Christian VANDER :
Sur la Terre comme au (septième) ciel
On se surprend parfois, guidé aveuglément par une inexplicable et utopique pulsion, à croire aux miracles. Rarement comblé, jamais étonné, peut-être un zeste blasé par trop peu de matières musicales originales, l'auditeur aux abois arpente redites ou créations météorites avec une même nonchalance propre à la relative calvitie artistique en vogue. Et de se replonger dans un passé glorieux pour mieux digérer l'uniformité ambiante. Les Dieux s'évaporent (Miles, Dizzy, Zappa... ) quand les disciples balbutient. Pas tous heureusement. Christian Vander est né dans la famille des trois précités mais n'a pas eu la chance (!) d'être Noir, Américain ou suffisamment arrogant pour que les médias s'y intéressent. Grand bien nous fasse mais que justice soit rendue !
Seventh Records, "son" label, fêtait son septième (que de symboles célestes !) anniversaire du 21 au 23 janvier dernier au Bataclan. Première initiative d'envergure depuis le mutisme (électrique) de Magma. Au programme, bon nombre de "descendants " du Père - dont les projets furent récemment gravés sur le même label - à la file pour six heures de concert !
Outre la formation à moitié convaincante de Patrick Gauthier (claviers), le reste tient de la haute voltige. Tout d'abord le quintet du batteur Simon Goubert, soudé, distillant un jazz ouvert de facture hard-bop, inspiré à chaque seconde par l'ombre (et le respect) des plus grands. Les frères Belmondo (sax et trompette), Michel "Mickey" Grailler (piano) et Stéphane Persiani, complètent, non sans une certaine maestria, cette formation de grande tenue. A suivre, le trio de Christian Vander, marqué des mêmes souhaits d'altitudes incontrôlées, n'a certes pas non plus fait dans la dentelle.
Contrepoint des précédentes esquisses colériques, la voix de Stella Vander et les couleurs douceâtres de ses comptines calmèrent, un temps, les esprits. Juste le temps de respirer avant l'immersion Offering et la version intégrale (à paraître sur le prochain album) et grandiose des Cygnes et les Corbeaux. Deux batteurs (Jean-Claude Buire et Marc Delouya) en état de grâce, quelques incantations de Vander (au piano), la machine décolle, le reste nous échappe. Improvisation collective, relâchement total, tension optimale, l'offrande est consumée. Brève trêve et l'on remet le couvert. Les Voix de Magma dans une version compilée (de plus d'une heure !) du triptyque Theusz Hamtaahk, ne sont pas là pour plaisanter. Vander, dans un très grand jour, rappelle si besoin était, qu'il demeure l'un des batteurs d'exception que la planète bleue à la chance de posséder. Transe et précision, justesse et (grosse) claque aux détracteurs, la vie sur Kobaïa a repris. Gageons que cela dure encore longtemps !
Frédéric Soupa
Batteur Magazine n° 66 - Mars 1994