MAGMA : rééditions

Le batteur Christian Vander est le grand prêtre de la galaxie Magma. ce groupe français qui révolutionnera le rock des années soixante-dix en inventant une musique folle et démesurée, inclassable, où il était question de défier le temps et les cultures en s'inspirant à la fois de l'opéra allemand, de I'Afrique, de la pop, du jazz et de Jimi Hendrix, de musique contemporaine et de folklore slavo-baltique...
Dès ses débuts. Magma créa le genre de choc dont on ne se remet pas facilement. Christian Vander (fils de Maurice Vander pianiste jazz émérite et fidèle accompagnateur de Claude Nougaro) et ses sbires avaient imaginé une langue dans laquelle ils chantaient et se parlaient entre eux: le kobaïen, dont les premiers rudiments semblent provenir des origines germano-polonaises de Vander, est la base de la mythologie Magma. Ce sont ses syllabes gutturales qui impriment la force des refrains incantatoires, ce sont ses phrases qui donnent cette impression de majestueuse violence héritée à la fois des chants grégoriens, du free-jazz et du rock and soul.

MAGMA
Kobaïa

Ce premier album a des allures de voyage initiatique et joue le rôle d'un grand coup de balai dans la pop de l'époque. Mis à part des chorus de cuivres qui font penser à certains groupes américains à la mode à ce moment-là (Chicago, Blood Sweat & Tears), tout est neuf : la couleur jazz moderne se mêle à des rythmes convulsifs déjà omniprésents. Magma ressemble à une secte terroriste qui vient déranger la routine tranquille du rock en lui apportant provocation, insolence, et énergie bouillonnante. On découvre autour de Vander quelques virtuoses : François Cahen (piano), Teddy Lasry et Richard Raux (saxophones), Claude Engel (guitare), Francis Moze (basse), et surtout un chanteur au coffre de cathédrale et au nom proto-kobaïen : Klaus Blasquiz. Malgré une certaine lourdeur, la musique a plutôt bien vieilli. On peut bien sûr l'écouter sans se référer au mythe que raconte le disque et qui suivra le groupe pendant toute son existence : l'opposition entre la Terre (où tout est laid) et Kobaïa (où tout est beau), les deux planètes symbolisant les deux pôles naturels de l'existence.

MAGMA
1001° Centigrades

Toujours la célèbre griffe stylisée sur la pochette. Le groupe a été remanié et se divise en deux : force rythmique (Vander / Blasquiz / Cahen / Moze) et peloton de cuivres. La longue suite signée Vander ("Rïiah Sahiltaahk", 20mn) a un côté dur et très cadencé, mais les deux compositions de Teddy Lasry et François Cahen apportent un peu d'air, la première se référant à un jazz contemporain post-free, la seconde évoquant par certaines couleurs l'Ecole de Vienne et les envolées jazzy glacées à la Soft Machine. 1001° Centigrades, malgré la haute tenue de sa musique, est plutôt un album de mise en place, de recherche et de travail ; l'esthétique y est spécialement austère. Il est par conséquent conseillé de ne l'aborder qu'après avoir "digéré" les autres maillons de la chaîne.

MAGMA
Mëkanïk Destruktïw Kommandöh

Peut-être le chef-d'œuvre de Magma. La musique pleine de soufre masque mal sous sa forme rock des réminiscences classiques (Stravinsky pour les harmonies, Carl Orff pour les chœurs) et jazz. Longs crescendos où Blasquiz semble invoquer des dieux perdus, motifs à la densité brûlante qui sont portés à bout de bras par la basse puissante de Jannick Top qui fait ici son apparition. Quant à cette version laser, elle contient en bonus une bande de travail inédite de 34mn qui passionnera les fans en les renseignant sur la gestation du disque. Christian Vander est plus que jamais le chef de la tribu : avec cet opéra barbare, il pousse Magma dans une direction symphonique, il s'affirme plus que jamais batteur haletant et compositeur inspiré.

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Köhntarkösz

Sans doute l'album le plus riche de Magma, même s'il n'a pas l'envergure de Mëkanïk Destruktïw Kommandöh. Les claviers et les voix se font plus purs, descendent d'un ton comme pour marquer un retour à la sérénité, surtout dans le bouleversant "Köhntarkösz Part Two" et dans "Coltrane Sündia", hommage éthéré au grand saxophoniste. Manifestement, l'album original a été gravé en laser à partir d'un exemplaire du 33T, car on entend très distinctement les craquements du vinyle par instants (voir plage 2)... Heureusement, une seconde version studio de Köhntarkösz est proposée en bonus, nettement différente et surtout avec un son bien meilleur.

Ensemble de critiques parues dans Compact à l'occasion de la réédition en CD des albums de Magma en 1989.

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