre le groupe au point. Et c’est tout, il n’y a rien d’autre à ajouter.
Quand est-ce que tu as commencé avec la musique ? Et surtout, est-ce que tu as eu une formation musicale pour être batteur ?
J’ai commencé très jeune en fait, pas à jouer, mais à aimer la musique. À trois ans, j’écoutais déjà du jazz… J’avais deux possibilités chez moi… je n’ai pas été élevé avec mes parents. Et j’avais un oncle et une tante qui m’ont élevés et qui n’écoutaient que de l’accordéon en musique… et j’avais soit le choix d’écouter des disques d’accordéon, enfin, pas des disques d’accordéon, mais la radio, une fois tous les dimanches avec “mon bel accordéon”, une émission qu’il y avait… ou alors écouter du jazz. J’ai quand même choisi d’écouter du jazz. Donc dès le départ, j’avais une vocation, un feeling pour le jazz… contrairement à ma petite voisine qui écoutait la même chose que moi mais qui préférait jouer avec sa poupée pendant que j’écoutais des disques de jazz… Donc déjà, il n’y a pas de vocation ratée…
J’écoutais Stravinsky aussi, Bach. Et puis dès l’âge de dix ans et demi, onze ans, j’ai commencé à jouer avec des aiguilles à tricoter. Tout le monde à du faire ça, sur des plateaux, sur des trucs… Et ensuite j’ai eu la chance de rencontrer Elvin Jones, le batteur de John Coltrane, qui est venu à la maison. Et qui m’a enseigné le départ…
À quelle âge ?
Oh ! Douze ans…
T’as pas eu une formation musicale pour être batteur.
Ah ! Non ! Elvin m’a enseigné la base. C’est-à-dire : voilà, c’est comme ça qu’il faut traiter une batterie. Ensuite, je n’ai jamais été dans une école de batterie, bon bah d’abord, ça ne m’intéresse pas. Parce que je trouve qu’on crée des batteurs standards. Tout le monde connaît tout mais tout le monde joue de la même manière les mêmes choses… Je vois tout de suite un batteur qui sort d’une école parce qu’il joue exactement comme le voisin. En fait ils jouent tous pareils.
Est-ce que Elvin Jones a été ton véritable prof et combien de temps as-tu reçu une formation de lui ?
Deux ans de suite parce qu’il jouait avec un trombone qui s’appelait Bob Brookmayer qui était en tournée à Paris. Et quand il était à Paris, il venait toujours chez ma mère parce que le saxophoniste qui s’appelait Bobby Jaspar, était le meilleur ami d’Elvin Jones. Ma mère était la meilleure amie de Bobby Jaspar, donc elle a connu Elvin Jones comme ça. Et c’est pour ça qu’Elvin Jones était à la maison. Je peux dire qu’à quatorze ans, je jouais “My favorite things”, rigoureusement, déjà…Est-ce qu’Elvin Jones t’a vraiment appris la technique, comment il faut agir sur la batterie ? Ou était-ce une formation générale ?
C’était surtout la manière d’aborder la batterie. Comment on approche la batterie. C’est ça qui est très important en fait. La batterie, c’est pas fait pour se caresser. La batterie, il faut creuser, il faut chercher à l’intérieur, il faut jouer “strong”… Souvent les batteurs ont une conception superficielle, c’est-à-dire, jouent la peau à l’extérieur, entendent le son… Ils veulent une batterie qui sonne bien, c’est-à-dire qu’il faut qu’elle soit réglée, et qu’elle sonne bien… Et ils ont UN son… Or, une batterie Gretsch, par exemple, il y a MILLE sons… ça va à l’infini… plus on creuse, plus on trouve le son. Bon, Elvin Jones il a cette conception. Il peut avoir dix sons sur la caisse claire, dix sons sur les toms. C’est jamais la même chose ! Il y a une musicalité incroyable. Or ici, bon, si les batteurs jouent avec un son de batterie. Si la batterie est déréglée, ils ont un autre son alors qu’Elvin il arrive toujours à retrouver le son…
Comment continuer ton histoire musicale après les expériences que tu as eues avec Elvin ?
Comme je n’étais pas Elvin Jones, je ne pouvais pas décemment continuer à jouer du jazz… Il y a eu une fusion à ce moment-là. Après la mort de John Coltrane. Ce qui se passe c’est que j’avais, bon c’est difficile à dire ces choses-là, parce que je n’aime pas dire des choses comme ça mais mettons que j’avais dix ans d’avance sur la batterie contemporaine à ce moment-là… Parce que moi j’ai suivi l’évolution de John Coltrane au jour le jour. Les gens ont écouté Coltrane dix ans après sa mort ou cinq ans. Mais moi j’ai suivi l’évolution de Coltrane au moment de son évolution. Quand Elvin faisait quelque chose qu’il n’avait jamais joué, j’étais le premier à l’entendre. Enfin, au moins ici en Europe, peut-être pas, mais au moins ici. Et ce qui fait que, quand je jouais de la musique, il y avait du Rythm and blues à l’époque, il y avait les musiques funky, Otis Redding, moi je mélangeais de jouer le tempo Rythm and Blues avec Elvin Jones… alors que tout le monde jouait takatakatakaboum… Il faut pas oublier qu’Elvin Jones est le premier batteur qui a mis la grosse caisse à contre temps… Il jouait pas takagoun’, il jouait ounkata ! Et ici, si on jouait ounkata, les gens entendaient takaoung’ et donc ils se mettaient à contretemps… Et donc j’avais de gros problèmes pour jouer avec les musiciens qui ne comprenaient rien. Or moi je vivais avec ça, je jouais ça comme naturellement. Et eux ils n’entendaient pas ça… je me faisais jeter partout, c’était insupportable…
C’est le jazz qui a amené ça.
Oui mais très tard. Le jazz a amené ça mais très tard. Parce qu’il y a eu une fusion. Parce que Tony Williams a commencé à jouer binaire. Mais nous on avait fait un groupe avec Bernard Paganotti et on jouait déjà du jazz rock, je peux le dire parce que c’était ça : on jouait du jazz rock en 1967 ! Et eux ils ont commencé à faire du jazz rock en 1973, en 1972.
Donc ce qui s’est passé exactement c’est qu’à l’époque, il y avait soit la musique binaire, soit le Rock’n Roll, soit le Rythm and Blues, où les tempos étaient relativement simples et les rockeurs, ou ceux qui aimaient les musiques funky ou la soul music, n’écoutaient que la soul music, ou les rockeurs que le Rock’n Roll… Or, moi j’ai eu la chance de connaître Coltrane à une époque où il n’était absolument pas connu. Et Elvin Jones, le batteur de Coltrane, était à la pointe de la batterie moderne, avant Tony Williams ! Donc à ce moment-là, moi je pouvais faire une synthèse des deux styles. Parce que je connaissais les deux styles… Mais il a fallu un temps incroyable avant que les batteurs de rock aient conscience du jazz. Il a fallu McLaughlin pour ça. Mais ça a pris des années pour ça.
Ils ont eu l’idée de le faire par McLaughlin parce qu’il était un intermédiaire entre le rock et le jazz. Il jouait des phrasés de rock avec une énergie de rock et un feeling de guitariste qui pouvait intéresser tous les guitaristes Anglais qui sortaient d’Hendrix, qui avaient envie d’inventer autre chose. Et McLaughlin les a amenés à quelque chose de plus jazz quand même… Mais avant il y a eu d’autres expériences aussi… il y a eu Miles Davis qui a commencé à faire des expériences binaires.Il y avait des gens qui jouaient du rock uniquement, et des gens, du jazz uniquement. Il n’y avait pas encore la fusion entre ces choses-là… Alors que maintenant, il y a beaucoup de musiciens funky qui écoutent du jazz aussi… Mais c’est plus parce qu’ils savent que les gens qu’ils aiment jouent des réminiscences de jazz, plutôt que parce qu’il sont dans le jazz… et c’est pour ça qu’ils jouent une musique funky, mais froide, en fait… Les vrais musiciens funky Américains sont directement issus du jazz… ils peuvent très bien jouer de la musique funky et puis aller jouer un thème de Coltrane. Alors qu’eux ne connaissent qu’un côté des choses. Ça c’est dramatique.
Le ternaire est basé sur les triolets et le binaire sur les croches.Si on veut conclure avec ça : Elvin Jones a tué la musique ternaire, enfin la musique de jazz, parce qu’il a été jusqu’au bout, on pouvait pas aller plus loin dans la musique ternaire… Après ça il fallait faire la musique binaire. Et c’est Tony Williams qui a commencé.
Quel genre de musique rock tu as entendu en même temps que Coltrane ?
J’ai commencé par écouter Ray Charles. Alors c’était pas du rock, c’était du blues. Et j’écoutais que Ray Charles.
NB : l’émission coupe. Puis reprend :
(…) C’est pas de ma faute ! Ce n’est pas que je veux me faire voir, c’est que je joue, j’essaie de jouer À MORT… pour ça, je ne sais si je vais rester vivant chaque minute…
C’est comme l’océan, si on a pas connu les algues avec les poissons, on a pas envie de défendre. C’est sûr. Et plus ça ira moins les gens auront envie de défendre l’océan parce qu’ils ne l’auront pas connu. Ceux qui n’ont pas connu Coltrane l’ont pas vu mourir tous les soirs, moi je pense qu’ils font une musique comme une distraction, quelque chose, en donnant du cœur… mais ce n’est pas suffisant.On a un bassiste très fort, il joue fou, il a une énergie incroyable… mais lui n’a pas le sens des nuances par exemple… mais il est fou… on peut faire ce qu’on veut, si ça n’arrête jamais il n’a jamais de fatigue. Mais, il ne sait pas ce que ça veut dire la musicalité à travers tout ça… Janik il avait tout. Mais lui il comprend une chose… l’énergie, la folie d’accord. Mais à l’intérieur des nuances, rentrer dans un climat… ça il ne sait pas…
Est ce que tu as des contacts avec les musiciens actuels en France et qu’est-ce que tu en penses sur la scène musicale du rock, ceux qui sont actuels.
Je les connais tous, mais je ne les fréquente pas. Je les trouve nuls. Depuis dix ans, j’ai eu le temps de voir des musiciens qui faisaient, ou du rock ou autre chose, en disant : nous ça va tout casser… Je les regarde jouer je ne vois pas d’énergie, je ne vois rien, pas de mise en place. Je leur fais la guerre. Je ne veux pas les voir.
Quels sont les groupes Français auxquels tu fais la guerre ?
Je peux dire des noms, ça n’a aucune importance pour moi… Trust, Téléphone, Bijou, ce qu’on veut…
Pour moi il n’y a qu’une manière de jouer de la musique ou de la faire ou de se comporter sur une scène, c’est quand on voit quelqu’un et qu’on ne sait pas s’il va sortir vivant de la scène. Sinon pour moi ce n’est pas de la musique c’est de la triche. Le reste, je m’en fous.
Soit tu joues pour te marrer, soit tu joues pour autre chose. Il n’y a rien entre. Il n’y a pas de demi mesure. Ou on dit : je joue pour m’amuser avec des copains, dans un stade ou je ne sais quoi, on fait n’importe quoi. Ou alors, on fait une musique complètement folle. Il n’y a pas de milieu. Ou on décide de faire un jeu. Et à ce moment-là il faut dire : ce n’est pas de la musique, c’est un jeu, avec des gosses, qui jouent. Ou alors ce sont des hommes qui jouent une musique qui exprime le sentiment profond de l’humanité. Un espèce de feeling qui dépasse le fait de : moi je n’ai pas à manger tous les jours, moi je vis dans un HLM. Ce n’est pas une motivation suffisante. C’est une motivation, mais qui n’est pas comprise dans la grande motivation. On n’en parle pas. Moi j’ai souffert de la faim, j’ai souffert de l’habitation, mais je n’en ai jamais parlé dans la musique, ce n’était pas majeur pour moi. Alors qu’un chanteur de rock, il va parler de sa souffrance de sa galère, de ci… enfin je veux dire un espèce de cri assez dur, c’est pas facile la vie blabla… ce n’est rien ça, rien du tout, on est tous pareil… je l’ai vécu mais je n’en ai jamais parlé. Comme je n’ai jamais éprouvé de sentiments de jalousie. Je n’ai pas dit : mon voisin à une belle voiture, je n’en ai pas, c’est dur…
Tu chantes souvent des trucs où on a l’impression qu’il s’agit d’une apocalypse. Qu’est ce que tu veux réellement exprimer par ta musique ? Et Quelle est ta conception vis-à-vis des problèmes sociaux ?
En effet, on parle toujours de l’apocalypse. Chaque thème qu’on joue raconte toujours la même histoire. C’est toujours la même histoire, à des degrés différents. C’est à dire, simplement au départ, l’histoire de la vie et de la mort. Le pourquoi. Mais simplement au niveau le plus bas comme quelqu’un qui va travailler et qui lui ne se pose pas de questions. Il mène sa vie soit de paysan soit autre. Et il a sa vie et sa mort avec ses aspirations en tant que paysan. Ainsi de suite, au niveau plus scientifique. Et ensuite au niveau spirituel. On parle des trois degrés. Et à la fin, on parle d’un morceau qui lui ne parle ni de la vie ni de la mort mais simplement du dernier jour. C’est à dire du néant.
Toujours la même histoire quel que soit le thème. Des fois c’est au niveau de la vie du quotidien, simple. Et des fois, des morceaux à degrés plus célestes… Comme des morceaux beaucoup plus longs 40 minutes. Mais ça raconte toujours la même histoire à des degrés différents.
En fait, pour moi, je pars du principe qu’il y a plusieurs vies, et que chaque vie est un acquis… Ou alors ce n’est pas vrai, mais si ce n’est pas vrai, à ce moment-là comment se fait-il qu’il y ait des gens qui se comportent comme des porcs et d’autres qui se comportent déjà un peu mieux mais tout en faisant beaucoup d’erreurs aussi… et comment se fait-il qu’il y a ceux qu’on ne voit pas du tout qui se comportent carrément très bien mais qui restent dans un monastère ? Des gens pour moi comme John Coltrane, étaient des gens en transit. Pour moi c’est la dernière fois qu’il sera dans le monde subjectif. Il rentre dans le monde objectif après. Il n’y a pas quelqu’un en transit tous les 10 ans. Forcément. Il y a quelqu’un qui donne une direction, pour donner envie aux autres de faire le transit. Attention ! Et ceux qui ont compris, peuvent à nouveau aller en transit.Coltrane t’a donné envie de faire ce transit ?
Au départ je n’ai pas compris, j’étais trop jeune. Mais il m’a donné l’énergie. Peut-être que ce que je fais ne ressemble actuellement pas à ce que fait Coltrane. Mais je sais déjà que déjà l’apport qu’on a fait sur des gens, leur a donné envie de se dépasser. Enfin quelque chose de plus. Pour des gens ici je représente ce que Coltrane représentait pour moi. Pour quelques personnes. D’autres comprennent Magma comme on écoute de la musique pour se distraire. Mais pour certains, ils ont compris AUTRE chose. C’est simplement comme il y a dans les anciennes traditions, certaines tribus, certains sorciers donnaient la formule qui se transmettait de génération en génération. De sorcier en sorcier. C’est la même chose à un autre degré. Bach devait être en transit. Wagner aussi était en transit.
Qu’est ce que tu veux communiquer au public ?
Ce que je veux communiquer est incommunicable.
On a fait une chose qui était rarement faite. C’était de faire, de pousser une idée pendant 10 ans, sans craquer. C’est à dire, un même état d’esprit pendant 10 ans. Et en fait je me suis aperçu que ce qu’on appelle l’élite, les gens qui soi-disant comprennent mieux les choses que les autres, et bien ils ne devraient pas être deux mille aux concerts maintenant, mais deux mille multipliés par cinq ou dix. Parce que au bout de trois ans de concert, il y avait deux mille personnes. Donc, au bout de dix ou onze ans de concert. Il devrait y avoir 6000 ou 10000 personnes aux concerts.
À mon avis, les gens qui ont envie d’écouter de la musique, c’est en fait très souvent pour se sortir d’une merde intellectuelle. Soit des problèmes familiaux, soit qu’ils entrent dans la vie après l’adolescence, soit qu’il sont an pleine l’adolescence et qu’ils se posent la question de savoir qui ils sont. Ils cherchent une identité ou quelque chose. Quand ils sont sortis de ça et qu’à nouveau ils se marient, qu’ils ont une femme et des gosses, à nouveau ils écoutent les Rolling Stones, ou ils écoutent une musique douce au coin de la cheminée avec leurs chaussures au coin du feu, voilà. Donc ça ne servait à rien de leur transmettre ça, puisque dès qu’ils se sont trouvés, ils sont trouvés comme leurs parents en fait, très souvent, ils se retrouvent au même stade ! Donc, sur ces dix ans, sur chaque génération qui est passée, il reste peut-être cinquante personnes que je connaisse, peut-être trente… je dis trente, mais je ne suis pas sûr, si je pense, virez, j’en connais quinze, quinze qui sont restés pareil. J’en connais quinze depuis le début. Peut-être quatre par cycle…Qui n’ont pas fait quoi ?
Qui n’ont pas craqué. Qui n’ont pas mis les chaussons devant la cheminée… qui ont dit : j’ai senti un esprit et j’assume toujours l’esprit. Alors que ceux qui m’ont dit ça, qui m’ont dit j’aime ça à mort et tout, sont entre temps mariés et puis maintenant ils sont devenus comme les gens qu’on rencontre. Ils n’ont plus besoin d’écouter de la musique de fou, ils ont envie d’écouter de la musique calme, tranquille, qui leur apporte une récréation quoi. Or moi j’ai pensé que tout le monde aimait la musique comme moi j’aimais la musique. Moi j’ai jamais trahi John Coltrane. J’ai toujours été là.
Par exemple, quand j’ai commencé la musique, bon, il y avait deux mille personne aux concerts après trois ans. Et je me suis dit : ceux qui sont là qui viennent me voir qui me disent : c’est fou on aime ça, on adore ça. Allaient rester comme j’étais resté pour Coltrane et que l’année d’après, ça allait être eux plus d’autres et l’année d’après, eux encore plus d’autre et ainsi de suite… or, l’année d’après, le cycle avait changé. Ceux qui avaient dix-sept ans quand ils écoutaient Magma, commençaient à avoir vingt ans, changeaient d’état d’esprit. Et puis je rencontrais d’autres nouveaux qui avaient dix-sept ans qui disaient : ah ! j’aime ça à mort… Mais au bout de cinq ans je m’apercevais que les têtes du début je ne les voyais plus, je les voyais plus… C’étaient d’autres. Tout avait changé !… Tout était changé ! Moi j’ai rien changé… La musique restait la même mais les têtes n’étaient plus les mêmes en face de moi. Donc j’ai eu l’impression de jouer pour des fantômes.
Un jour, j’ai dit : je joue pour des fantômes ! Et je me suis posé la question de savoir si je devais monter sur une scène. C’est pour ça que j’ai stoppé le groupe avec Bernard Paganotti et Didier Lockwood, quand on jouait Konhtakosz. J’ai stoppé le groupe parce que je montais sur scène et je n’étais pas motivé… je me disais : pourquoi ? Pour quoi faire ? Le plus dur ça a été de remonter sur une scène et essayer de trouver une autre motivation. Enfin, essayer d’aller plus loin plus loi que ça.Et pourquoi tu as continué ?
J’ai continué parce qu’en fait j’ai toujours pensé à Coltrane. Les gens buvaient leurs consommations et ne l’écoutaient même pas… Enfin, ils l’écoutaient, mais Coltrane de son vivant n’a jamais eu de public. Donc j’avais pris de mauvaises habitudes en fait, j’avais envie d’avoir du public.
Veux-tu bien lire ce texte dans ton langage ?
Ouais mais je ne peux pas le dire vraiment, faudrait que je le dise très fort !
Oui mais dis-le très fort !
Mais non je ne peux pas. Parce que très fort c’est très fort !… C’est un feeling, je veux dire, les mots n’ont pas été faits pour être lus comme une récitation. Ce sont des commandements ça ! On remercie à chaque fois pour quelque chose. Je peux dire les mots comme ça… Hortz fur dehn Stecken West… je peux lire les mots…
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire : nous remercions un maître. Il y a un maître, nous remercions ce qu’il a fait, ce qu’il nous a donné… Hortz wirtla uts mitlait… ce que nous sommes, c’est-à-dire, tout l’amour qu’il nous a donné… et on remercie encore ce maître… ensuite, on remercie Zebehn Strain de Geustah (rires), qui n’est qu’un élément. Et on remercie parce que maintenant Kobaïa est à nous. Maintenant, grâce à ça, on atteint Kobaïa… Hortz wlasik Kobaïa… Merci, par ça nous atteignons Kobaïa…
Celui-ci est un texte très simple. Maintenant, pour arriver à cette simplicité-là, il faut passer par TOUT. Toutes les questions. Si je dis : bonjour. Il n’y a rien en moi… c’est “bonjour”… il n’y a plus rien derrière… “bonjour” veut dire bonjour… pour les gens ça peut vouloir dire beaucoup de choses… mais on arrive au moment où le mot veut dire ce qu’on entend… Quand je dis un mot : c’est “fantastique”. C’est parce que c’est fantastique sinon je dis rien… Les mots prennent leurs essences véritables… “Il n’y a rien dans ma tête”… c’est très important ça, “il n’y a rien dans ma tête” veut dire que… je me couche le soir, il n’y a ni agression, ni problème, ni autre… Si j’ai un problème, je le règle avant de m’endormir. “Il n’y a rien dans ma tête” ça veut dire : plus rien que ce qui est actuellement… plus de place pour ce que j’appelle la merde dans la tête… il n’y a plus de place pour ça, il n’y a de place que pour les choses qui sont actuellement. Les choses vont très vite… et actuellement il se passe des choses, je suis disponible parce que je n’ai rien dans la tête. Si je pense ça ça ça, il est trop tard ! Je suis en retard sur le temps… Les gens qui pensent trop sont en retard, ils doivent penser d’abord pour assimiler les choses. Mais quand c’est assimilé, c’est définitif. On acquiert en état de la conscience des choses. On ne fait plus d’erreurs. Je ne mettrais pas ma cendre à côté du cendrier… même si je parle. Je sais que je mets ma cendre… Je ne raterai pas le cendrier. Je suis conscient.Existe-t-il une grammaire ?
J’ai essayé de voir un peu, mais c’est difficile, parce que si j’avais tous les mots je pourrais essayer de comprendre même tout le sens d’une grammaire éventuelle qui pourrait se trouver à l’intérieur de ce langage. Mais le problème est que je n’ai pas tous les mots… alors j’essaie parfois de regrouper des mots… je me dis : bon ça c’est une liaison avec ça… ça, ça doit être un verbe… Quand j’aurais plus de mots encore je me ferai aider par un linguiste…
Sur MDK, il y a beaucoup de mots qui ont rapport avec la bible… illumination, maître etc… Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Je vais raconter l’histoire. Mekanik Kommandoh, au départ, c’est trois volumes, trois disques, une trilogie… Premier mouvement : Theusz Hamtaak. Deuxième mouvement : Wurdah itah. Troisième mouvement : Mekanik Destruktiw Kommandoh … c’est trois ascensions… Au départ, c’est la prise de conscience d’un peuple paysan qui se révolte simplement contre son tyran. Qui se révolte, qui fait la guerre au tyran. Ils vont d’une contrée à une autre contrée, pour annoncer que ça va être la révolte, qu’ils vont être libérés du tyran. Et ils se déplacent d’un village à l’autre pour annoncer ça. Mais, Theusz Hamtaak, c’est le mouvement de la conscience. C’est l’esprit qui travaille… l’esprit qui analyse les choses… donc, c’est un mouvement d’esprit, simplement… Après ça, il y a la prise de conscience des gens qui veulent simplement se révolter, et puis détruire le tyran… Et, le mouvement numéro trois, c’est les gens qui prennent les armes, et qui marchent vers le tyran, pour le détruire… Et finalement en marchant - il y a déjà une marche dans le mouvement numéro deux, mais simplement ils commencent à marcher pour aller se battre. Alors ils pensent : bon je vais quitter ma famille, ça va être difficile pour moi, enfin des trucs simples… ça va être dur, pourquoi faire la guerre, blabla… ou alors : je suis fier de faire la guerre… enfin différents feeling selon les gens qui pensent… - et dans le mouvement numéro trois donc, ils marchent. Et là, ils n’ont plus rien à penser parce que ça fait longtemps déjà qu’ils marchent. Et là ils marchent simplement, sans réfléchir. Et l’un d’eux qui a l’esprit complètement vide commence à se demander pourquoi ils marchent. En fait il est plus éclairé que les autres. Il prend conscience de l’inutilité de cette démarche dans l’absolu… que finalement l’être humain est voué à d’autres aspirations…
Wurdah Itah, on l’a fait en 1973. Avec seulement Janik Top, moi au piano et au chant, et deux chanteurs seulement. C’est la seconde partie. C’est ouvert… seulement sur une corde… on joue uniquement une basse sur un ré… presque toujours… comme la musique indou, on arrive à un “ôm”… Avant on cherche le “ôm”, et là, on le trouve… dans mekanik…
Quel était ton propre comportement vis-à-vis de la religion ? Ta conception.
Bon j’ai expliqué tout à l’heure, mais je n’ai pas terminé. Alors donc, soit tout le monde est Dieu et on doit respecter même ceux qui ne respectent pas. Soit ceux qui sont des porcs sont des porcs, et à ce moment-là, nous on connaît plus, à étages différents, on en connaît plus qu’eux, et à ce moment-là ce sont des porcs. Donc ils vivent le même temps que nous et ce sont des porcs, donc ce ne sont pas des êtres humains, donc on ne les respecte pas parce qu’à ce moment-là nous on est quoi ? on est plus on est Dieu ? Ou eux sont des êtres humains ratés, ou quoi ?
On respecte les gens qui nous paraissent respectables. Mais est-ce que toi tu respectes des gens que tu aimes parce que tu choisis une élite avec qui tu gravites ou qui gravite autour de toi. Donc, ces gens-là tu les respectes ou te respectent. Vous vous êtes choisis… Par contre, vous voyez d’autres couches dessous et vous ne leur parlez pas parce qu’ils ne vous paraissent pas dignes d’intérêt. Mais par contre !, il y en a peut-être d’autres qui vous regardent et qui pensent la même chose et qui sont d’un degré supérieur. Ainsi de suite… Seulement, tous ces gens-là vivent dans le même temps. C’est pour ça qu’il y a des discordes, parce qu’on n’est pas tous au même degré, on n’a pas tous les mêmes aspirations.
Et la religion ?
Bah justement, ce n’est pas terminé. Si donc on respecte moins ces gens parce que, soit ils en savent moins que nous, soit on les considère comme des gens ayant moins d’aspirations, on les considère donc comme inférieurs, forcément. Dans ces cas-là, ça veut donc dire qu’on ne vit qu’une fois avec des gens qui sont des gens peu intelligents, et avec d’autres moyennement intelligents, et avec des gens très intelligents. Pour vivre le même temps. Dans la même période de cycle. Seulement si c’est ça, personne n’est Dieu. Ça veut dire qu’on ne vit qu’une fois avec des gens intelligents et des porcs, ou des bouchers. Je suis très expéditif parce qu’il n’y a pas d’intermédiaire. Ou alors, tout le monde est Dieu, et à ce moment-là, ces gens-là sont nous aussi, mais dans un autre temps. Il leur faudra sans doute de nombreuses vies pour arriver au stade où on en est déjà. Par contre, quelqu’un qui est au-dessus a vécu encore plus longtemps, parce qu’il a un acquis supérieur. Il a une conscience de la vie et des choses, du respect, nettement supérieur. Et donc, cette personne là, peut-être, c’est la dernière fois qu’elle fait son temps. Mais il y en a qui ont la chance de la voir, comme la personne de John Coltrane je disais. Mais il y en a qui sont à des degrés en dessous…
Tout le monde est Dieu, mais pour accéder à Dieu il faut des milliards et des milliards de générations. Et un jour, il n’y aura plus de procréation puisque ce ne sera plus forcément utile, il n’y aura plus que ceux qui sont arrivées au stade du transit. Après le transit. Donc ces gens-là connaîtront l’immortalité du corps, pour en maîtriser la matière. Parce qu’il y en a qui maîtrisent la matière, qui vont au-delà du corps… qui peuvent décider de l’endroit de leur vie future, et après, certainement, à un stade qu’on ne connaît pas, décider de ne pas mourir. Et faire des voyages astrales ou autre, ou quelque chose qu’on ne peut pas imaginer en tant que terrestres. On arrive à une forme, bon je dirais, de demi-dieu, ce n’est pas ça, mais on arrive à une conscience complète. Mais seulement, si on est là pour en parler, c’est qu’on n’est pas dans un monastère ni même le stade suivant. Parce que le monastère c’est encore une étape avant un autre transit. Ceux qui sont dans un monastère, ceux qui ne sont pas visibles en fait, c’est ceux-là qu’il faut atteindre. Bon, ceux qui ne sont pas visibles, j’imagine une image d’un être humain démultiplié par un milliard… il part de zéro, où Dieu par exemple le crée, il fait un apprentissage sur des milliards de générations… et il arrive de nouveau à Dieu. Mais le jour où il est Dieu, il lui a fallu des milliards de vies pour comprendre. Mais, celui qui était le premier est déjà Dieu, les autres sont dans un ordre divers. Il y en a qui ont encore besoin d’un million de générations, d’autres de 500000 d’autres de 3000. C’est difficile. Pour qu’arrivés à la fin, tous ces gens, chaque UN devienne Dieu, là… et attendent, soient en état d’attente… Par exemple, il y aurait des milliards et des milliards de personnes qui auraient fabriquées UN dieu, donc dans toutes les générations il y en aurait des milliards pour fabriquer dix DIEUX, qui se fondraient en UN… rires… Et oui !
Parce que ces gens qui arrivent au stade de Dieu, peuvent être TOUT, peuvent être une fleur, puisqu’ils peuvent voyager… ils peuvent voyager dans une fleur, ils peuvent voyager dans une étoile, ils peuvent voyager dans une poussière, ils peuvent être TOUT, ils peuvent être eux-mêmes une poussière, ils peuvent être le parfum de la fleur. Ils peuvent être l’oiseau qui vole, et la proie en même temps ! Puisqu’ils peuvent être tout. Ça c’est le dernier cap. Bon, c’est pas terminé.Est-ce que tu t’es occupé d’une religion de l’Est. Genre thème bouddhiste.
Euh, non, je parle d’autre chose. D’ailleurs je n’ai pas terminé l’explication… Moi je peux répondre à toutes les questions, je peux répondre à n’importe quoi… mais je ne peux pas faire le mécanisme de recherche pour tout le monde pour que chacun comprenne à son degré.
On ne donnera qu’un exemple. Dans certaines sectes par exemple, si un maître fait un geste, il peut être interprété à plusieurs degrés différents. Il y en a un qui va comprendre qu’il doit aller chercher un livre, l’autre apprenti va savoir quel livre il doit prendre, l’autre saura quelle page, et l’autre saura quelle ligne, et l’autre saura entre la ligne, et l’autre saura que ça ouvre une porte qui donne sur d’autres livres, à la limite. Et là, chacun prend selon ce qu’il peut recevoir en fonction de ce qu’il a acquis. N’estimez pas que tous connaissent exactement la même chose… C’est exactement la même différence quand on apprend à un gosse à manger avec une cuillère. Il ne peut pas apprendre à manger avec une cuillère à trois mois. Il apprend progressivement à manger. Il met la cuillère là, et puis ça coule. C’est exactement la même chose avec les gens adultes. Mais comme ils sont adultes et qu’ils passent le cap adulte, ils s’imaginent tous qu’ils savent manger avec une cuillère. Mais ce n’est pas vrai, moi je les vois baver tous les jours !… Mais ça ne se voit pas !, c’est pas concret !
Dans une élite de gens, celui qui peut voir toutes les erreurs des autres, c’est celui qui sait le plus. Celui dont on ne peut pas voir une erreur, c’est celui qui sait le plus aussi.
Si par exemple tu vois quelqu’un faire une erreur, c’est que déjà il fait une erreur par rapport à toi. Mais celui qui ne fait pas d’erreurs, il a peut-être vu cinquante erreurs de toi, et toi tu n’as rien vu. Et pourtant on est quatre à parler. Je peux dire que j’ai vu des erreurs, là !, mais moi je n’en parle et je l’ai vu. Mais par contre, personne ne peut dire qu’il a vu une erreur.Stella intervient :
Excuse-moi, mais je n’ai pas bien compris.C’est simple ce que je dis. Celui qui sait, c’est celui qui voit les erreurs des autres, mais dont on ne peut pas voir les erreurs. Si tu veux, tu passes une journée avec quelqu’un, il va te dire : moi jamais je ne mets mes cendres à côté du cendrier. Si jamais à un moment donné, il met la cendre à côté du cendrier, tu vas te dire : il m’avait dit qu’il mettait jamais ses cendres à côté du cendrier… Tu vois, ça c’est déjà une erreur…
C’est la différence entre ce qu’il dit et ce qu’il fait !
Ce qu’il dit et ce qu’il fait… mais ce qu’il dit est ce qu’il fait, si c’est grandiose, l’erreur existe autant, tu peux autant te tromper… Tu peux dire : moi quand je marche, on ne voit pas mes pas sur le sol…
La relation reste la même c’est toujours une question d’étage aussi, c’est pareil… Je dis, le principal, c’est de toujours avoir conscience de cette chose-là. C’est ce qui fait aussi la différence. C’est comme ça qu’on peut dire : lui il mange encore comme ça avec sa cuillère, l’autre mange un peu plus comme ça. Et si quelqu’un dit : oh mais toi tu viens de faire ça !…
Moi je travaille beaucoup cette discipline. Je peux dire qu’il est excessivement rare quand je fais une erreur… c’est difficile à dire. Mais je n’ai pas peur de le dire !Toi tu ne crois pas que tu es sans faute, que tu es parfait ?
Oh non ! Je sais que je ne suis pas parfait, je connais mes erreurs. Mais chaque seconde, je travaille pour les corriger. Et quand on me fait une remarque, ce qui est excessivement rare, parce que les gens ont tellement d’erreurs qu’ils n’ont pas le temps de s’occuper des leurs déjà. Pour voir celles des autres faut déjà être très clair avec ses erreurs à soi, donc quand quelqu’un est assez clair pour me le dire, en l’occurrence, je connais une personne qui m’a fait une remarque, qui était Janik Top… par contre, moi je lui ai trouvé des erreurs aussi… et bon, c’était un duel… c’était, comme ça… C’est comme tout, quand on a assimilé ses erreurs, on ne pense plus… ce n’est pas épuisant… Le respect par exemple, rien que le respect des gens… avoir le respect en permanence, il faut s’oublier complètement déjà… j’essaie de m’oublier un maximum… Dans une journée, je suis toujours en train de penser : est-ce que je gêne quelqu’un ?… mais après avoir travaillé là-dessus, maintenant, je suis en position de respect. C’est-à-dire, j’essaie de penser si quelqu’un à soif… si quelqu’un est mal assis… je vois bien les choses… J’essaie d’imaginer tout ce qui peut se passer dans la tête de gens qui ne sont pas toujours motivés de la même manière. Il suffit par exemple de parler à des gens qui disent : j’aime l’esprit, j’aime parler de magie. Si on parle plus d’une heure avec eux, ils ont envie de boire un thé… il faut savoir quand ils vont avoir envie de boire le thé.
J’ai toujours faim après les autres, d’une manière générale. Et s’il reste un morceau de pain, il n’est jamais pour moi.Le sigle, quand est-ce que c’est né, qu’est ce que ça signifie ?
Je l’ai créé en même temps que Magma, c’était dans la même période. Ça s’est fait en 15 jours, tout est venu en même temps. C’est magique aussi. Je peux pas expliquer. Je l’ai dessiné à main levée. Je ne l’ai pas conçu en géométrie. J’ai eu cette vision du sigle, je l’ai dessiné à main levée. Moi j’imagine une patte, ou quelque chose d’un monstre de l’univers qui viendrait prendre la terre et la broyer. Mais pas un monstre humain, quelque chose d’inhumain, quelque chose qui n’a rien à voir avec la terre. Mais la personne qui a réalisé le dessin à l’époque en plus, n’avait jamais fait des choses comme ça, pour elle c’était une griffe qui venait broyer la terre… Bon, le dessin étant fini, je n’ai pas dit : recommençons la pochette ! Je pensais, à l’époque que chacun avait l’esprit dans son domaine… Moi j’ai dit : je dis ça à un dessinateur, il va comprendre… Il a compris ce qu’il a compris…
Justement, dans l’ensemble des bonshommes là en dessous, il y a une croix gammée. Premièrement, est-ce que tu voulais la mettre ? Et deuxièmement voulais-tu que ce soit vraiment broyé ?
Non. D’abord, je ne l’aurais pas mise.
Ah ce n’était pas mon intention ?
Non. Mais non mais attends !, je pourrais très bien dire que ce n’était pas mon intention et puis ce serait mon intention pour ne pas dire, euh bon, hein… Je n’ai rien imaginé, moi, je ne suis pas dessinateur. Moi j’ai simplement dit : j’imagine une foule… pas une foule de gens d’ailleurs… moi je voulais la terre, simplement la terre. La terre, une photo de la terre. Avec une patte qui venait de l’univers et qui prenait la terre comme ça, qui formait des crevasses… comme si chaque griffe ou chaque chose, prenait la terre comme un étau et formait une crevasse comme un cratère qui descendait, et dont fusait la lave.
Et pour l’histoire des croix gammées.
Et bien, lui, enfin la personne, elle en l’occurrence. Pour elle ce que ça voulait dire, c’est que là, tout était compris… Il y avait des blancs, y’avait des noirs, y’avait des croix gammées… y’avait tout ce qu’on pouvait imaginer sur terre. Mais tout était mis au même degré. C’est à dire que tout était balayé par Magma. Tout était balayé. Quelle que soit l’idéologie… le machin, le métro…
Et toi tu es d’accord ?
Je suis d’accord pour que Magma ne ressemble à rien de ce qui a eu lieu avant. Très important ! Je voulais que Magma ne ressemble à rien d’autre. D’ailleurs, quand j’ai vu la pochette, ça m’a paru ridicule, comparativement à mon idée.
Est-ce que les reproches qu’on connaît notamment en Allemagne…
Y’a eu des reproches en Allemagne ?
Oui !
Sur Magma ?
Oui… que vous avez beaucoup de parallèles avec le fascisme, genre l’emblème, les méthodes assez dures de travailler comme dans le fascisme… les maîtres, etc etc… les parallèles…
Bon, je voudrais essayer de répondre un petit peu… Méthodes dures, ça ne veut rien dire. Ce ne sont que des échos de concierge parce qu’en fait moi je n’ai jamais donné de méthode, puisqu’au départ j’étais un batteur… j’ai demandé : être batteur de Magma, je jouais de la musique. Mais seulement, si personne ne lève la main pour dire : faut faire ça… personne le fait… et si on lève la main pour faire, on est un fasciste parce qu’on donne des ordres. Alors qu’est ce qu’il faut faire ? Rien faire ? Et c’est ce qui se passe !… les musiciens du jazz qui jouent du be-bop, ne jouent rien ! Parce qu’il ne veulent pas dire à l’autre, au bassiste… plutôt que de faire cette note-là… fait celle-là !… il fait ce qu’il veut, le pianiste fait ce qu’il veut, il fait ce qu’il veut, il n’y a pas d’esprit, il n’y a pas de direction. Coltrane était un fasciste. Parce que lui dirigeait toute sa musique
Et toi tu es d’accord avec cette conception ?
Je suis d’accord pour diriger la musique
Oui mais pourquoi tu dis Coltrane était un fasciste ?
Dans le sens des commérages ! Si Coltrane a fait cette méthode, c’est donc un fasciste. Un grand fasciste !
Est-ce que c’est dur d’exister en France ?
Pour nous ? Oui ! Les gens sont complexés. Alors ils ont peur de faire quelque chose, ils ont peur de proposer quelque chose . Et ils se disent : si je propose, comment un tel va réagir ? Il y a des groupes qu’ils soient Anglais ou Américain, ils se posent beaucoup moins de questions que ça. Ils sont là et il y en a un qui dit : ça ça va pas ! Si on écoute des petits noirs qui parlent entre eux. Il y en a un qui va dire à l’autre : c’est mauvais ce que tu joues là joue pas cette phrase de guitare, je ne veux plus l’entendre ! Mais ici, il écoutera la phrase de guitare et il dira : je ne dis rien moi, je joue du piano moi ça ne me regarde pas, je ne suis pas guitariste.
Tes musiciens à toi ?
Non, c’est en général ça !
Oui mais tes musiciens à toi comment ils font ?
Ah ben ils jouent exactement ce qu’il faut jouer. Sauf !, si ce sont des génies. Exemple : Janik Top, qui peut jouer autre chose… C’est à dire que lui il écoute la partie que je lui donne à jouer… mais si il trouve une autre partie qui est mieux, il la joue… Et très souvent il a écouté, il a assimilé, il l’a joué. Et après, il a changé la partie. Parce qu’il pouvait… Mais les autres, quand ils changent la partie c’est pour jouer boung boung boung doung doung n’importe quoi en fait… alors je préfère qu’il jouent la partie rigoureusement exacte.
Au début, quand vous étiez dans le pavillon, tu n’étais pas le chef. Il y avait plusieurs compositeurs, plusieurs responsables. Et comment ça se fait que toi tu as pris la partie dominante ?
Bon ça, ça touche à un phénomène qui est grave dans la musique. Au départ il y avait trois compositeurs. Surtout Teddy Lasry, François Caen, et moi. Mais pendant que… moi je composais, je proposais deux trois morceaux, eux proposaient deux trois morceaux, et puis voilà on allait continuer comme ça… mais moi je continuais à travailler la musique, je continuais à jouer. Mais dès qu’il a été question d’enregistrer, tout le monde a commencé à calculer. Combien il va y avoir de droits d’auteurs ?… Le disque n’était pas vendu qu’ils avaient déjà fait des parts pour machin et tout. Donc dans leur tête, c’était tout de suite pour gagner de l’argent ! Une espèce de truc composé pour avoir des droits d’auteur. Et, sachant bien que j’étais en dehors du truc, ils avaient même décidé que moi je devais pratiquement donner tous mes droits au groupe, parce que c’était normal de tout séparer, alors que moi je faisais même le boulot pour leurs morceaux, je dirigeais même pour leurs propres morceaux, ils ne savaient pas trop comment diriger la chose. Ils voulaient faire un minimum, et avoir le maximum. Et ça c’est l’état d’esprit général. Alors ce qu’il s’est passé c’est que… progressivement comme ils n’ont pas gagné assez d’argent, parce que justement le disque ne s’est pas vendu comme ils l’espéraient, on faisait 25 concerts par mois, et là on gagnait juste de quoi manger… et bien ils ont craqués ! Ils ont aimé la musique jusqu’à un certain point. Mais la musique, quand il n’y avait plus d’argent, plus à manger, qu’il fallait dormir dans le camion, plus de musique ! Ils se sont tous imaginés aussi, qu’ils étaient des grands compositeurs. C’est à dire que, dès qu’ils composaient dans Magma, ils s’imaginaient qu’ils allaient quitter le groupe, et que chacun allait faire le meilleur groupe du monde. Ils ont même voulu me chasser du groupe ! Parce qu’ils voyaient que, finalement, le public se rendaient compte de qui jouait sur scène. Moi j’étais tous les soirs FOU ! Argent, pas argent, pareil ! Mais eux, quand il y avait moins d’argent, on le voyait sur leurs têtes, quand il y avait moins d’argent… rires… Alors les gens ne sont pas fous, ils viennent voir des musiciens et quand c’était l’heure des applaudissements, ben moi j’étais applaudis plus fort. Conclusion, ils ont dit : toi on ne veut plus te voir dans le groupe, t’es pas avec nous, t’es pas pareil que nous…
La pochette de Fusion avec les trois Ferrari est très étrange, horrible. Je ne comprends pas cette conception.
Ce n’est pas moi qui est fait la pochette. J’ai proposé une pochette avec des Ferrari, parce que j’estime que Ferrari c’est un esprit aussi. C’est les seules voitures qui sont encore faites à la main et qui ont un moteur vivant. Ce n’est pas une voiture avec une ferraille morte. Ce sont des voitures qui sont fabriquées avec cœur, avec amour. Ils ont travaillé un esprit depuis des années et des années. Depuis des années, ils travaillent sur un esprit. Donc, j’estimais que pour un disque de jazz rock, c’était bien d’appeler ça “Fusion”. Bon c’était aussi la lave, la fusion entre les quatre musiciens, et aussi la couleur rouge. Un rouge feu, comme les chevaux Ferrari. Quelque chose qui vrombit, qui part… C’était un truc simple, l’idée était simple mais je trouvais que l’idée correspondait bien. Je trouvais que défendre Ferrari, c’était important pour moi, et je voulais quatre Ferrari, je voulais des Ferrari, devant, comme ça, qu’on les prenne… Ffff !… des grosses Ferrari, qu’on se sente bien écrasé par la voiture, qu’on sente une impression de vitesse, une impression de force. Et puis le type, il a réalisé ça à la française. Depuis, on a refait la pochette. Les couleurs ont été respectées… les couleurs sont uniquement noires, rouges et jaunes. Et donc, il y a une grosse Ferrari devant, et puis le lettrage est respecté dans le coloris, il y a un lien entre les deux côtés de la pochette, elle est beaucoup plus belle.
Stella intervient :
C’est comme ça qu’elle aurait dû être si on nous avait demandé notre avis avant de la sortir.
Mais comment ça se fait d’ailleurs qu’on sorte des trucs avec lesquels vous n’êtes pas d’accord ?Mais parce que ce n’est pas mon disque !
Pour ce disque-là, il y a un manager, qui est le manager de Didier Lockwood, qui a eu l’idée au départ de faire cette réunion de musiciens, et c’est donc lui qui s’est occupé de tout ça. Une fois de plus on a fait confiance à quelqu’un et voilà…
Oui on a fait confiance. Il m’a dit : je connais un très bon maquettiste, blabla… un très bon photographe, j’ai dit : d’accord ! Pour moi, un bon photographe doit connaître son appareil comme moi je connais ma batterie, c’est tout.Stella, quel est ton rôle dans le groupe ? Quelle place tu occupes dans le groupe ?
Au départ je chante, parce que je suis là d’abord pour faire de la musique. Mais il se trouve que je m’occupe aussi beaucoup de management et de personal management, parce que c’est moi qui ai peut-être l’esprit le plus clair. Mais je n’ai pas chanté tout de suite au début du groupe, parce que c’était pas évident. Au début, je me suis un petit peu occupé du management intérieur du groupe, des relations avec les maisons de disque, des relations avec les manageurs, un petit peu… et puis un jour, on cherchait des filles pour chanter, à l’époque où on a commencé Mekanik Kommandoh. On essayait des filles et des filles et des filles… et puis ça allait pas, ça allait pas, ça allait pas… Et un jour pendant qu’une fille essayait, moi je faisais autre chose dans une autre pièce à côté, et je chantais en même temps. Et Christian est venu et il a dit : mais pourquoi tu ne chantes pas ?… Ben je sais pas…
Mais avant j’avais fait aussi les lumières… pendant presque un an… avec pas de matériel, avec ce qu’il y avait à l’époque. C’était en 71 ?… Quand il y avait Francis Moze encore, oui c’est ça…Comment ça se fait que vous employez des chorales, des cœurs alors qu’avant vous ne les utilisiez pas du tout ?
Il y a pratiquement toujours eu des voix dans Magma. En fait, tout le monde doit avoir, à un moment ou un autre, un rôle de soliste. Il y a des morceaux où Christian est soliste et nous on fait les chœurs. Un morceau où Guy est soliste et nous on fait les chœurs. Il y a un morceau où moi je fais un solo avec Guy et les autres font les chœurs. Il y a des moments aussi où on chante des parties, comme dans le dernier morceau qu’on a vu, avec les costumes de mouches, il n’y a pas du tout de parties de chœurs. Ce ne sont que des parties de solo. Elles sont chantées ensemble, des fois à l’unisson, des fois en harmonie, des fois l’une après l’autre. Mais ce ne sont pas des parties de chœurs.
On peut dire aussi que les mêmes parties auraient pu être joué dans les années 70, par des cuivres ou par des violons ou par autre chose. Ce n’est pas un problème. En fait, l’idéal pour Magma, c’est 250 choristes, 50 cuivres, 20 contrebasses. Voilà. Il faut connaître certaines choses du jazz. Il faut aussi connaître la musique classique pour les nuances, pour le toucher de certaines choses, et puis le rock éventuellement et le Rythm and Blues pour une sorte d’énergie, et le jazz aussi, pour l’énergie. Et on ne rencontre que des musiciens de rock ou de jazz ou de classique. Et alors, les classiques sont trop précieux. Les rockers sont trop sans nuances. Et les jazzmen, c’est trop le cul serré. On ne trouve pas le musicien qui a tout.
Si on trouve tous les musiciens qui ont cet esprit, qu’on crée un groupe complet, et que chacun assume sa partie… le bassiste est un fou, le batteur un fou, le chanteur un fou… toutes les musiques peuvent passer ! C’est-à-dire que si tout le monde met la même énergie, enfin à peu près… je pense que toutes les musiques peuvent passer !… ça peut plaire à tout le monde, tout le monde peut être pris !. Alors que si l’énergie est dispersée, et bien on voit un fou ou deux fous, mais ce n’est pas suffisant pour faire passer un esprit.Ce qui me frappe souvent c’est que j’ai l’impression que les musiciens jouent pour la centième fois la même chose… je n’ai pas l’impression qu’il y ait une énergie. Et pour moi ce qui est important, c’est que quand une musique passe et qui est valable, il faut que ce soit la dernière fois qu’un musicien soit sur scène.
C’est ça ! J’ai un exemple encore. J’ai fait un peu de jazz… pas pour me distraire, pour apprendre des choses. Et j’ai joué des thèmes avec un saxophoniste qui jouait des thèmes de John Coltrane. Et on a joué devant un public de gosses entre 12 et 17 ans. Et qui, en général, écoutaient des musiques certainement autres que celles-là… punk ou je ne sais quoi… Bref… ils nous ont vu jouer. Et c’était une musique à laquelle ils ne comprenaient rien parce ce qu’on jouait du John Coltrane. Et ils étaient complètement fous dans la salle. Ils sont venus après nous voir, nous dire : c’était fantastique !… Alors je pense qu’il suffit de faire passer l’esprit dans une musique. Ce qui a tué le jazz, attention !, le jazz comme John Coltrane. C’est de l’intellectualiser. S’imaginer de faire ahhh ! dans un sax et le faire sans être motivé. Coltrane il faisait ça mais saignait… donc on le regardait, on ne comprenait rien mais ahh !… c’est ça qui a tué la musique… il ne faut pas intellectualiser. Il faut jouer, être là, présent…
Je vais donner un autre exemple plus présent et très concret… Quand McLaughlin a fait son expérience : John McLaughlin, il jouait des mesures à treize temps, dix sept temps, neuf temps, mais il jouait comme si c’était du quatre temps, comme si c’était une mesure normale. Avec toute l’énergie en jouant complètement dedans, DANS la musique. Ce qui fait que les gens ne comprenaient rien, mais recevaient l’énergie. Après ça, il y a eu toute une période jazz rock, où les gens ont commencé à jouer des mesures composées, comme les mesures indous, à treize temps, à dix sept temps. Mais en comptant : 1, 2, 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17… et on entendait les césures entre les temps. On avait l’impression d’écouter une musique bancale, parce qu’ils ne maîtrisaient pas ça. Ils avaient intellectualisé. Ils disaient : on va jouer du 17 temps ! Ils comptaient jusqu’à 17 et puis ils recommençaient la première mesure. Alors que Mc Laughlin arrivait à jouer là-dedans à jouer comme s’ils jouaient sur une mesure à deux temps. Sans penser. Ce qui donnait une respiration, alors que eux jouaient vraiment1, 2, 3 4 5 6 7 - 1, 2, 3 4 5 6 7 - 1… alors ce qui fait qu’en intellectualisant ça, ils ont tué le Jazz Rock. C’est pour ça que maintenant les gens ont envie d’écouter du rock’n roll, parce qu’ils ont envie d’une musique vraie. Une musique qui doit directe.Est-ce que le fait d’avoir passé un certain temps dans le pavillon, t’a aidé à développer cette énergie ? Le fait de travailler vraiment dur…
Non, j’ai toujours joué de la même manière. Quand j’ai commencé à jouer de la batterie dans les groupes, j’avais 15, 16 ans, tout le monde avait peur. Du premier jour. J’ai vu jouer Elvin Jones. J’ai toujours pensé : je ne peux monter sur une batterie et être fatigué. Je dois jouer !
C’est vrai qu’il a toujours joué comme ça parce que bien avant que je connaisse Christian, j’avais beaucoup entendu parlé de lui. Moi j’ai toujours été dans le milieu de la musique, depuis gamine en fait, j’ai toujours eu beaucoup d’amis musiciens et j’ai joué avec beaucoup de gens avant de rencontrer Christian… et beaucoup de musiciens me parlaient de lui : tiens j’ai vu Vander hier soir, je sais pas dans quel club où il a joué… Ouais, bon, ouais… Personne m’avait dit : c’est fantastique… tout le monde disait : c’est bien il a de la technique. Et en fait pendant des années, j’ai entendu parlé de lui comme ça… et je l’avais jamais vu… Jusqu’au jour où je l’ai vu et où j’ai dit : mais ils ont RIEN compris ! Personne n’avait su expliquer ce que c’était. Et la première fois que je l’ai vu jouer, je suis restée scotchée pendant une heure… Personne n’avait compris, personne m’avait expliqué ça…
Je veux dire que j’ai déjà vu jouer des groupes avec l’énergie à une époque où le rock était aussi à la mode. Ce qu’on appelait maintenant new wave ou autre, j’ai connu ça. À partir du moment où il n’y a pas de motivation profonde, leur énergie s’épuise avec leur âge. C’est à dire que ça marche à vingt ans, à 25 ça commence déjà à décliner… à trente ans : plus rien ! FI-NI ! IL N’Y A PLUS PERSONNE ! Ginger Baker où il est Ginger Baker ? Où est même McLaughlin ? Où est-ce qu’ils sont ? Parce que la motivation n’est pas profonde. Alors les groupes de rock de l’époque… Je connais un seul groupe qui a quand même réussi à tenir le choc, parce que eux ils sont très instinctifs, ce sont les Rolling Stones. Ils ont réussi à tenir une espèce de… mais à côté de ça… Tous les gens qui ont fait vraiment la musique sont morts. Faut pas se leurrer !… Jimi Hendrix, il est mort, John Coltrane, il est mort. Les gens qui jouent vraiment meurent.Ils pensent que jamais ils ne seront fatigués. Il est normal à vingt ans d’aimer la musique et d’avoir envie de se défoncer. Mais combien d’années ? À partir du moment où on a plus l’envie, l’envie de la jeunesse du genre : je vais me défoncer parce que j’ai mes copains et puis mes petites copines qui me regardent, ça fait plaisir… Quand on a fait des centaines et des centaines de concerts, et qu’il n’y a que jouer en fait, et puis qu’il n’y a plus les petits copains, parce que les copains ont vieilli, parce qu’il n’y a plus les petites copines parce qu’on est mariés ou je ne sais quoi… Qu’est ce qu’il reste ? Il reste être sur une scène, gagner de l’argent et puis c’est tout. Mais pas ceux qui ont motivés. Ceux qui sont motivés, jouent toujours pour la même chose, qu’il y ait deux personnes, dix mille… copains copines… pareil ! Et ceux-là ils vont s’épuiser très vite, parce que leur musique n’est pas motivée. C’est important. Et moi, au début que j’ai fait Magma, il y avait des gens qui me disaient : je veux, dans mon domaine, je veux entrer dans Uniweria Zekt - puisqu’on a fait une secte pour des gens - je veux entrer dans Uniweria Zekt, je mettrais toute mon énergie… Et puis finalement bon, les années passent et ils ne mettaient rien du tout, progressivement ils commençaient, comme je le disais, à mettre les chaussons devant la cheminée… Ce qui fait qu’après, quand quelqu’un voulait entrer dans Uniweria Zekt, je disais : d’accord !, il disait je peux te téléphoner, je disais : oui, dans un an. Il disait : tout de suite !… je disais : non !, dans un an, tu seras toujours motivé ! C’est rare quand ils téléphonaient. Parce qu’entre un an, ils changeaient. Un an ! Un an ! Pas dix !…
Tu es le seul participant de cette secte pour l’instant ?
Pas du tout non ! Je ne suis qu’un simple rouage…
Un rouage ?
Un rouage… Une petite mécanique dans un réveil…
On peut parler du grand projet que l’on a. On ne sait pas si cela va aboutir un jour ou pas. Parce qu’en France si tu veux être reconnu ou faire quelque chose d’important, tu dois être dans quelque chose de culturel. Alors on a proposé, au ministère de la culture et au ministère des affaires étrangères, la trilogie Theusz Hamtaak. On essaie de faire un grand projet, un opéra avec beaucoup de musiciens, des cœurs… tout ça… On essaie d’avoir une subvention du gouvernement pour le faire et le jouer dans des endroits, comme à l’opéra comique de Paris, et peut-être dans d’autres endroits en France. On a donné la cassette au haut commissaire à la langue Française qui est en contact avec 17 pays en Europe, et qui fait des échanges entre.Et si on peut obtenir la subvention pour le faire ici, on pourrait le faire dans les 17 pays par la suite ! Si on réussi ce projet, ça pourrait nous prendre 2 ans mais on essaie. C’est intéressant.
Zïha Meurdhek Tendiwa pour ce gros travail de retranscription.
Issèhndolüß Akhazhïr