Gong et Magma, gardiens
de la folie créatrice des années 70


Le groupe de David Allen et celui de Christian Vander ont fait chapiteau comble au Festival Nancy Jazz Pulsations, au cours d'une soirée qui a rendu également hommage à Robert Wyatt

FESTIVAL NANCY JAZZ PULSA-TIONS, Gong. Magma, Soup Songs, Chapiteau du parc de la Pépinière, mercredi 20 octobre, Nancy. Tél. : 03-83-35-40-86. De 90 F a 170 F selon les spectacles. Jusqu'au 24 octobre.

NANCY de notre envoyé spécial


II flotte sous le Chapiteau du parc de la Pépinière de Nancy un parfum de nostalgie. Mercredi 20 octobre, le Festival Nancy Jazz Pulsations avait programmé une triple soirée avec un hommage à Robert Wyatt - ancien batteur et chanteur de Soft Machine, auteur de chansons merveilleuses -, Magma - créé en 1969 par le batteur, chanteur et compositeur Christian Vander - et Gong, toujours entraîné par l'Australien citoyen du monde et guitariste David Allen. Soit une plongée dans le passage entre les années 60 et 70, où le rock sortait du psychédélisme, fréquentait le jazz, plutôt free, et quelques utopies littéraires et politiques.

Soft Machine (que Wyatt quitta après quatre enregistrements), Magma et Gong auront avec Hawkwind, Can et Henry Cow ouvert en Europe dans les années 70 un circuit de salles bricolées, lieux d'un temps qui ne connaissait pas le confort des structures de type Zénith. Tous singulièrement précurseurs, inventeurs de sons et de formes qui dans la plupart des cas perdurent. Hawkwind est l'objet d'un culte aussi fervent que celui qui touche le Grateful Dead aux Etats-Unis ; Can est la référence ultime de la modernité ; Wyatt est l'un des musiciens les plus respectés par les mêmes jeunes gens modernes ; le nom de Gong circule dans la plupart des free parties des ravers de la techno douce; Magma fait salle comble lors de ses rares concerts.

THÉIÈRES VOLANTES

Donc, il y a foule au chapiteau. A 20h30, Theusz Hamtaahk débute, premier des deux longs morceaux que va jouer Magma. Au mouvement martial de charge héroïque qui a souvent servi à décrire la musique de Vander, le groupe actuel répond par une interprétation toujours en évolution. Il y a un sens de la surprise, des contretemps, des rebonds, un ancrage dans les envolées du gospel sur une écriture rythmique. Le groupe se laisse la possibilité de l'improvisation, ravive le balancement du swing et transporte le public captivé, conquis.

Jamais entendu en France, Soup Songs est une formation de neuf musiciens qui a décidé d'interpréter des chansons de Robert Wyatt, celui-ci ayant développé une peur panique de la scène. Dans Soup Songs, on remarque le trompettiste Harry Beckett, le chanteur Ian Maidman dont le timbre a ce mélange féminin/masculin qui caractérise Wyatt, le saxophoniste de Gong, Didier Malherbe, la tromboniste et arrangeuse Annie Whitehead, le guitariste Phil Manzanera, l'un des artisans du retour au disque de Wyatt avec Shleep et ancien membre d'une autre référence des années 70, Roxy Music. Donner aux fragiles et délicates mélodies de Wyatt un relief orchestral était périlleux. Soup Songs s'en sort à moitié

Puis Gong s'annonce, passé mi-nuit. David Allen, longs cheveux blancs, mène son groupe avec une désinvolture rigolarde. Il a écrit une bonne fois pour toutes la saga de Zéro le héros avec Les Flying Teapots (théières volantes), Radio Gnome, Selene, les Pot Head Pixies, etc., et la fait revivre sur scène depuis prés de trente ans. Allen chante la joie de l'accomplissement par l'amour physique et celle du pétard céleste. Il a sabordé et relancé sa Planet Gong périodiquement (lors de son exil new-yorkais à là fin des années 70, il devient l'un des héros des punks), a inspiré le new age, rassemble des fidèles dans les lieux mystiques (Glastonbury). On peut entendre dans Gong des sonorités qui inspireront l’ambient music de Brian Eno ou les boucles rythmiques des musiques électroniques. You Can’t Kill Me, («Vous ne me supprimerez pas»), clame David Allen. Heureusement.

Sylvain Siclier

Le Monde - 13 Octobre 1999

Zïha Zwenskaïa


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