MAGMA
"Magma 2 - 1001° centigrades"
Pierre & H.D.L.Z.
Sundïa N° 1 - Juin 1995Après la déferlante de Kobaïa, les auditeurs n'auront pas beaucoup de temps pour souffler, ou si vous préférez digérer ce qui vient de leur tomber dessus. Déjà une nouvelle surprise se prépare dans la moiteur noire du silence des studios d'enregistrement. Donc à peine un an est passé que revoilà notre bande de joyeux kobaïens qui reviennent à l'assaut.
Je sais bien que le bon sens commercial voudrait que les membres de Magma mettent un peu d'eau dans leur vin, seulement voilà, ils ont beau faire, cela ne leur est pas possible car voyez vous le problème est que comme un petit nombre d'artistes ils sont sincères avec les œuvres qu'ils produisent. La création n'est pas pour eux, Christian Vander et les autres compositeurs du Magma 2, François Cahen et Teddy Lasry, une affaire de marketing dans quelques termes que cela implique. II faudra cependant noter une diversion dans ce sens, la pochette qui, au départ, était sur fond gris avec le sigle de Magma en noir se verra retirée de la vente par la maison de disques, qui, dans le cas présent, va faire preuve (ceux qui ont possédé l'édition vinyle numéro deux sauront de quoi je parle)..... d'un goût plus que douteux en remplaçant la couverture initiale par un volcan hideux vomissant son magma, le tout bariolé de couleurs psychédéliques (on pourra méditer sur la profondeur du message lancé). Philips imposera ce changement sans discussion possible.
Mais revenons à ce qui compte vraiment, savoir ce qui est gravé sur cette galette, la musique, car là se situe l'essentiel et l'évolution vers un concept musical nouveau est, dans cet enregistrement, plus que manifeste et avance dans ce sens à pas de géant. Avec ce disque s'amorce un virage décisif qui supprimera toutes filiation avec les concepts musicaux en vogue, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient rejetés avec mépris mais seulement que nos musiciens pensent que l'on doit explorer de nouveaux horizons plutôt que de répéter à l'infini les mêmes choses. Avec cet album un détail se trouve sur la pochette, et qui vient comme une réponse. II s'agit du premier texte publié en Kobaïen (Itah) mais surtout celui-ci se trouve accompagné de sa traduction en français. La langue que certains avaient pris un peu vite pour une suite d'onomatopées (quand ce n'est pas pire) se retrouve face à une réponse sans équivoque. Avec cela, autre chose est sans équivoque c'est la musique.
La première chose qui frappe c'est l'omniprésence de la basse dont le ronronnement incessant stimule la musique de manière obsessionnelle, un peu comme des tambours africains scandant sans arrêt le même rythme jusqu'à la transe. C'est d'autant plus frappant que c'est Francis Moze qui se charge de ce monumental travail et qui par dessus tout n'était pas bassiste. On en restera, il me semble, songeur. On comprend à son écoute pourquoi Christian Vander répétera à maintes reprises qu'il est fondamental pour jouer dans Magma que les musiciens désapprennent leurs instruments. En effet on est loin dans cette musique d'exploiter les instruments de manière classique, tant en termes de fonction musicale que dans l'utilisation des timbres et de l'expression familière de ceux-ci. Par exemple certains thèmes joués par les cuivres ressemblent à si méprendre à des riffs de guitare si l'on y prête attention.
Dans Magma 2 on a en face de ses oreilles une musique nettement plus accomplie que dans Kobaïa, il est tout à fait net que la maturité musicale est proche. On notera avec étonnement avec quelle vitesse les divers compositeurs (Cahen, Lasry et Vander) forme un ensemble en pleine osmose musicale tant les différents morceaux sont dans le même esprit. Magma 2 est donc quoi qu'on en dise un très grand disque (un de plus me direz-vous) mais qui sera éclipsé par le disque suivant, tellement celui-ci l'écrasera par son génie et deviendra par là même une légende.Cependant Magma 2 reste en tant que tel un très grand enregistrement et le dernier ou les compositions seront partagées. II est la dernière phase avant la prise de la direction de Magma par Christian Vander, car on le verra, par la suite, pratiquement toute la musique de Magma sera l’œuvre de ce compositeur, si l'on exempte les incursions certes non négligeables de janik Top (en particulier Ork Alarm et De Futura par exemple) qui seul viendra contesté l'hégémonie musical de Christian Vander. Magma 2 est le dernier disque à plusieurs compositeurs, ensuite, ce sera autre chose mais pas pour notre déplaisir, tant les disques qui suivront seront magistraux. Un disque fondamental dans la genèse magmaïenne.
Pierre
En dépit de l'accueil très mitigé réservé à Kobaïa, et au groupe dans son ensemble, par une bonne partie de la presse « Pop », Magma enfonce le clou malgré un premier changement de personnel. Le groupe a ainsi perdu Gaude Engel, parti mener une carrière plus rentable, Laurent Thibault qui créera Thélème quelque mois plus tard, Paco Charlery et Richard Raux remplacés par louis Toesca et Jeff Seffer, ce dernier ayant joué avec Christian Vander à la fin des années 60.Au delà de l'aspect purement factuel de ces changements, l'équilibre du groupe est profondément modifié. l'absence de guitare éloigne le groupe du rock en renforçant la proéminence des cuivres dans l'exposé des thèmes (Rïah Sahïltaak) ou dans les chorus (Iss lanseï Doïa). Le son de la formation se fait plus précis, la rythmique se fait plus présente, plus combative. La contrebasse a disparu, l'Asba métal fait sa première apparition ici (ce son...), bref tous les éléments se mettent en place ce qui illustre bien le caractère fondateur de ce Magma 2.
Pourtant le concept même du disque, et sa traduction musicale, annoncent l'explosion de l'été 72. En effet, les conceptions musicales des différents compositeurs semblent diverger de plus en plus. Si Teddy Lasry et, dans une moindre mesure, François Cahen semblent rejoindre un esthétisme de plus en plus proche du jazz, Christian Vander fait le chemin inverse et son Rïah Sahïltaak annonce ainsi les «grandes œuvres » à venir. II faut aussi remarquer la différence dans le drumming vanderien. Dans les compositions des autres membres du groupe son jeu est certes impeccable mais on est très loin du déchaînement de passion et de haine qui animent le batteur dans son propre morceau et qui renverse tout académisme dans un torrent d'énergie brute. Ce-lui qui semble ici le plus à même de soutenir Christian Vander dans son jeu c'est Francis Moze qui se montre incroyablement à l'aise dans un contexte rythmique particulièrement délicat. On trouve dans cette composition un incroyable nombre de thèmes, thèmes que l'on retrouvera pour certains métamorphosés dans de futurs morceaux. A la limite c'est presque trop dense ! Première ébauche de ce qui allait suivre, Rïah Sahïltaak montre l'incroyable évolution du compositeur et du groupe en un an. II en va de même pour Klaus Blasquiz dont le chant, en pleine maturation, donne une nouvelle dimension au kobaïen.
Avec Magma 2 le groupe prend date et s'isole un peu plus du concert dissonant de la Pop franchouillarde. Ses deux disques en poche, Magma n'a comme autre solution pour pouvoir faire vivre sa musique que de porter la bonne parole kobaïenne a l'habitant. Ce sera chose faite quelques mois plus tard avec la rencontre de Giorgio Gomelsky, ancien mentor des Rolling Stones et personnage contreversé de la scène anglaise...
HDLZPressage original : LP Philips 6397031.1971.
Nota: sous la même référence il existe en fait deux tirages. Le premier, tiré à un très faible nombre d'exemplaires, comprend la pochette originale voulue par Christian Vander. II fut rapidement remplacé par le 1001° Centigrades et son infecte pochette imposée par Philips.
Réédition en compact: CD Seventh Rex VI 1988.
45 Tours : Hamtaak/Tendei Kobah. Philips 6009145.1971
Issèhndolüß Akhazhïr