D'AMOUR ET DE MUSIQUE
Une cassette vidéo, une tournée pour janvier-février, enfin la sortie de son nouveau et surprenant album "To Love", Christian Vander démarre l'année 89 sur les chapeaux de roues ; beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de "Kobaïa", mais le feu qui brûle dans le cur de Vander est resté intact, et "To Love" en est une preuve.
Parlons un peu de la sortie de ton nouveau L.P. "To Love". On y trouve des morceaux dans la forme la plus simple, c'est-à-dire piano/voix.
CV : En réalité, toute la musique de Magma a été composée à partir du piano et de la voix. Sauf quelques arrangements qui étaient faits en groupe ; j'ai chanté chacune des parties jouées. Mais à cette époque, je chantais quand ça m'arrangeait, dans le sens où je composais au piano et je chantais, mais je n'avais jamais véritablement assuré la fonction de chanter sur une scène pendant 2 ou 3 heures, ce qui n'est pas tout à fait pareil.Tout au long de ta carrière, on a pu te voir passer progressivement de la batterie au piano et au chant, est-ce que ce disque représente dans cette démarche un aboutissement pour toi ?
CV : Pour moi, je dirais plutôt que c'est sans doute un des rares disques que je réécouterai. C'est la première fois que j'arrive à être expressif au niveau de ce que je voulais faire passer. Je crois que les gens qui ont écouté le disque, en général ont reçu ce que je voulais mettre. C'est ça qui est important d'être interprété justement. Le disque a été réalisé très simplement.
Il a été enregistré " live " dans la mesure où j'enregistrais piano et voix en même temps. Mais au niveau de la réalisation, il ne fallait pas faire comme avant, c'est à dire, composer une mélodie que tu trouves dans un certain état, arriver en studio et simplement restituer les notes mais qu'il ne reste plus la vie.
En réalité, je crois qu'en studio, il faut mettre la même chose qu'au moment où tu l'as composé, plus le fait que le morceau a certainement mûri, donc tu arrives mieux à le projeter. Mais il y a quand même une grande part de risque que j'ai pris en chantant. Il y avait l'aventure possible. Je restituais la mélodie mais quelquefois, je ne pouvais pas affirmer cette note là, parce que je me disais : et si c'était celle-ci ? Je gardais l'ouverture, ce qui fait que des fois, tu sais, c'est sur la corde raide ! C'est comme ça la vie aussi !"To Love" porte une dédicace à un ami disparu ?
CV : Oui c' est un ami très cher qui a disparu l'année dernière, Jean-Paul Fennetau. Il avait réalisé beaucoup de pochettes pour Magma. J'ai composé toutes ces mélodies pour lui, et même si j'ai fait certaines choses avant, je crois qu'il n'y a pas une note que j'ai chanté sans penser vraiment à lui. L'album lui est dédié, mais aussi à tous les gens de cur.Une cassette vidéo qui porte le titre de "Un homme, une batterie" doit bientôt sortir, peux-tu nous éclairer sur son contenu ?
CV : J'ai essayé que ce ne soit pas une cassette de démonstration et d'y mettre du cur. Aujourd'hui, les batteurs ont souvent une grosse technique mais jouent les choses à plat, avec un son assez fermé je trouve, qui correspond à la musique qui est demandée mais surtout par les studios en réalité. Un batteur qui a touché une batterie acoustique réelle, il n'a pas envie de calfeutrer. Je m'adresse donc déjà aux gens qui savent faire le choix. Tu ne vas pas me demander à moi de jouer sur une batterie électronique, même si ça peut par jeu me d'étendre ; dans le fond, j'avais choisi ces peaux tu comprends, ce n'est pas pareil. Il y a un choix au départ.Est-ce une vidéo destiné uniquement à l'enseignement ?
CV : Pour moi, ce n'est pas une cassette didactique. La batterie a été une sorte de prétexte pour parler de musique. Je pense qu'un saxophoniste, un pianiste, un trompettiste, n'importe quel musicien devrait passer par le rythme avant de jouer une note.Tu vas démarrer une tournée début janvier qui doit passer par l'Angleterre, tu marches bien là bas ?
CV : Certainement, malheureusement on n'a pas l'occasion d'aller souvent jouer en Angleterre.As-tu ressenti une différence entre le public Français et le public Anglais ?
CV : En général le public Français est moins spontané, il intellectualise trop les choses même en musique. C'est grave. Il a du mal à ressentir directement, il se dit, " ça doit être ça " mais il attend avant de s'exprimer. Les réactions spontanées sont excessivement rares.C'est trop dans la tête.
CV : Oui, chaque note fait véritablement mal pour un musicien. Tu ne peux même pas jouer une ballade sans te faire très très mal au ventre ! Le repos n'existe pas en musique. Chaque note doit être extraite avec douleur. Là, tu peux graver.Comment est-ce que tu travailles en répétition ?
CV : On travaille le plus possible ensemble, pour être le plus proche possible les uns des autres. A ce moment là, plus les gens sont proches, plus on peut se permettre l'improvisation. C'est quand les gens ne se connaissent pas suffisamment. aussi bien dans la vie qu'en musique que l'on est obligé de préparer des choses qui sont quelquefois trop personnelles. Moi ce que je veux laisser, c'est à la fois une part de liberté et d'ouverture.Et concrètement, ça se passe comment ?
CV : Il y a un thème ; j'explique l'ambiance harmonique, les modes sur lesquelles je travaille, j'essaye de conserver la couleur choisie, et puis on malaxe ces notes, on les chante.Es-tu toujours fidèle à Gretsch ?
CV : Je n'ai jamais touché de Stradivarius, mais pour moi Gretsch, c'est le Stradivarius de la batterieC'est important pour toi la scène ?
CV : Pour moi ce qui compte, c'est d'être sur une scène vivante. Il faut " s'exposer ". Ce n'est pas dans le sens contact avec le public, c'est de " s'exposer vivant ", proposer quelque chose tout de suite, que ce soit de la musique ou autre chose, chacun son domaine. Mais pour ça, il faut être vrai, le plus vite possible.
Pour l'instant ce qui m'importe le plus, c'est de gagner le plus de temps possible.Tu es en course avec le temps alors ?
CV : Absolument, parce que suis encore en décalage avec des erreurs passées que j ai pu commettre en musique, des interprétations ; aujourd'hui, je veux resserrer ça pour être tout simplement aujourd'hui là.
Saluons enfin l'heureuse initiative de Seventh Records qui a décidé de ressortir tous les disques de Magma en C.D. , "Kobaïa", "1001 degrés centigrades", "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" et "Köhntarkösz" sont d'ores et déjà disponibles.Propos recueillis par Jacky Harrar
Disc Instruments International n°111 / Février 1989