« L’altérité apocalyptique » : musique noire et identité extra-terrestre dans la musique de Magma
Popular Music and Society, Dec, 2003, by Kevin Holm-Hudson

Introduction

Durant les premiers mois des années 60, le batteur Christian Vander a eu une vision d’une saga musicale « éternelle », relatant la désintégration future de la Terre et les efforts subséquents de quelques citoyens pour créer une nouvelle société sur la lointaine planète Kobaïa. Cette histoire devait être narrée à travers la musique d’un nouveau groupe du nom de Magma. Les histoires de dystopie de science fiction et d’échappées extra-terrestres ne sont pas rares dans le rock et le jazz entre 1968 et 1970. Cette période d’agitation considérable aux Etats-Unis (les protestations autour de la Democratic Convention de Chicago, l’assassinat de Kennedy et Martin Luther King et les fusillades de Kent State) et à l’étranger (les émeutes étudiantes à Paris, Mexico et Prague) a conduit à une montée en puissance de la notion d’évasion. Des chansons telles que « Wooden Ships » de Crosby, Still et Nash (1969) et les albums conceptuels comme Blow Against the Empire de Paul Kanter (1970) ne se contentaient pas d’appeler à un retrait (ou abandon) de la société mais à une fuite active. (1)

Chacun de ces exemples de la culture populaire de l’Evasion – auxquels on peut ajouter des films comme Easy Rider (1969) et le retour de l’intérêt pour les auteurs de Fantasy comme JRR Tolkien – se sont appuyés sur des formes existantes pour construire leur narration (par exemple, « Wooden Ships », à travers toutes ses connotations apocalyptiques, est musicalement proche de beaucoup de chansons de Crosby, Still et Nash. La musique de Magma, au contraire, était différente. Dans Magma, Christian Vander a tenté à lui seul de créer un nouveau genre musical (qu’il a appelé Zeuhl), en mélangeant des influences musicales non conventionnelles (comme John Coltrane, Carl Orff, Igor Stravinsky et les complaintes du blues) dans un déploiement de forces musicales férocement disciplinées. Vander a aussi décidé que cette nouvelle musique ne serait pas chantée dans son français natal, pensant que le français sonnait faible (Lake 18). A la place, Vander a inventé un nouveau langage extra-terrestre – le Kobaïen – pour les textes de ses chansons, relatant l’histoire de Kobaïa à travers une série de sept albums.

Dans cette étude, j’analyse le travail de Vander avec Magma dans le contexte des écrits de LeRoi Jones (connu plus tard sous le nom de Imamu Amiri Baraka) et de John Corbett, qui ont tous deux écrit sur l’utilisation de l’imaginaire extra-terrestre dans la musique Afro-Américaine sous l’appellation de l’identité « outsider ». Jones, dans sa série d’essais sur la Musique Noire, a écrit sur le jazz et le R&B des années 50 et 60. Corbett a écrit sur le « jazz spatial » de Sun Ra, le producteur et artiste de reggae Lee Perry et le musicien funk George Clinton. Pour ces deux auteurs, l’imagerie extra-terrestre dans la musique Afro-Américaine est un emblème de désidentification. Bien que Christian Vander soit blanc, sa musique et sa cosmologie ont des parallèles intéressants avec les théories de Jones et Corbett, démontrant que, peut-être, leurs conceptions de l’« altérité » ne sont finalement pas délimitées strictement de manière raciale.

L’un des problèmes lié à l’étude de la musique de Magma concerne ses aspects intertextuels. De quelle manière exacte les styles de Carl Orff et Coltrane, par exemple (deux opposés en termes de race et d’ethnicité), se manifestent-ils dans cette musique ? Pour répondre à cette question, j’analyserai aussi des passages sélections dans deux des œuvres majeures de Magma, "Kohntarkosz" (1974) et "Mekanik Destructiw Kommandoh" (1973). En mettant en exergue des parallèles formels (si ce n’est stylistiques) entre ces deux pièces et la musique du début du 20e siècle ainsi que le jazz des années 1960, je développerai l’argument de Corbett pour y intégrer le travail de Vander avec Magma, représentant ultime de l’identité de « l’ailleurs » pour la contre-culture de la fin des années 60.


Musique Noire, Espace et Identité

Dans son essai de 1966 “The Changing Same: R&B and New Black Music," LeRoi Jones (connu plus tard sous le nom de Amiri Baraka), écrivant à propos des compositeurs et interprètes comme Coltrane et Sun Ra, a commenté le rôle joué par l’ “espace” dans le jazz avant-gardiste :
Il y a d’autres nouveaux musiciens, une autre musique, qui prend la liberté comme pré-existente. Ornette était une bouffée d’air frais sur l’espace ouvert. L’espace, pour bouger. Donc la liberté existe déjà. Le changement est spirituel. Total. L’absolument nouveau. C’est la réalisation ultime.

Sun-Ra est spirituellement orienté. Il comprend « le futur » comme une plus large appréhension de ce que l’espace est, jusqu’au voyage « physique » entre les planètes comme nous le faisons de toutes façons dans la longue évolution humaine. Sun-Ra's Arkestra chante dans l’une de ses chansons, “nous voyageons les voies de l’espace, d’une planète à l’autre ». Sun-Ra s’intéresse à la science, pas à la science-fiction. C’est l’évolution en elle-même et ses répercussions. Dieu en tant qu’évolution. (198-99)

Beaucoup des écrits de Jones sur la musique Noire, l’anthologie de 1968 dans laquelle apparaît « The Changing Same », adoptent une approche séparatiste des races qui reflète la montée du mouvement Black Power en Amérique. Par exemple, il écrit que la musique Noire est « un espace dans lequel les Noirs vivent … où les Noirs bougent en presque totale liberté et force ». Il demande ensuite rhétoriquement : « Qu’est-ce qu’un Blanc qui débarque dans une chanson de James Brown ou Sam ou Dave ? Comment cela fonctionnerait-il ? Quelle serait la métaphore sociale de son existence dans ce monde ? Que ferait-il ? » (187). L’implication est que les Blancs n’ont pas de place dans cette musique en tant membres venant de l’ « intérieur ». Vander serait d’accord avec Jones qu’en tant qu’homme blanc, son approche du jazz et en particulier de la musique de Coltrane doit se faire en tant qu’ « étranger » :
Pour moi, le jazz est réellement une musique créée par les Noirs d’Amérique et c’est ce qui rend le jazz si difficile à comprendre. Mais il est intéressant d’essayer de le jouer même si je pense que le jazz est inaccessible pour les blancs. (Bannour).
Néanmoins, dans la musique de Magma, on peut trouver des éléments de musique Noire filtrés à travers une sensibilité Teutonne étonnante, et donc les comparaisons entre certains aspects de la musique de Coltrane et le style de Vander comme compositeur peuvent être pertinentes.

Espace et liberté

Jones implique dans "The Changing Same" (le même changeant) que les frontières ouvertes formelles de la musique Noire constituent un espace de refuge pour le peuple Noir. N’ayant pas la liberté de « circuler librement » dans une société américaine dominée par les blancs dans les années 60 (comme en 2003), la « nouvelle musique Noire » procure à son peuple un espace pour circuler en totale liberté spirituelle. Jones décrit ailleurs cet « espace de circulation » comme « l’expression libre absolue de tout » (193). Cette liberté est donc infinie, formulée en termes spirituels.

L’essai de John Corbett "Brothers from Another Planet," que l’on peut trouver dans son livre de 1994 Extended Play, se base en partie sur l’analyse de Jones. Cependant, Corbett développe l’argument de Jones. Pour lui, cette préoccupation avec la notion d’ « espace » n’est pas simplement un espace physique de liberté dans la structure musicale ; c’est également plus qu’un simple étendard d’une fierté raciale ou ethnique (bien que ceci fasse partie des arguments de Corbett). Pour Corbett, l’imaginaire extra-terrestre dans la musique Afro-Américaine – et la structure « infinie » en résultant – est une forme de protestation, un symbole de marginalisation motivé politiquement. Il écrit :
En effet, l’utilisation de l’espace comme métaphore est plus pleine de sens qu’à première vue. Si les métaphores opèrent généralement en prenant quelque chose de non familier et en lui substituant un objet ou concept connu, alors qu’arrive-t-il lorsque la métaphore choisie est en elle-même définie comme étant l’ « inconnu » ? Il est vrai que le mot espace déclenche toutes sortes d’associations mais l’un de ses attributs premiers est la notion d’exploration – cette même notion qui le lie à l’innovation dans la musique Afro-Américaine. Ainsi, on doit définir quelque chose en le substituant pour l’inconnu…

Ce qui arrive alors, dans le cas de [Sun] Ra, [George] Clinton, et [Lee] Perry, est qu’ils construisent leurs mythologies sur une image de désorientation qui devient une métaphore de la marginalisation sociale, une expérience éprouvée par beaucoup d’Afro-Américains, qui, bien qu’Américains, sont exclus de la majeur partie du « centre » Blanc dominant sur la terre. En mettant en jeu cette revendication de marginalisation « ex-centrique » - un endroit qui élude et effraie simultanément l’opprimante subjectivité centrée -tous trois la reconstituent en tant qu’endroit de créativité. C’est une métaphore d’être ailleurs, ou peut-être de faire de cet ailleurs le sien. (18).

LeRoi Jones décrit le pivot d’immobilisme et de dynamisme qui caractérise beaucoup de musique black groove, que ce soit le mouvement « Acknowledgment » de Coltrane dans A Love Supreme ou la musique de James Brown, comme « le même changeant ». En référence à James Brown, par exemple, il caractérise le « même changeant » dans les termes suivants :
La forme et le fond sont tous deux mutuellement expressifs du tout. Et ils sont tous deux autant expressifs… chacun ayant une motif et une fonction permettant des les identifier. Dans la Musique Noire, tous deux signalent l’endroit et la direction. Nous voulons des fonds et des formes différentes car nous avons des sentiments différents. Nous sommes des personnes différentes.

La forme et le fond de la musique de James Brown permettent d’identifier un groupe entier de personnes aux Etats-Unis. Bien qu’ils puissent être transmutés et réutilisés, réapparaître dans d’autres secteurs, d’autres musiques pour différents buts dans la société, l’énergie et l’image initiales sont celles d’un regroupement spécifique de personnes, les Black People (185).
Cette qualité d’énergie et d’immobilisme –« le même changeant »- chez James Brown, Coltrane, et d’autres, a en effet transmuté dans « d’autres musiques ». Par exemple, l’influence du style de solo « sheets of sound » de Coltrane, et l’immobilité basée sur un groove de A Love Supreme, peut être détectée dans "Eight Miles High" (1966) de Byrds ainsi que dans les débuts de Terry Riley, en particulier "Poppy No Good and the Phantom Band" (1969). Néanmoins, Jones omet de reconnaître que ce transfert stylistique est d’abord apparu chez Coltrane à travers des sources musicales indiennes et africaines.

Bien qu’il soit dit que la « période spirituelle » de Coltrane a commencé avec la marée de 1964 « A Love Supreme », Lewis Porter note que certains traits de la musique Indienne ont commencé à apparaître dans le style de Coltrane autour de 1961 ; Coltrane a également rencontré Ravi Shankar en décembre 1961 (209). Les expérimentations de Coltrane avec les modes ou gammes exotiques sur un bourdonnement soutenu, la répétition et le développement de motifs courts dans ses improvisations sont tous des traits remarquables du raga du nord indien. Initialement, l’intérêt de Coltrane pour les gammes et modes était un reflet de sa recherche de traits de la musique universaux. Comme il l’a dit lors d’un entretien :
Il y a beaucoup de musique modale jouée tous les jours à travers le monde. C’est particulièrement évident en Afrique, mais si vous regardez l’Espagne ou l’Ecosse, l’Inde ou la Chine, vous découvrirez que c’est également le cas. Si vous voulez chercher au-delà des différences de style, vous verrez une base commune se confirmer. C’est très important… C’est cet aspect universel de la musique qui m’intéresse et m’attire ; c’est ce que je recherche. (Porter 211)
Les éléments africains étaient également incorporés comme résultats de cette quête des universaux. Porter remarque de Coltrane et le batteur Nigérien Michael Babatunde Olatunji jouaient à l’opposé lors d’un concert au Village Gate à New York en Août 1961 (212). De la musique de Olatunji et des enregistrements de musique Africaine, Coltrane semble avoir glané l’utilisation d’ostinatos et la polymétrie.
La musique africaine et indienne partagent une prédisposition pour la forme cyclique et la répétition, visant un état de conscience « spirituel ». L’intérêt de Coltrane pour ces qualités de la musique indienne et africaine ont mené au style « kosmigroove » du jazz, que l’on trouve dans le travail de Pharoah Sanders et d’autres. Le travail de Magma découle certainement en partie de cette influence – certains des premiers concerts de Magma duraient 6 heures (Lake 19).

Coltrane et Magma

Pour LeRoi Jones, John Coltrane était un “exemple du désir ardent séculaire d’un changement complet, pour le religieux, le spirituel » (198). Cette emphase spirituelle, caractéristique et instigatrice des incessantes métamorphoses stylistiques de Coltrane à partir de 1964 et jusqu’à sa mort en 1967, se reflète dans les titres de ses compositions : "A Love Supreme," "Meditations," "Om," "Ascension." Une emphase spirituelle aussi singulère implique, d’après Jones, « une forte volonté religieuse, consciente de l’évolution religieuse que l’esprit pur recherche. La musique est un chemin vers Dieu (193) ».
La mort de Coltrane en 1967 a fait l’effet d’une onde de choc dans le monde du jazz, tout comme pour bon nombre de musiciens de la contreculture qui voyaient en lui une sorte de héros. La mort de Coltrane a inspiré Christian Vander pour composer Kobaia (traduction de « éternel »), en réponse à ce que Vander a appelé « le chaos musical et le mécompréhension de l’humanité ».

Je suis allé à Turin juste après la mort de John Coltrane et après dix-huit mois, j’étais dans une impasse. Un matin, au printemps, j’ai eu une sorte de révélation : je devais retourner à Paris, sans aucune raison. C’était le début. Durant l’été (1969), j’ai fait une tournée… avec Laurent Thibault ; C’est là que nous avons fondé l’histoire de Magma. (Bannour).
Peut-être inspiré par l’exemple de Coltrane, Vander a décrit la musique de Magma comme la "Zeuhl Wortz" ou simplement « Zeuhl ». Il l’a définie de manières diverses comme « la musique du possible universel » ou « l’accomplissement suprême de mon rêve dans mes rêves » (Lawrence 68).
Largement à l’opposé de tout autre style de rock progressif du début des années 1970, la Zeuhl, avec son emphase sur une improvisation basée sur du groove et la place proéminente du clavier, est similaire au jazz fusion (en particulier le travail contemporain de Miles Davis), ajoutant du chant choral et un degré plus fort de dissonance. Alors que les groupes de rock progressif tels que Yes et Genesis tiraient leur inspiration du Romantisme du 19e siècle, et que Emerson, Lake et Plamer (ELP) mixaient des éléments romantiques avec des compositeurs du 20° siècle (Bartok, Prokofiev), la nostalgie pour le Romantisme est définitivement absente de la Zeuhl. Au contraire, le style de rythmique propulsif et le langage harmonique de la Zeuhl sont plus enclins à évoquer les premiers efforts de Carl Orff ou « Les Noces » de Stravinsky. Bien que Magma était le seul groupe dans le champ prog rock à adopter cette démarche, ils ont vite inspiré un certain nombre de groupes de « progressive chamber » en France (Art Zoyd, Shub Niggurath) et en Belgique (Univers Zero). Une forme plus directement agressive de la Zeuhl a aussi fait surface au Japon dans les années 1990, avec le travail des groupes comme Ruins ou Happy Family.

Néanmoins, Vander n’a pas cédé à l’étiquetage de Magma comme groupe de rock progressif, pas tant pour les différences de style musical mais parce que les étiquettes sont datées. « Magma n’est pas temporaire, ce n’est pas une mode, ni un phénomène. C’est le vecteur d’idées qui dépassent nos propres souvenirs. C’est en lien avec notre mémoire, nos racines. » ((Leroy "Interview" 28). Ceci implique que, comme la musique de la fin de la vie de Coltrane, les compositions de Vander partagent une perspective éternelle. En effet, son leitmotiv pour le groupe est : « A Vie, A Mort, Et Après ».
C’est avec "Mekanik Destruktiw Kommandoh" (MDK), sorti en 1973, que le style de Magma atteint sa maturité.(3). MDK a été composé en 1971-72, troisième partie d’une trilogie incluant "Theusz Hamtaahk" (Le Temps de la Haine) et "Wurdah Itah" (La Mort de la Terre). Vander a indiqué dans ses interviews qu’il travaille les thèmes pendant une longue période avant de les enregistrer ; dans le cas de MDK, il a travaillé pendant un an et demi avant de le jouer avec le groupe (Lawrence 68). Vander reconnaît que pendant cette période transitoire :
J’ai immédiatement commencé à faire de la musique plus obsessionnelle, sans savoir vers quoi j’allais. Je restais au piano pendant presque deux moi, jouant un ré en bas du clavier, ensuite j’ajoutais des choses, ré-enregistrais avec notre vieux revox, d’autres rés…
Je cherchais un « OM », inconsciemment, et c’est seulement après deux mois que le premier accord est apparu, résonnant en ré ; puis quelques accords qui faisaient une mélodie. C’est devenu, à cet instant, la mélodie centrale de Mekanik. C’est en fait le milieu de Mekanik. Puis j’ai du composer le début et la fin. C’était vraiment original, je n’avais jamais entendu ce genre de musique avant. (Lawrence 68).
MDK est toujours un pilier du répertoire de Magma en concert. Au vu de la longévité de la pièce, Vander en fait même une analogie directe, voire un jeu de mot, avec Coltrane : « MDK c’est vraiment « My favorite Thing ». Dans un autre entretien, il développe autour de cette analogie, citant la nature cyclique de l’interprétation de Coltrane du thème de Rodgers et Hammerstein :
Il est vrai que lorsque j’ai entendu My Favorite Thing par John Coltrane- pas sa composition mais le thème qu’il a joué tant de fois- j’ai découvert ces morceaux de piano se faisant écho les uns aux autres, ces cycles toujours présent amenant l’auditeur vers autre part, vers quelque chose de nouveau. Cela a été l’impulsion pour MDK même si ce n’est pas complètement similaire à My Favorite Thing. (Leroy "Interview" 28)

MDK est peut-être aujourd’hui encore l’album de Magma le plus connu. C’est l’album par lequel Magma gagna un public au Royaume-Uni, et une apparition au festival de Reading en 1973. Le batteur de Yes, Bill Bruford, déclara à Paul Stump que Magma avait « fait tourner les têtes : leur prestation les a fait apparaître comme une force élémentaire qui ne ressemblait à aucune autre chose » (Stump 139). MDK a aussi été le premier enregistrement de Magma à sortir aux Etats-Unis.

L’apothéose Coltranienne de Magma : Kohntarkosz
Kohntarkosz, qui a suivi MDK, est d’après Vander « peut-être le plus imcompris de tous les thèmes de Magma et le plus complexe… C’est une histoire entre un Maître [Emehnteht-Re] et un disciple [Kohntarkosz]". Encore une fois, le sujet principal est spirituel, inspiré de la version de Vander de la religion de l’Egypte ancienne :

L’histoire d’ Emehnteht-Re peut être racontée ainsi : un jour un homme s’appelant Kohntarkosz découvre la tombe d’un grand maître de l’Egypte ancienne, qui a été assassiné. Son dernier souffle est arrivé avant qu’il ne parvienne au but qu’il s’était fixé, à savoir l’immortalité magique. Il parvient à s’introduire dans le caveau principal du tombeau et alors qu’il se tient à l’entrée, il entend les chants des anges… Il fait l’expérience d’une vision totale et complète de la vie d’Emehntet-Re.
Il s’évanouit et toutes les expériences et recherches d’Emehnteht-Re lui sont révélées. Losque Kohntarkosz revient à lui, il ne se souvient pas de tout, à part quelques fragments qu’il essaye de réassembler jusqu’à obtention d’une connaissance claire du travail du maître. Il lui faudra une vie entière pour parvenir au niveau du maître, c’est-à-dire pour recevoir le Dieu Egyptien de la Création : Ptah, flottant dans les airs, dormant au dessus de l’univers.
Une grande partie de Kohntarkosz est caractérisée par l’utilisation d’une harmonie en quarte et quinte (4), qui encore une fois trouve racine dans l’utilisation de ces types d’accords par Coltrane. Lewis Porter écrit :
Le son du quartet de Coltrane est construit autour de petits motifs basés sur la quarte comme le chant de A love Supreme, plutôt que sur des arpèges d’accords majeurs qui sont une partie critique de la plupart du jazz et de la musique occidentale en général. Cela donne à sa musique un son sérieux, plutôt abstrait et… contribue probablement à l’idée de spiritualité dans sa musique (216).
Il remarque par exemple que l’ouverture du solo de Coltrane sur "Acknowledgment" est constituée des sons suivants : B-E-F#-B (Si-Mi-Fa dièse- Si) et que la plupart de A Love Supreme est basée sur une gamme faite de deux cellules conjointes transposée en quarte parfaite (C-Eb-F-Ab-Bb : do-mi bémol-fa-la bémol-si bémol). Les sons encadrant ces deux cellules (C, F, Bb : Do, Fa, Si bémol) construisent une autre sonorité de quarte (234-39).

A Love Supreme apporte des preuves multiples des techniques de développement par cellules de Coltrane. Porter décrit ces techniques comme suit (238) :
- Intensifier le rythme, en le jouant en augmentant de petites valeurs de notes et en augmentant la fréquence
- transposer le motif hors de la gamme
- utiliser l’instrument dans toute sa tessiture, en réservant les registres altissimo pour les pics.
Chacun de ces trois traits stylistiques auquel Porter fait allusion est également présent dans Kohntarkosz et MDK.

Densité rythmique

Christian Vander a remarqué que “Kohntarkosz” est “basé sur un rythme très syncopé où le Temps semble être le Contre-Temps et où des Contre-temps émergent du Contre-Temps… menant à un positionnement spatial très original. Cela provoque un sentiment physique et psychique totalement nouveau. » Vander fait référence à une sorte de changement de phase métrique auquel on parvient grâce à une série de syncopes – évoluant de manière suffisante sur une période de temps suffisante, la syncope peut être perçue comme un nouveau premier temps. Celui-ci crée à son tour une nouveau mappage métrique pour la durée de la patterne, ce qui peut être ce à quoi Vander fait référence en parlant de « positionnement spatial très original ».

Le recours à la syncope à des degrés variés de densité rythmique joue un rôle important dans "Kohntarkosz." La première exposition du motif sur trois accords, tôt dans la première partie, est accompagnée par un motif à la basse qui ajoute plusieurs syncopes. (voir ex.1) (5)
Même dans son évocation, trois différents types de syncopes apparaissent. La première mesure présente une syncope sur la 8° note avant le 4° temps. La seconde mesure développe la syncope de la première, en ajoutant une syncope sur la 8° avant le 2° temps. Le motif de la seconde moitié de la première mesure est alors répété à sur la deuxième. La troisième mesure présente une diminution métrique et de durée de la première – les syncopes sont maintenant 16 notes avant le temps et les deux dernières attaques chacune pointée en durée – et présente une série ou chaîne de syncopes. En effet, le processus par lequel la deuxième et troisième mesures de ce passage développent la première, en présentant une chaîne de syncopes et une diminution de la structure métrique, offre un avant-goût du procédé de développement utilisé dans le Deuxième Partie de « Kohntarkosz ».

Le premier développement de ce motif sur 3 accords (à [3:36-4:00]) ralentit le rythme harmonique et apaise le tempo. Autour de cette toile de fond, la basse et la batterie continuent les syncopes sur la 8° note, développant l’idée rythmique présentée en mesure 1 du motif original (Ex.2). Remarquez que bien que les accords impliquent des changements métriques en 2/4 à la manière du motif original, la basse continue de manière résolue en 4/4.

Après ces utilisations plutôt subtiles de la syncope – pendant lesquelles l’auditeur est plus enclin à se concentrer sur la répétition du motif en 3 accords – le concept de « contre-temps » auquel Vander fait référence prend un rôle plus important dans la Partie 2 de Kohntarkosz. La Partie Deux (correspondant à la deuxième face de la première édition de l’album), commence (à [15:40-16:05]) avec une figure syncopée trompeuse constituée de quintes parfaites (ex.), dont l’ascension est peut-être liée à l’ascension du motif à trois triades montrée dans l’ex.1. L’accentuation dans ce passage tombe sur la note de basse et la dyade de quinte parfaite la plus haute ; on s’attend à ce que ces notes tombent sur le temps, avec la note la plus grave du le motif (initiant chaque changement d’accord) représentant la pulse la plus accentuée, voire le premier temps. (l’exemple 4 montre une version regroupée de l’exemple 3, dans la métrique perçue). En fait, la note la plus grave arrive huit notes avant le temps, et la note la plus aigue du motif arrive huit notes après.

Plus tard ( à [22:13-22:57]), le motif à trois accords de la Partie 1 revient, cette fois avec une sonorité de quartes/quintes (rappelant A Love Supreme) et s’étalant sur le motif à contretemps rythmique (Ex.5). Le rythme harmonique de ce motif à trois accords invite à l’interprétation de ces trois mesures en 4/4 à deux mesures en 3/3 (voir les crochets au dessus des accords). (6). Ce nouveau sentiment de triple métrique installe la section d’improvisation étendue qui suit : le motif à trois accords, joué maintenant par le clavier, est rythmiquement transformé par ce tempo plus rapide pour se déclencher 6 notes avant le temps. Ce déplacement sur la sixième note trouve sa contrepartie dans la troisème mesure du motif à trois accords originel de la Partie 1 (arrivant cependant après le temps, plutôt qu’avant).

La chaîne de syncopes la plus étendue apparaît également dans la Partie 2, et c’est ici que l’idée de Contretemps de Vander est la plus efficacement réalisée. Commençant à [25:38], les syncopes après le temps deviennent si importantes que l’on commence à entendre ces pulses comme un nouveau temps. Un changement de perception arrive. Ce qui est encore plus frappant, c’est que lorsque le violon entre sur le temps originel à [26 :38], il sonne à présent comme une syncope, avant le temps. Tout ceci, par la même occasion, constitue une diminution du motif à contretemps originel qui ouvre la Partie 2. On peut se souvenir de l’affirmation de Porter selon qui Coltrane, en incorporant des éléments Africains dans sa musique, « semblait épaissir la texture rythmique de sa musique alors même qu’il simplifiait le mouvement harmonique en gardant une pédale ». (214).

Transposition en dehors de la gamme
Porter explique l’utilisation de cette technique par Coltrane de la manière suivante :
En s’éloignant de plus en plus du Fa mineur, une dissonance apparaît entre la mélodie et l’accompagnement. Souvent, la basse et le piano répondent en le suivant dans une sorte de modulation improvisée… Mais la musique revient toujours en Fa et l’auditeur a tendance à entendre tout ceci par-dessus un fond en Fa même lorsque le Fa n’est pas joué. C’est vraiment une transposition à partie d’une pédale. (238)

"Kohntarkosz" et A Love Supreme partagent l’utilisation d’harmonies en quartes/quintes sujetes à une transposition stricte à partir d’une pédale. En effet, le mouvement parallèle de cette sonorité est assez semblable aux voicing harmoniques du pianiste de Coltrane, McCoy Tyner (sur My Favorite Thing, Greensleeves et Acknowledgment pour citer quelques exemples). (7). L’exemple 6 illustre une occurrence de cette technique dans Kohntarkosz (à [11:03-11:46])
Par ailleurs, Vander fait l’opposé –maintenant le motif et transposant l’accompagnement contre lui. Plus tôt dans le morceau, par exemple à [4 :00], le motif à trois accords originel (ici une tièrce majeurs transposée par plusieurs paliers consécutifs) est juxtaposées contre une série de notes de basse qui sont quasiment étrangère à la tonalité des voix (ex.7).

Registre

Il faut être prudent en attribuant l'utilisation d'extrêmes dans les registres aux points culminants à une influence de Coltrane. En effet, des trois « aspects de développements » du jeu de Coltrane listés par Porter, c'est le plus mince. En effet, il existe un nombre incalculable d'exemples d'utilisation d'extrêmes dans les registres aux points culminants dans la musique classique ; et des deux pièces de Magma étudiées ici, Kohntarkosz est certainement le plus structuré de manière classique des deux (8). On peut très probablement penser que Carmina Burana de Carl Orff, par exemple, fait partie des influences derrière Kohntarkosz.

L'influence d'Orff – en particulier le style choral monolithique et l'emphase sur le piano et la percussion- est également forte dans la musique de Magma, en particulier sur MDK. Vander a hérité des vastes travaux choraux-percussions d'Orff, comme Catulli Carmina, une disposition similaire pour un son choral large : « J'ai toujours imaginé Magma avec une sorte de choeur, beaucoup de voix, comme 60 ou 100 chanteurs » (Leroy « Big Bang »). L'influence d'Orff se retrouve en particulier dans l'écriture vocale de Vander à travers l'organisation chorale (une technique qui, comme dit plus haut, est aussi proche du style de Mc Coy Tyner). Certaines sections de Mdk, par exemple, sont très proches de passages choraux de catulli Carmina d'Orff.

Cependant dans MDK, on peut également entendre une influence free-jazz évidente, en particulier celle du travail de l'associé de Coltrane Pharoah Sanders avec la voix de Leon Thomas, qui collabore sur les albums de Sanders « Jewels of thought » et « Karma » (tous deux des références du free jazz de la fin des années 60). Sur ces albums (en particulier sur « hum Allah » et « The creator has a master plan »), Thomas use d'une manière de chanter inhabituelle qui inclut une technique de « yodeling » proche de celle des Pygmées Aka d'Afrique. Complétant les vocalisations de Thomas, Sanders utilise un registre altissimo sur son saxophone clairement influencé par les dernières approches de Coltrane. A plusieurs moments dans MDK, Vander -qui place généralement plus d'emphase sur son jeu de batterie que sur son chant- exécute des vocalisations dans un registre extrêmement haut avec une contrôle exceptionnel. Ces moments de technique vocale étendue sont des plus inhabituels dans la discographie de Magma.

Par exemple, à l'apogée de Mdk – quand le héro, le prophète Nebehr Gudahht devient un être immatériel – Vander monte dans un registre de cris aigus qui suggère certainement Sanders ou Coltrane. Si l'on peut dire que ceux-ci transposaient la passion d'une voix gémissante à travers leurs instruments, Vander fait l'opposé en transcendant les limites traditionnelles de la physiologie vocale pour suggérer un son instrumental abstrait. Cette transition musicale décrit une autre point dans la construction narrative de MDK : « L'Univers les [Gudahht] entraîne dans une Marche Céleste – celle dont personne ne peut revenir. Et le Destin Immuable vient parachever son oeuvre. Ils ne sentirent pas leur mort ».

Conclusion

Il est sans doute évident que l'homage de Magma à Coltrane le plus explicite, l'instrumental Coltrane Sundia (Coltrane Repose En Paix) conclut l'album Kohntarkosz. Encore une fois, des sonorités en quartes et quintes abondent dans cette pièce, et il est instructif de l'écouter en regard avec le début de « Acknowledgment » de coltrane ou « Wise one » (1964) pour prendre la mesure de l'influence profonde de Coltrane sur Vander.

Cependant, il faut dire que Vander n'a jamais considéré Magma comme un hommage direct à Coltrane. Comme il le dit à Aymeric Leroy : « Je parle de Coltrane car c'est un musicien que j'aime vraiment et que j'aimerai toujours. Mais j'ai toujours dit que la musique de Magma ne sonne pas comme celle de Coltrane. Et heureusement : il n'apprécierait sans doute pas cela. Je ne crois pas que c'était mon idée. L'idée c'est que chaque groupe doit jouer sa propre musique, ce qui est rarement le cas ; pour moi, chaque groupe sa propre « couleur musicale » ».

Néanmoins, la musique de Coltrane – et d’Orff, parmi d’autres – a certainement eu un impact sur le style particulier de Magma. L’engagement total requis de sa civilisation créée est peut-être la contribution la plus radicale de Magma à la musique populaire. Sun Ra l’avait fait bien sûr. Et le personnage Ziggy Stardust de David Bowie a certainement exploré des notions similaires de l’ « altérité » (dans le cas de Bowie, le blason de la marginalisation sexuelle dans une société hétéro). Mais ni Sun Ra ni Bowie ne sont allés aussi loin pour créer leur propre langage et leur propre lexique. Cette ethnie créée est partagée par certains des fans les plus ardents de Magma – un autre parallèle avec l’héritage de Coltrane. Par exemple, l’église afro orthodoxe St John à San Francisco a canonisé Coltrane comme saint et utilise A Love Suprême dans ses liturgies (Porter 296-97). Sur internet, les Ordonnateurs du Rituel Kobaïen (O.R.K.) développe un site rassemblant les « écritures saintes » du prophète Christian Vander, incluant la doctrine :

Nous reconnaissons Kreuhn Kohrmahn comme le seul détenteur de la Vie, la Mort et l’Inspiration, à travers l’Espace et le Temps. C’est à lui qui nous dédions nos vaisseaux spirituels et physiques, et il nous délivre la connaissance du juste et la Beauté ; Nous reconnaissons l’Emblême Saint comme le dernier symbole de l’Amour, la Force et la Destruction… Son invocation nous apporte la Science de la Musique des Sphères et nous porte vers l’Ombre Fertile de du Saint Prophète. Nous reconnaissons Kobaia comme la seule et unique planète, les autres n’étant que pâles reflets et corruptions, dédiées à l’annihilation. Elle est l’Endroit de Tous les Possibles, le Paradis Distant que nous connaissons depuis que nous avons ouvert les yeux il y a des millions d’années ("Les Statuts officiels de L'O.R.K.")

Il existe également quelques sites de dictionnaires Kobaien-Anglais (et français) créés par des fans (9).
Magma, ces dernières années, est devenu un groupe plus ritualisé – lors de concerts récents, les nouveaux morceaux ont été délaissés en faveur de performances répétées de "Kontarkhosz" et "Mekanik Destructiw Kommandoh,"ainsi qu’une ou deux chansons plus courtes. De plus, ces pièces sont aujourd’hui jouées d’une manière proche de celle d’il y a 25 ans. Récemment, la trilogie complète Theusz Hamtaahk est sortie sur le label de Vander Seventhe Records, dans un somptueux coffret de 3 CD documentant la performance du 30e anniversaire du groupe au Théâtre du Trianon à Paris. La nature inchangée du répertoire de Magma, en dépit de ses fréquents changements de personnel et malgré 30 ans de changements de modes en matière de musique populaire, rappelle peut-être les mots de LeRoi Jones : « Jouer de manière forte pour toujours serait le cri et le but vénérable de la vie » (193).


Acknowledgments
I thank Alan Stanbridge, of the University of Toronto, and Andy Linehan, Popular Music Curator of the British Library National Sound Archive, for their assistance in locating hard-copy citations for some of my internet sources.
Notes
(1.) The theme of outer-space travel and extraterrestrial escape is prevalent in progressive rock of the 1970s. Examples include Jon Anderson's concept album Olias of Sunhillow (1975), Rush's "Cygnus X-1" (A Farewell to Kings, 1977), and "Born to Go" and "Time We Left This World Today," by the British group Hawkwind (both on Space Ritual, 1973). See Smith for more about the link between progressive music and speculative fiction.
(2.) The description of Vander's music as "teutonic" does not refer to his nationality. Steve Lake notes that Vander is of Slavic descent--his grandfather was a nomadic gypsy violinist (18). Nonetheless, Lake describes Vander's Kobaian language as "full of guttural noises, and strange Teutonic syllables"; some contemporary critics even accused Magma of harboring Fascist or Nazi sympathies, solely on account of the aggressive quality of their musical style and their penchant for wearing black shirts with the Magma logo in performance. As Stella Vander (Christian's wife and a singer in the band) put it, "when Magma arrived on the French musical scene, it was enough to be dressed in black--amidst the groups of the time who, themselves, were dressed in a riot of color--to be compared to a sect, and especially of the extreme right. Indeed, Christian never made any attempt to contradict these assertions; he even added to them from time to time" (Desassis; my translation).
(3.) Fascinating evidence of MDK's development can be heard on Magma's CD EP Simples, which contains an early version of MDK (then called "Mekanik Kommandoh"). The song begins with a jazz vamp that seems straight out of the Horace Silver songbook, but by its end it has metamorphosed into something quite different, foreshadowing the direction that Vander was to take with Magma.
(4.) The term "quartal harmony" is used to describe chords built up of fourths, rather than on the thirds that characterize conventional triads. For example, a G major chord is made up of thirds as G, B, D; a quartal chord on G might be spelled G-C-F (all fourths). Similarly, chords made up of fifths (such as G-D-A) are classified as examples of "quintal" harmony. I use the term "quartal-quintal" harmony to describe aggregates that are made up of combinations of these intervals.
(5.) Timings and transcriptions hereafter are taken not from the studio recording of "Kohntarkosz," but from the live performance of the piece (listed as "Kohntark") issued on Magma Hhai--Magma Live (CD, Seventh Records Rex 10, 1975).
(6.) Examples of this type of hemiola, involving regrouping of twelve pulses into four groups of three or three groups of four, are common in West African drumming, as well as in the music of minimalist composer Steve Reich (see especially Drumming [1971], which is explicitly modeled after Ghanaian drumming practices). A rock equivalent can also be heard in the coda to Peter Gabriel's "The Rhythm of the Heat" (Security, 1982). The hemiola in Ex. 5 differs from these examples, however, in that the two metric groupings do not share a common downbeat, but are an eighth-note "off" from each other.
(7.) The blocklike shifting of chords up and down in pitch is also a characteristic of much pop and rock music. For example, consider the "Barre chord" electric guitar playing found in any number of songs by the Ramones, or the arcing piano chord progression of Bill Withers's "Lean on Me." Nevertheless, these examples usually involve unadulterated triads; I assert that Magma's use of quartal-quintal (or "suspended fourth") chords in planing contexts is more directly linked to McCoy Tyner's piano style than to anything in rock music of the 1960s or 1970s.
(8.) Of course, one can also easily find countless examples of registral extremes used to emphasize climactic points in rock music. Led Zeppelin's version of Willie Dixon's "You Shook Me" (1969), with its guitar/voice interplay at the end, is a famous example.
(9.) See for example the site at <http://www.geocities.com/SunsetStrip/Alley/8366/ MAGMA-KOBAIAN-dictionary.html> (available as of October 13, 2000). A different site, in French, can be accessed (as of October 13, 2000) at <http://www.multimania. com/ojouan/acceuil.html>.
Works cited :
• Bannour, Ferid. "An Article from Batterie Magazine (Oct 1995)." Trans. Jerome Schmidt. Online: <http://member.aol.com/sleeplessz/batmag.htm> (April 21, 2000).
• Corbett, John. Extended Play: Sounding Off from John Cage to Dr. Funkenstein. Durham, NC: Duke UP, 1994.
• Desassis, Denis. "An Interview with Stella Vander." Online: <http://perso.wanadoo.fr/desassis/zeuhl/s_vander/fr/index2.htm> (Jan. 18, 2001).
• "Emehnteht-Re." Online: <http://www.geocities.com/SunsetStrip/Alley/8366/ MAGMA-MYTHES-emehnteht-re.html> (Oct. 13, 2000).
• Jones, LeRoi. Black Music. New York: Apollo Editions, 1968.
• "Kobaian--English Dictionary." Online: <http://www.geocities.com/SunsetStrip/Alley/8366/MAGMA-KOBAIAN-dictionary. html> (Oct. 13, 2000).
• Lake, Steve. "Magma MM Band Breakdown." Melody Maker 9 Mar. 1974: 18-19.
• Lawrence, Dana. "Greetings from Kobaia: The Talking Drums of Magma's Christian Vander." Option Magazine [R.sup.2] Jan./Feb. 1988: 66-69.
• Leroy, Aymeric. "Big Bang Interview." Trans. Jerome Schmidt. Online: <http:// member.aol.com/sleeplessz/bigbang.htm>. (April 21, 2000) (This is an unedited version of the interview that appeared in Big Bang 18.)
• "Interview with Christian Vander." Big Bang 18 (1996/97): 25-29.
• Porter, Lewis. John Coltrane: His Life and Music. Ann Arbor, MI: U of Michigan P, 1998.
• Smith, Bradley. The Billboard Guide to Progressive Music. New York: Billboard Books, 1998.
• "Les Statuts officiels de L'O.R.K." Online: <http://membres.tripod.fr/ orkmagma/doctrine2.htm> (Sep. 29, 2000).
• Stump, Paul. The Music's All That Matters: A History of Progressive Rock. London: Quartet Books, 1997.
• Vander, Christian. "Mekanik Destruktiw Kommandoh" (liner notes). Online: <http://www.geocities.com/SunsetStrip/Alley/8366/MAGMA-MYTHES-mdkmyth.html> (Nov. 30, 2001).
• "Selected Discography Commented by Christian Vander." Trans. Jerome Schmidt. Online: <http://member.aol.com/sleeplessz/disco2.htm> (Apr. 21, 2000).
Discography :
• Anderson, Jon. Olias of Sunhillow. Atlantic LP 18180, 1976.
• Coltrane, John. A Love Supreme. Impulse! CD GRD 155, 1964.
• "Greensleeves." The Other Village Vanguard Tapes. Impulse! LP AS 9325/2, 1961.
• "My Favorite Things." My Favorite Things. Atlantic LP 1361, 1960.
• "Wise One." Crescent. Impulse! CD MCAD 5889, 1964.
• Crosby, Stills & Nash. "Wooden Ships." Crosby, Stills & Nash. Atlantic LP 82319, 1969.
• Gabriel, Peter. "The Rhythm of the Heat." Security. Geffen CD GHS 2011, 1982.
• Hawkwind. Space Ritual. United Artists 2LP 60037/8, 1973.
• Kantner, Paul/Jefferson Starship. Blows Against the Empire. RCA LP 67440, 1970.
• Led Zeppelin. "You Shook Me." Led Zeppelin. Atlantic Records LP 8216, 1969.
• Magma. "Kohntark." Magma Hhai--Magma Live. Seventh Records CD Rex 10. 1975.
• Kohntarkosz. Seventh Records CD Rex 9, 1974.
• Mekanik Destruktiw Kommandoh. Seventh Records CD Rex 7, 1973.
• "Mekanik Kommandoh." Simples. Seventh Records CD Rex 2, 1998.
• Thuesz Hamtaahk--Trilogie au Trianon. Seventh Records 3CD Rex 29-31, 2001.
• Rush. "Cygnus X-1." A Farewell to Kings. Mercury CD 534-628, 1977.
• Sanders, Pharoah. "Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah." Jewels of Thought. Impulse! LP GRP 247, 1970.
• "The Creator Has a Master Plan." Karma. Impulse! LP GRP 153, 1969.
• Kevin Holm-Hudson is Assistant Professor of Music Theory at the University of Kentucky. He is the editor of Progressive Rock Reconsidered (Routledge, 2002).
Popular Music and Society, Dec, 2003, by Kevin Holm-Hudson
COPYRIGHT 2003 Taylor & Francis Ltd. / COPYRIGHT 2004 Gale Group

Zïha Morgane Houdemont pour la traduction


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