Interview Benoît Widemann

Benoît Widemann a accepté une interview par Jérôme Schmidt et Jérémy Huylebroeck. Ce fut une interview originale car entièrement faite par e-mail ; Benoît Widemann est en effet programmeur informatique.

Magma a fait un retour sur scène l'hiver dernier en formation électrique, jouant un répertoire de 20 ans d'âge avec des nouveaux musiciens. Comment percevez-vous ce phénomène? Etes-vous encore intéressé par la musique de Magma?
B.W.
: Intéressé : oui et non. Oui, parce qu'on ne renie pas ses amours et que la musique de Christian Vander a longtemps été pour moi une référence. Non, parce que j'ai aussi fait du chemin depuis et créé mes propres références. Il est difficile à un ancien musicien de Magma d'écouter cette musique de manière objective, elle se rattache forcément à du vécu et à des souvenirs, des bons et des moins bons. Je trouve que le mot "phénomène" est un peu inadéquat. Reformer un groupe des années après est quelque chose d'assez banal, autant que le reformer avec des jeunes musiciens quand les "vieux" ne sont pas au rendez-vous. Cela dit, j'ai énormément d'admiration pour la ténacité de Christian qui n'a jamais faibli, et qui reste un exemple pour beaucoup de musiciens de ma génération.

Vous faites encore quelques apparitions dans le groupe Fusion. A posteriori comment jugez-vous cette formation, que certains - dont moi-même - trouvent qu'elle verse trop dans un jazz-rock stéréotypé?
B.W. : Fusion a eu une durée de vie beaucoup trop courte pour exprimer son potentiel musical autrement que de façon, effectivement, un peu stéréotypée, tout en exécutant ces stéréotypes à la manière "extrême" habituelle de ses musiciens. Ce décalage entre le fond et la forme fait aussi l'intérêt anecdotique de Fusion et son côté "culte". Quand on a remonté Fusion il y a deux ans pour un unique concert à Bordeaux, des gens sont venus de toute l'Europe pour y assister... Au total, Fusion restera pour moi un échec puisque le groupe n'a pas tourné. En dehors de quelques concerts à Paris et d'un disque réalisé en trois jours, mixage inclus, Fusion a cessé d'exister avant d'avoir trouvé son équilibre. Pourquoi ? Peut-être que c'était un équilibre impossible à concrétiser de manière satisfaisante. Malgré tout, Fusion a servi de catalyseur pour d'autres choses. Beaucoup de gens se sont rendu compte que les musiciens de Magma, y compris Christian, ont une envergure musicale qui dépasse la seule musique de Magma. Christian a d'ailleurs continué les expériences parallèles (Offering, trio jazz, etc.). J'ai joué ensuite dans d'autres aventures plus éloignées de la sphère Magma et cet éloignement m'a enrichi, m'a permis de couper le "cordon ombilical" et d'affiner mon propre vocabulaire musical en ne conservant de Magma que des valeurs choisies sereinement... Par exemple, un certain perfectionnisme, une conviction que la musique n'est jamais gratuite ni légère, une grammaire rythmique plus riche. Il y avait déjà dans Fusion le germe de tout cela.

Justement, en parlant d'aventures musicales différentes, des musiciens passés dans Magma ont eu une carrière solo riche et surtout sont ou ont été des 'sessionmen' très demandés. On pense bien sûr à Janick Top, Lockwood, Paganotti et à d'autres encore. Dans une interview, Klaus Blasquiz jugeait que des personnes comme Top ou Lockwood n'avaient pas pu s'intégrer à Magma correctement car leur éthique musicale n'était pas suffisante, étant d'essence des musiciens de studio. Il vous jugeait au contraire comme ayant un potentiel bien plus évolutif...
B.W. : Je ne connaissais pas ces propos de l'ami Klaus. Je ne suis pas du tout de son avis, les choses ne se passent jamais de cette façon trop simple. Didier Lockwood en 1975-76 était parfaitement intégré à Magma, le groupe de cette époque était très solide. Mais les personnes changent et leur parcours musical n'est pas monolithique. Didier a eu envie de voler de ses propres ailes et y a très bien réussi. Didier Lockwood en 1980 aurait déjà eu plus de mal à s'intégrer à Magma, de même que Janick... ou Klaus, d'ailleurs, qui a lui aussi fini par quitter Magma pour faire d'autres choses. C'est l'une des raisons des nombreux changements de personnel dans Magma. Jouer dans un tel groupe ne peut pas être une "situation permanente", ça ne peut être qu'un moment dans une vie. Pour moi, ça a été un moment long (près de sept ans au total, probablement une sorte de record), où j'ai appris beaucoup et aussi beaucoup donné. Il arrive un moment où l'on sent qu'il est mieux de tourner la page et de partir pour continuer sa progression personnelle. Je ne peux pas parler pour Didier ni pour Janick, mais pour ce qui me concerne, le moment de quitter Magma m'est apparu très clairement et dès lors, continuer aurait été difficile.

Pourtant on parle du retour de Janick dans Magma si la tournée d'Avril marche bien...
B.W. : Je ne suis pas au courant et je n'y crois guère. Pour que ça fonctionne, il faudrait que Christian accepte de laisser à Janick une partie de la direction musicale du groupe, ce qui n'est pas un partage facile à gérer. Toutes les tentatives précédentes ont échoué à plus ou moins brève échéance.
Incidemment, j'ai mentionné le fait que le groupe de 1975 était probablement la formation de Magma la plus solide, c'est entre autres raisons parce que personne dans cette équipe ne prétendait à un tel partage, tout le monde était là pour servir la musique de Christian. Ca ne signifie pas qu'il soit impossible à Christian et Janick de jouer ensemble, bien sûr, mais le contexte Magma n'est probablement pas le plus approprié. D'ailleurs, à l'époque, l'envie de rejouer ensemble était aussi l'une des raisons de créer Fusion.

En fait jouer pleinement dans un groupe n'exclut pas selon vous un travail 'alimentaire' de sessionman?
B.W. : Difficile de répondre de manière générale. Je crois que chaque cas est particulier et que là encore, un musicien peut suivre une évolution personnelle à cet égard. Certains le supporteront et l'assumeront mieux que d'autres et ça ne les empêchera pas de rester disponibles pour jouer, sinon pour travailler sur la longueur dans un groupe permanent. Certains prétendront même que la liberté financière que donnent les séances leur permet un investissement plus important dans le groupe, mais ça, en pratique, je n'en ai jamais vu la réalité. Je crois que la disponibilité intellectuelle et affective nécessaire est trop importante pour la disperser au-delà d'un certain point, même si ça n'empêche pas quelques à-côtés de temps à autres.

Nous parlions de Fusion au début de l'interview. Un autre groupe 'Alien' auquel Christian, Jean Pierre Fouquey, Gorgo, vous et autres ont participé, a existé à la fin des 70s et début des 80s. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de disque, contrairement à Fusion ; la musique était pourtant intéressante et originale...
B.W. : Il existe paraît-il un disque pirate mais je ne l'ai jamais vu. Pourquoi pas de disque "officiel" ? Probablement parce qu'Alien était plus un laboratoire musical qu'un groupe. Alien était un contexte où beaucoup de musiciens de Magma se sont retrouvés pour jouer une musique plus libre, plus improvisée, plus proche du jazz dans sa forme. Beaucoup d'autres aventures musicales sont nées directement d'Alien, comme le groupe avec Aldo Romano (Alma Latina), mon propre trio (objet de mon album "3"), et bien sûr Fusion. La forme la plus achevée d'Alien à laquelle j'ai participé était un quintet avec Christian, Dominique Bertram à la basse et trois pianos tenus par Jean-Pierre Fouquey, Patrick Gauthier et moi-même. Cette formule a même fait une tournée d'une quinzaine de concerts vers 1980 ou 81.

Comment vous situez vous vis-à-vis des autres deux grands claviers zeuhl, Jean Philippe Goude et Patrick Gauthier ? Que pensez vous de leur évolution ?
B.W. : Patrick Gauthier est un ami très proche depuis nos aventures communes avec Magma. Je connais bien sûr Jean-Philippe Goude mais moins bien sa production musicale récente. Avec ces précautions préliminaires, je dirai que je me suis, plus qu'eux, rapproché du jazz. Sans remettre en cause le fond du discours musical, j'ai ajouté à sa forme une exploitation différente des instruments, qui est axée sur le jeu de clavier bien plus que sur le travail orchestral (réel ou synthétique).
Le jazz n'est pas un style de musique, c'est un esprit dans lequel on joue de la musique. Certains aspects de la musique zeuhl sont directement hérités du jazz dans ce qu'il a de plus fondamental, il suffit d'écouter Christian Vander parler de Coltrane (ou, mieux, en jouer) pour en être convaincu. Mais ce n'est pas seulement ça, c'est aussi dans la forme un vocabulaire, une grammaire connue de tous les jazzmen et qui leur permet de jouer ensemble, sans aucune répétition, même sans s'être jamais rencontré auparavant.
Cette magie de la "langue commune" m'a toujours fasciné, j'ai toujours été à la fois attiré et repoussé par le jazz. Attiré par son ouverture et sa liberté, repoussé par une importante partie de la musique dans laquelle je ne me retrouve absolument pas. Repoussé par le manque de rigueur technique, sinon le manque de sérieux tout court, et par l'esprit de chapelle qui règne trop souvent parmi les musiciens s'affirmant "de jazz". Attiré, au contraire, par l'ouverture d'esprit manifeste de certains d'entre eux et par l'envergure musicale qu'elle apporte.
Il y a une dizaine d'années, à l'époque du groupe "Alma Latina" avec Aldo Romano, je me suis cassé un os de la main droite. J'ai conservé de cet accident une raideur qui m'a fait perdre 1/2 ton d'écart sur le clavier et rendu certaines positions difficiles, comme la quinte plaquée avec l'index et l'auriculaire. J'ai développé ces dernières années une technique pianistique assez particulière, à la base pour contourner ces séquelles, mais finalement j'ai obtenu de ce travail un phrasé assez original que j'ai bien l'intention d'exploiter dorénavant. Je ne retrouverai jamais la technique de mes vingt ans, mais je crois finalement avoir récupéré quelque chose de plus intéressant qu'une virtuosité banale.
Le piano prend donc plus d'importance, mais le synthétiseur reste mon instrument de base. Je travaille beaucoup sur l'articulation de la synthèse. Par exemple, si l'on crée un son de violon mais qu'on en joue comme d'un piano, la synthèse sera complètement ratée. Le propre d'une synthèse réussie musicalement, même lorsqu'il ne s'agit pas d'une imitation mais d'un son complètement original, est de prendre en compte l'articulation et la manière d'en jouer avec autant de soin que la création du son lui-même. En d'autres termes, d'inventer un instrument, et pas seulement un son.
Paradoxalement, peu de synthésistes dans le monde maîtrisent la technique du clavier à un niveau qui permette ce travail, et peu de claviéristes qui possèdent cette technique s'intéressent à la synthèse, se contentant le plus souvent de se servir des sons d'usine ou d'échantillons pré-mâchés (parfois avec beaucoup de talent, mais c'est tout de même ce qui fait à mes yeux la différence entre un claviériste et un synthésiste). La double compétence et l'intérêt affirmé pour les deux à la fois est une combinaison curieusement rare. En France, Jean-Philippe Rikyel a lui aussi poussé assez loin ce travail sur l'articulation synthétique.
Patrick Gauthier travaille plus sur l'écriture. Jean-Philippe Goude est peut-être plus attiré par la recherche de couleurs. Je travaille plus sur le jeu instrumental, au sens où l'entendrait un jazzman. Bien sûr, il s'agit ici de tendances et non de séparations nettes, Patrick et Jean-Philippe jouent aussi et je n'ai pas cessé d'écrire.
Je ne dirai rien sur l'évolution de Jean-Philippe Goude, n'ayant qu'une connaissance fragmentaire de son travail que néanmoins j'apprécie beaucoup. J'aime la musique de Patrick Gauthier. Je crois toutefois qu'il gagnerait à s'éloigner un peu du courant zeuhl, au point où il en est arrivé. Son dernier album me donne l'impression d'enfermer son originalité dans un cadre trop rigide. Je connais bien Patrick, je suis persuadé qu'il franchira ce cap et qu'il ira beaucoup plus loin.
Le courant Magma ne peut pas, ne doit pas rester l'unique source d'inspiration, ni l'unique vocabulaire des musiciens qui s'y reconnaissent. Quel que soit l'attachement que l'on porte à la musique de Christian Vander, un autre compositeur ne doit pas s'y enfermer, sinon il y enferme sa créativité comme dans une véritable camisole de force. Je suis très bien placé pour le savoir, après Magma, il m'a fallu des années pour retrouver une réelle indépendance et choisir en toute sérénité mes propres directions de travail.
Un seul exemple résume tout ça très bien : j'ai quitté Magma il y a plus de quinze ans et je n'ai jamais cessé de faire de la musique depuis. Pourtant, n'est-ce pas surtout, sinon seulement, en tant qu'ex-clavier de Magma que tu m'as demandé cette interview ? (sourire) Un ex-Magma doit se battre pour exister par lui-même, quitte à trancher quelques liens pour y parvenir.

Autour de Magma justement s'est créée une école zeuhl dont Christian semble ne pas en penser beaucoup de bien, disant que ces groupes copiaient juste l'aspect extérieur de Magma...
B.W. : J'ai tendance à être d'accord avec lui. Cela dit, il ne faut pas généraliser, ni concevoir une telle "école" dans un sens trop étriqué. Pour ma part, je me considère comme issu du courant zeuhl et il est évident que mon passage dans Magma a influencé pour toujours la musique que je compose. En même temps, j'ai du mal à me reconnaître dans une définition trop restrictive de la musique ou sous une étiquette purement "Magma".
Encore une fois, Magma et la zeuhl appartiennent à Christian Vander et tout autre compositeur qui y resterait collé à vie ne le ferait qu'en passant à côté du reste, et en sacrifiant sa propre originalité.

Finissons en avec Magma : dans les trois périodes Magma que vous avez traversé (1975-76; 77-78; 79-84), quels sont les trois souvenirs les plus marquants que vous gardez ?
B.W. : 75, c'est probablement l'enregistrement du Live à la Taverne de l'Olympia. Les premiers concerts à Paris et mon tout premier disque. À 17 ans, ça laisse forcément des traces...
77-78, je n'ai plus la date en tête mais c'est certainement le festival du Castelet.
De 79 à 84, je n'ai été qu'épisodiquement dans Magma. Peut-être le disque de la rétrospective, dont la bande live a été refaite en grande partie en studio. L'idée était de respecter l'atmosphère du concert et d'y ajouter la perfection que l'on n'obtient qu'en studio. Le résultat n'est pas parfait, mais l'ensemble reste un bon souvenir.

Pour moi deux autres grands groupes ont marqué la scène française et internationale des années 70 jusqu'à maintenant: Art Zoyd dans le courant des musiques nouvelles et surtout Heldon pour le rock électronique. Comment les percevez vous, ayant déjà je crois joué avec Richard Pinhas...
B.W.. : Je ne connais pas la production récente d'Art Zoyd. Au risque de te surprendre, j'ignorais même que le groupe existait toujours. Belle longévité. Je suis mieux au courant pour Heldon car je croise assez régulièrement Richard, on promène parfois nos enfants dans le même jardin...
Richard a apporté beaucoup au monde des synthésistes, probablement plus qu'il n'en a lui-même conscience. Il a été parmi les premiers à rechercher un haut niveau de qualité sonore à une époque où les instruments étaient très primitifs.
C'est par exemple chez lui, il y a une vingtaine d'années, que j'ai entendu le superbe modulaire Emu dont les enveloppes et les VCA faisaient paraître le Moog tout pâle. J'ai été très influencé par son approche systématique des machines.

Justement, pour moi Stress! est un concentré de Heldon, Magma et de votre propre feeling. Cet album m'a d'ailleurs beaucoup fait penser à Bebe Godzilla de votre ami Patrick Gauthier. Comment situez vous cet album à posteriori et à l'époque ?
B.W. : "Stress !" et "Bébé Godzilla" ont un point commun : ce sont tous les deux des "premiers albums". Ils ont aussi une énorme différence : Patrick avait beaucoup préparé l'enregistrement et écrit presque toute la musique, alors que moi, je n'avais rien fichu. À part un ou deux thèmes, l'album "Stress !" a été entièrement pondu au studio et ce manque de travail se sent quand même terriblement.
Avec le recul, j'avoue que je préfère nettement celui de Patrick. (sourire)
Je crois que j'ai enregistré ce disque trop tôt et trop jeune, j'ai un peu de mal à le réécouter aujourd'hui. Malgré tout, il représente assez bien mes goûts de l'époque et reste un excellent souvenir, je me suis beaucoup amusé en le faisant et j'ai appris des tas de choses.
C'est aussi pendant les premières séances d'enregistrement que j'ai acheté mon Minimoog, je l'ai déballé pour la première fois au studio. À peine sorti de son carton, il a servi pour le disque, ce qui donne une idée de l'ambiance et du degré de préparation...

Est ce que le suivant 'Tsunami', avec un plus grand effort de groupe, était plus muri ?
B.W. : Considérablement. Tsunami a répété pendant des mois avant d'enregistrer. C'était vraiment un groupe excellent, d'un niveau exceptionnel. Tsunami reste un grand regret pour moi. Je suis sûr que si ce groupe avait pu tourner, il aurait très vite trouvé son public.
Malheureusement, Tsunami a été littéralement saboté par une combinaison de circonstances défavorables, qui ont conduit à son éclatement après un unique concert à la Halle aux Grains de Toulouse.

Quels styles de sabotages?
B.W. : C'est une longue histoire... Je pense que les détails n'intéressent que les collectionneurs et que la raconter ici serait un peu hors sujet. Elle figurera sur la pochette de la réédition Muséa de Tsunami, qui est prévue d'ici quelques mois.
En résumé, j'ai monté Tsunami à Toulouse pour participer à un mouvement associatif dans cette région, mais ce mouvement s'est arrêté à peu près au moment où le groupe était prêt. Devant l'absence de perspectives et de concerts, il devenait impossible de maintenir le groupe.

Et sur '3', était-ce le même esprit, le disque ayant paru bien plus tard...
B.W. : Pas vraiment. "3" est un album en trio, dans lequel le trio piano-basse-batterie est enregistré en conditions de concert (mais en studio). Ensuite, le trio a été "habillé" par un long travail en solitaire qui a duré des mois, avec les synthétiseurs. Les arrangements sont riches et complexes, mais ils ont été réalisés sur une base presque "live", ce qui donne un son assez particulier.
Cet album a souffert d'une pochette ratée et d'une distribution défaillante, il est passé complètement inaperçu. Il n'est sorti qu'après être resté plus d'un an en attente dans un tiroir, et à ce moment, j'étais occupé à monter un nouveau groupe (avec Jean-Michel Kajdan, Éric Serra et François Laizeau), je n'ai donc même pas pu m'occuper de le promouvoir en radio. Les rares critiques étaient bonnes, mais elles ont été rares...
"3" doit aussi ressortir chez Muséa d'ici quelques mois, ce qui me fait très plaisir. C'est un très beau disque. C'est certainement le plus achevé de mes trois albums, celui dans lequel je me reconnais le mieux.

Pensez vous que rééditer de tels albums est plus une satisfaction personnelle d'être "reconnu" enfin ou est ce une véritable attente d'un certain public ?
B.W. : Visiblement ça correspond à l'attente d'un certain public, je suppose que les gens de Muséa savent ce qu'ils font.
Une reconnaissance limitée est agréable, du moment qu'on peut encore aller acheter son pain en toute tranquillité, ça va. Mais celle qui compte ne se mesure pas forcément en nombre de disques vendus.
Cela dit, je suis tout à fait ravi de voir ces disques ressortir.

Vous allez retourner sur la scène musicale. L'avez-vous en fait véritablement abandonnée ? Quels sont vos projets ?
B.W. : Depuis longtemps, je n'ai plus assumé la responsabilité de "leader". Je me suis contenté d'un rôle de "sideman", avec d'ailleurs des satisfactions mitigées qui m'ont finalement conduites à cette décision de remonter mon propre groupe.
Je n'aime pas trop parler des projets qui ne sont pas encore réalisés, mais j'ai bon espoir de démarrer ce nouveau groupe cette année.

Quelle en sera la couleur musicale ?
B.W. : Je n'aime pas beaucoup les étiquettes, c'est toujours trop réducteur. La musique sera en tout cas largement improvisée et jouée par des synthétiseurs, des cuivres et une rythmique basse/batterie.

Je vois Christian dans une semaine ; quelle question lui poseriez vous?
B.W. : Tu veux dire, si j'étais à ta place ? Je lui demanderais si, quand il était gamin, il écoutait "Les Noces" en version russe.

Jérôme Schmidt et Jérémy Huylebroeck
Octobre 1997

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