Face à face
Antoine PAGANOTTI
Digne de son père Bernard Paganotti, immense bassiste par son talent et son humanité, Antoine n'est pas un "fils à Paga", loin de là. Chanteur lead de Magma depuis bientôt quatre ans, il est également, et avant tout batteur, ce qui explique, bien sûr, sa présence dans les colonnes de notre magazine.
Qu'est-ce qui t'a donné envie d'être batteur ?
Un concert de Keith Jarrett trio avec Jack DeJohnette à la batterie, les disques de Magma (ça tombe bien !), et puis Tony Williams. J'avais la cassette d'un trio qui ne s'est finalement jamais fait (mon père à la basse, Christian Vander à la batterie, et Patrick Gauthier aux claviers), et dessus il y avait "The greetings". À l'époque, je ne savais pas qui jouait de la batterie, et mon père me disait : "ça doit être Steve Gadd...". C'était Tony ! (rires)Et ensuite ?
J'ai bossé sur les disques de Magma, mais pas seulement... enfin si, à douze ans je n'écoutais que ça ! J'aimais, aussi, des trucs funk, "Earth, Wind and Fire", par exemple. Ca rendait dingues les voisins, avec eux on a eu tous les plans, pétitions et tout...Tes débuts avec d'autres musiciens ?
J'avais dix-sept ans, c'était un groupe de rock commencé à deux, avec un bassiste que j'avais rencontré au conservatoire, où il étudiait l'harmonie, et moi le piano, puis ensuite les percussions, surtout pour avoir accès aux locaux et pouvoir travailler la batterie ! Mais le prof de percussions classiques m'a appris les rudiments de caisse claire, les techniques de base, les positions... Après, il y a eu un groupe de funk avec des potes, puis Patrick Gauthier, Jérôme Barde, Richard Pinhas, Touré Touré, David El Malek, Paga Croup, les concerts à Toulouse suite à l'accident de l'usine AZF (avec Francis Cabrel, Marc Lavoine...).Comment as-tu "atterri" dans Magma comme chanteur ?
C'est le bassiste de Magma, Philippe Bussonnet, avec qui je jouais chez Patrick Gauthier (je faisais d'ailleurs quelques churs), qui l'a suggéré, j'ai fait une "audition" plutôt cool, avec Christian et Stella Vander, et ça a commencé comme ça. On a répété à peu près deux semaines avant les premiers concerts, et ça fait plus de trois ans que ça dure. Depuis quelque temps, je joue de la batterie sur deux titresAprès avoir écouté et admiré Magma depuis tes débuts, ça fait quoi de jouer dans le groupe ?
Au début, tu ne te rends pas vraiment compte. En plus, je les connaissais tous depuis un certain temps, donc je me sus senti bien, tout de suite. Mais, c'est vrai qu'on appréhende un peu, surtout lorsqu'on n'est pas chanteur (rires) ! Pendant les premiers concerts, je m'en sortais à l'énergie. Après, je me suis posé des questions, je m'asphyxiais vite ! Alors, je me suis calmé, j'ai demandé conseil autour de moi, rectifié la position du dos, appris à mieux respirer... C'est également très utile pour la batterie.Et tenir la batterie derrière Christian, lui-même immense batteur, ça fait quoi ?
Je ne tenais pas absolument à jouer de la batterie dans Magma, surtout que Christian fait ça comme personne, c'est vraiment sa musique. Mais, quand on me l'a demandé, j'étais heureux, je ne me suis pas trop posé la question !De plus, ta sur (Himiko, excellente chanteuse et choriste) et toi faites partie de Magma vingt-cinq ans après votre père, c'est un cas de figure assez rare et ça doit faire bizarre ?
C'est pour Christian que ça doit être bizarre! (rires). C'est la deuxième génération ! D'ailleurs il m'en a parlé, une fois... C'est sûrement un son qui nous correspond, en plus j'ai baigné là-dedans, Magma, Weidorje... J'ai toujours été attiré par cette musique là. J'y retrouve le groove, le lyrisme, l'intensité, et une certaine spiritualité teintée de joie. D'ailleurs Christian, lui-même, est quelqu'un de très drôle, l'image de Magma est souvent ternie car les gens ne voient que le côté "dark". En fait, c'est une musique très variée au niveau des sentiments, et qui englobe pas mal de choses.Quels sont, à ton avis, les qualités et les défauts d'un autodidacte, comme toi ?
Les qualités, je ne sais pas, mais les défauts sont souvent des défauts de positions... Chez let musiciens qu'on aime bien, c'est aussi ce qui fait leur "patte", leur style. Moi, j'ai dû changer de technique de pied il y a moins de deux ans, j'avais joué à ma façon, le pied posé, mais certaines choses ne passaient pas. Maintenant je loue avec la pointe, talon levé.Et question matériel, tu joues sur quoi ?
Je joue sur un set jazz Premier que mon père m'a offert il y a trois ans. Grosse caisse de 18", et deux toms, 12" et 14". J'ai une vieille cymbale ride Zildlian des années soixante, et des crash de toutes marques. J'ai aussi une vieille Gretsch, plus "binaire", avec une grosse caisse de 22", des toms de 13" et 16", et une caisse claire Gretsch métal.Quelles sont, en vrac, tes influences musicales ?
J'écoute beaucoup de classique, pour la composition et le lyrisme ; Stravinsky, Ravel... Pour le groove, j'écoute James Brown ; on n'a pas fait mieux depuis. J'adore Clyde Stubblefield mais plus encore avec Jabo Starks, c'est sautillant mais très assis. Et j'aime les sons de batterie de cette époque, beaucoup plus médiums, avec beaucoup de dynamiques, j'adore Coltrane, et j'aime aussi écouter du jazz traditionnel, pour le swing, et les différents "drives" des mecs. J'écoute, aussi, les "jeunes lions" new-yorkais qui perpétuent la tradition.L'actualité et les projets ?
Magma ; un trio jazz avec Jobic Le Masson (piano) et Benjamin Duboc (contrebasse) ; un quartet free jazz avec les mêmes et Arnaud Sacaz au sax; et puis, suite à l'album "Watercolours" du claviériste Bertrand Lajudie (cf. Rimshot n°12), on répète pour la scène, pour l'instant en trio, avec mon père à la basse. Ensuite il y aura Éric Seva au sax, et un autre "soufflant" non encore déterminé. Et puis, il y a le groupe Monkey Toon avec ma soeur et des potes, dans lequel je suis un peu batteur, un peu pianiste, et un peu choriste ! On a enregistré récemment un cinq titres auto produit.À ÉCOUTER :
Patrick Gauthier :"Sur les flots verticaux" (Seventh Records)
Magma : "Theusz Hamtaahk-Trilogie au Trianon" (Seventh Records)
Bertrand Lajudie : "Watemolours" (Altrisuoni)
Monkey Toon : "Human Circle" (Splash Association)
Bernard Paganotti : "La complainte du sasseur"Propos recueillis par Thierry MENU
Rim Shot n° 14 - Octobre 2002