Interview : Dominique BERTRAM

Avant la formation imminente d’un groupe et la sortie d’un nouvel album, nous avons voulu donner la parole à Dominique BERTRAM afin de faire le point sur la carrière de ce bassiste tous azimuts, aussi à l’aise derrière les plus connues des vedettes de la variété française, qu’aux côtés des plus grands de la musique disons « underground ».

NOTES : Quel a été ton premier contact avec la musique ?

D. BERTRAM : « Dans la famille, c’est mon frère Gérard, de 2 ans mon aîné, qui a commencé la musique le premier. Dès l’âge de 12 ans, il a débuté par l’apprentissage de la guitare classique, pour se mettre deux ans plus tard à l’électrique. Il a formé plusieurs groupes et notamment le plus important avec des copains de lycée à lui : MOVING GELATINE PLATES. Pour ma part, j’ai débuté à 14 ans ; mon frère m’avait demandé de jouer une basse derrière une partie de guitare qu’il devait faire, je n’avais même pas de basse, alors je l’ai faite sur une autre guitare ; le goût de la basse m’est venu ainsi et j’ai donc continué. »

NOTES : As-tu fréquenté les conservatoires et autres écoles de musique ?

D. BERTRAM : « En 74, j’ai pris un an de cours de contrebasse avec Mr BARTHELEMY, un des premiers solistes de l’Opéra de Paris, mais ça ne m’a pas branché. En fait, je n’ai jamais fait de conservatoire important. A la basse, c’est rare, à part Jannick… Dès que j’ai été en mesure de le faire, par contre, j’ai fait du bal puis participé à plusieurs groupes, c’est là que part l’intermédiaire de Jean-My TRUONG, avec lequel j’étais copain, j’ai fait des remplacements de Gérard PREVOST dans ZAO. Quand SEFFER a quitté ZAO, il m’a demandé de venir avec lui faire un groupe, on a donc monté NEFFESH MUSIC qui a duré 3 ans, de 76 à 79. »

NOTES : Tes impressions sur NEFFESH MUSIC ?

D. BERTRAM : « C’était un beau truc, ça aurait pu vraiment donner quelque chose. SEFFER joue très, très bien du sax, mais à la fin il le délaissait pour ne pratiquement jouer que du piano, on s’est beaucoup heurté, notamment quand Pierre BLANCHARD est arrivé dans le groupe ; c’est là que ça a éclaté, on était trois d’un côté à vouloir que la musique prenne une forme un peu moins difficile, et lui, mais c’était parfaitement son droit puisqu’on jouait sous son nom, il était monolithique dans ses désirs d’harmonies. »

NOTES : Une bonne expérience quand même ?

D. BERTRAM : « Excellente, on s’est bien éclaté. Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé au niveau de la technique. Il y avait des morceaux qui étaient vraiment infernaux à jouer, au niveau des mesures composées, tu vois. On s’en est donné à cœur joie. J’y ai fait des trucs que je ne saurais plus faire maintenant, il fallait vraiment avoir la tronche à l’envers pendant six mois pour arriver à jouer ces choses là. Aujourd’hui, la musique se simplifie à outrance par rapport à tout ça, c’était bien, enfin c’est le passé. »

NOTES : Ensuite il y a eu, je crois, ta rencontre avec ALIEN, fin 79 ?

D. BERTRAM : « En effet, Christian et Benoît WIDEMANN voulaient faire un truc de jazz pour jouer au Riverbop notamment. Ils ont fait appel à moi, ça a duré un an. A partir de Juin 80, j’ai attaqué MAGMA, mais on continuait parallèlement à faire ALIEN. Avec le recul, ALIEN ça tient le choc, c’était délirant. En fait, je crois que c’est un des plus grands trucs que j’aie jamais faits de ma vie. »

NOTES : Et MAGMA ?

D. BERTRAM : « MAGMA, j’y suis rentré à la Rétrospective, c’était mon premier concert. Là par contre, je n’en tire pas un souvenir vraiment grandiose. Tu vois, autant j’ai pris mon pied dans ALIEN, car c’était un truc où tu avais la liberté de jouer comme tu voulais… »

NOTES : Autant MAGMA, c’était la chose de VANDER …

D. BERTRAM : « Absolument, je ne me suis donc pas vraiment éclaté et Christian l’a d’ailleurs très bien senti. MAGMA, c’est un truc que je ne referais pas. »

NOTES : A cause du manque de liberté ?

D. BERTRAM : « C’est sûr, dans NEFFESH MUSIC et ALIEN par contre, c’était totalement l’inverse, on jouait comme on voulait. »

NOTES : Après MAGMA ?

D. BERTRAM : « Après ça, j’ai pas fait grand chose, sinon continué à jouer dans des groupes comme celui de Georges ACOGNY, ou celui auquel je participe encore actuellement aux côtés de Pierre BLANCHARD. »

NOTES : Si on parlait un peu du Dominique BERTRAM accompagnateur des « vedettes » de variété ?

D. BERTRAM : « C’est en 76 que j’ai vraiment commencé, à l’époque j’étais avec Rachid BARHI. En fait, j’ai toujours eu deux carrières parallèles, c’est obligé dans ce métier si tu veux manger. A l’époque de MAGMA, j’étais avec Catherine LARA, là je viens de faire une année entière avec JONASZ, le Palais des Sports, un disque… Pour le moment il arrête, je ne sais pas si je continuerai avec lui. Actuellement je tourne avec Véronique SANSON, on va d’ailleurs bientôt partir en tournée. »

NOTES : Est-ce que quand tu es derrière les chanteurs de variété, tu peux t’exprimer comme tu le souhaiterais ?

D. BERTRAM : « Oui bien sûr, dans cette musique là oui. »

NOTES : Mais n’est-ce pas un peu tous les soirs la même façon de jouer « La Boîte de Jazz » ou un autre morceau ?

D. BERTRAM : « Si bien sûr, il y a des morceaux qui sont gonflants, mais je vais te dire : « Mekanik Kommandoh » c’est la même chose, c’est même plus chiant parce que quelque part tu penses faire un groupe, mais le groupe en fait il n’existe pas. »

NOTES : Tu ne fais peut-être pas un groupe je te l’accorde, mais tu joues sans doute une musique plus forte…

D. BERTRAM : « Plus forte ? Franchement j’en sais rien tu vois, ça dépend de quel côté tu te places. La musique c’est la musique, il n’y en a pas plus chez MAGMA que chez BEETHOVEN, chez BACH ou chez JONASZ. Moi en tous cas, je ne veux pas voir la musique comme ça avec des œillères, certainement pas. »

NOTES : Si on parlait un peu de « CHINEESE PARADISE » ton premier album, réalisé alors que tu participais à l’aventure JONASZ. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé « Maka Kin Jokaya » le morceau dédié à VANDER, ainsi que « My Mad Boogie » où vous jouez à trois basses avec Jannick et Paga…

D. BERTRAM : « Pour ce qui est du morceau dédié à Christian, je lui devais bien ça. Avec lui j’ai vraiment beaucoup appris, c’est un batteur forcené, le plus grand sans nul doute. Quand à Jannick et Bernard, eux aussi sont incomparables. Tous les deux c’est un total, un total de personnalité, de grosseur de son, d’articulation des notes. C’est une folie ces mecs. »

NOTES : Avec le recul, cet album te satisfait-il toujours ?

D. BERTRAM : « Absolument, mais désormais c’est dans l’esprit du morceau intitulé « Chineese Paradise » que je veux continuer. Je veux faire du rock à l’anglaise, il y a tout sauf ça dans ce pays. Entre les mecs qui font du jazz dans les petites boîtes et qui se branlent depuis des années à jouer les grilles les plus tordues du monde, et ceux qui font la variété la plus nulle de la planète, il n’y a rien. Je veux faire du rock chanté ; je sais, en français ce n’est pas évident mais il faut relever le défi, et puis il faut s’internationaliser, les maisons de disques commencent à se brancher, elles veulent vendre à l’étranger aussi car le marché français commence à se pourrir. »

NOTES : Un nouvel album semble donc envisageable ?

D. BERTRAM : « Il se fera cette année. Par contre, je ne sais pas s’il existera sous mon nom, ce sera peut-être plutôt un groupe avec un nom de groupe. Je suis actuellement branché avec des mecs et je peux te dire que ça ne va pas tarder. La musique je la fais, j’ai déjà pas mal de trucs. Si tu veux des noms, je peux déjà te citer le batteur : Stéphane PLANCHON. C’est un garçon qui a une patate redoutable. Il a beaucoup écouté et analysé Christian VANDER, mais plutôt que de lui piquer ses plans, il en a plutôt conservé l’énergie et ça c’est vachement bien. De plus, il a envie de faire la même chose que moi, alors pourquoi se priver. »

NOTES : Vas-tu continuer à jouer néanmoins dans d’autres groupes, avec Pierre BLANCHARD, Jean Pierre FOUQUEY ou Pierre PEREZ avec lesquels tu tournes actuellement ?

D. BERTRAM : « Avec Pierre BLANCHARD ça continue toujours, d’ailleurs nous avons quelques dates prochainement, Stéphane PLANCHON joue aussi avec nous. Pour ce qui est de Jean Pierre FOUQUEY et Pierre PEREZ, ça me branche bien de jouer avec eux ; ça ouvre vraiment beaucoup de faire les « bains » les plus divers possibles. »

NOTES : On a commencé cette interview en parlant de ton frère Gérard, quelques nouvelles de sa part seraient les bienvenues car sa contribution au mythique MOVING GELATINE PLATES fait que beaucoup de gens s’étonnent de ne plus le voir sur la scène du rock français ?

D. BERTRAM : « Actuellement Gérard est prof de musique et continue à composer, mais il ne joue pas et ne fait pas de scène. Il nous arrive de travailler ensemble, comme sur mon premier album où il chante avec moi sur le morceau intitulé « Chineese Paradise ». Tu vois qu’il n’est pas complètement éloigné du monde de la musique. »

Interview : Alain JULIAC
NOTES N° 23 - Août 1986
Zeuhl Merci : Alain Juliac

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