MAGMA
"Théâtre du Taur - Concert 1975 - Toulouse"

Chronique et interview de Serge FERAY
Feardrop n° 2 - 1994

Enregistré seulement trois mois après le légendaire Magma Live, le concert du Théâtre du Taur souffre de la comparaison, puisque paraissant vingt ans après son aîné. Le groupe est pratiquement le même (Patrick Gauthier a toutefois remplacé Jean-Pol Asseline aux claviers - noter que dans le dernier quart d'heure de Köhntarkösz, Klaus Blasquiz conclut la présentation en kobaïen des musiciens du groupe par " et Patrick Gauthier " - le nouveau venu n'a âs encore trouvé son nom de guerre - Wëhrnëhm Zackarïaah), et le répertoire, très semblable, est joué dans le même ordre (on a cependant choisi de supprimer Lïhns, qui à l'époque annonçait la mutation plus mélodique du Magma à venir, pour présenter Mekanïk Destruktïw Kommandöh en version intégrale), ce qui n'est pas sans problème avec une musique aussi écrite que celle de Magma. Ainsi, Köhntarkösz, qui ouvre les deux albums concerts, dure-t-il ici exactement trente secondes de moins que sur le Magma Live, ce qui, sur un morceau de 32 minutes, montre bien la régularité de métronome des musiciens à trois mois de distances.
Quelques différences notables cependant, hormis la qualité du son qui, quoique très bonne, est un peu inférieure à celle du Live ; un Hhaï présenté en version intégrale (chronologiquement, l'enregistrement le plus ancien du morceau, que l'on ne découvrit sur disque qu'en 1981), avec une performance vocale époustouflante de Vander, et un passage très jazzy aux claviers, dû sans doute à l'arrivée de Patrick Gauthier dans le groupe, un Kobaïa plus jazz aussi que sur Magma Live, avec un solo de guitare de Gabriel Federow, et surtout, la plus ancienne version live de Mekanïk, jouée très rapidement, avec une ouverture saturée de clochettes, la basse grondante de Bernard Paganotti, des chœurs grandioses et une batterie d'une sauvagerie absolue. Malheureusement, la puissance du morceau est un peu atténuée par le trop long Mekanïk Zaïn, passage instrumental semi-improvisé, que nous connaissons par le Live et le Rétrospective Vol. 1, ennuyeuse démonstration de virtuosité jazz-rock - probablement le morceau de Magma qui, de tout son répertoire, a le plus mal vieilli.
Malgré ces réserves sur le disque, Le Taur reste un très grand concert de Magma, comme tous ceux que le groupe a donnés et donne encore - intense, sauvage, inexorable -, mais un album dispensable, dépourvu de l'intensité novatrice qui accompagnait chacun des enregistrements de Vander et Blasquiz dans les années 70. On regrette l'absence de morceaux inédits (ils ne manquent pas pourtant, de Morrison in the Storm, hommage au chanteur des Doors que le groupe jouait au début des années 80, aux monumentaux Zëss et Ëmëhntëht-Rê, toujours introuvables dans leurs versions intégrales).
Cet album, dont la redondance avec le Live est l'unique défaut, nous le réserverons aux stricts fanatiques de la Zeühl Wortz - mais les foules que la secte du batteur fou draine dans toute l'Europe depuis 25 ans peuvent-elles être considérées autrement?


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