Les mémoires de la musique (4/5)

Radio Suisse Romande – Espace 2
Emission du 27 février 2003

Les mémoires de la Musique.
Porte ouverte sur un huit clos.
Avec Christian VANDER, batteur, chanteur et compositeur.
Une série d’émission proposée par Jean LECLERC et Patrick LENOIR.

Quatrième volet : à bâtons rompus

(Musique)

(Bruit de bâton de pluie)

CV : Il n’y a pas de secret. Que des mystères.

(Extrait : « Salut », album « TO LOVE ») puis fade et fin derrière la voix du journaliste

Une nouvelle journée avec Christian VANDER pour poursuivre la découverte de ce travail, de cette œuvre, la rencontre avec un musicien des plus inclassables. Inclassable au point que cela peut parfois poser problème quand il s’agit tout simplement de vouloir acheter les disques. Les grands circuits de distribution semblent en effet souvent fort embarrassés, on ne sait pas dans quelle catégorie ranger cette musique !
Avec Christian VANDER nous aurons aujourd’hui l’occasion de revenir sur le rapport qu’il peut entretenir avec le reste du monde musical et aussi le système. Christian VANDER est un musicien extrêmement réputé, un compositeur reconnu, mais quelque chose coince et empêche une fluide diffusion de ses œuvres. C’est en autre l’objet de cette série d’émissions. Celle d’aujourd’hui s’intitule : « A bâtons rompus ». Sujets variés, musique également variée, montrant la richesse de palette, l’étendue du registre dont cette expérience magnifique : « Baba Yaga », une œuvre de Christian VANDER interprétée par des chœurs d’enfants, que vous entendrez au cours de l’émission.
Voici Christian VANDER, ses mots et sa musique.

(Extrait : « Salut », album « TO LOVE ») puis fin.

CV : Un jour, moi j’enregistrais le disque « Merci », au studio Davout, et comme on a travaillé très, très, très longtemps sur la bande, bon, 170 jours avec la même bande, alors qu’aux Etats-Unis ils changeaient de bandes, ils transféraient les bandes, pour jamais utiliser toujours la même, etc, etc. Nous, on utilisait toujours la même, et au bout d’un moment, la bande, on voyait presque le jour au travers ! L’ingénieur du son m’a dit : «regarde, Christian, si on continue comme ça, il n’y aura plus de musique ! Tu perds tous les jours de la musique ! » Il a passé son doigt sur les têtes d’enregistrement, et m’a montré son doigt. On voyait une fine poussière. Il m’a dit : « tu vois, tout ça c’est de la musique ». En réalité, c’est inquantifiable, ça, ces poussières… Que, ceux qui nous enregistrent aujourd’hui, ceux qui nous captent, entre guillemet, sont des choses qu’ils mesurent, c'est-à-dire, chiffrées. Or, l’avant, le commencement du posé qui existe - qu’on ne capte même pas forcément avec nos oreilles - existe ! Et là, la machine ne l’entend pas ! Nous donne tout de suite, la résolution du son. Et il manque l’attaque ! Donc, un son qui est donné comme un élastique « nnnnnda, nnnnnda », ce « nnn » n’existe plus longtemps. « Da » ! Et c’est pas ça qu’on a joué ! C’est pas notre touché, c’est pas notre phrasé. Suffit de réécouter des choses qu’on connaît très, très, très bien, que ce soit des… un orchestre de cordes, dans le classique, on entends… la première attaque. Celui qui a attaqué, ou le plus lentement, mais le plus fort (rires), mais tout l’ensemble des attaques moelleux, on l’entend plus ! C’est raide ! Et on a le même phénomène pour John COLTRANE où toutes cette reverb subtile ou sa reverb naturelle à lui, indépendamment d’une reverb qui peut-être était là dans le studio, n’existe plus ! Donc son son est beaucoup plus raide, alors qu’il a toujours fait quelle que soit son énergie et sa volonté – que ce soit même le « jeune ténor en colère » ou autre, comme on a pu l’appeler à une époque - toujours avec un certain moelleux. Qui s’est… perdu. Voilà ce qu’il se passe avec les problèmes… numériques, les choses comme ça…
Moi, j’imagine… Visualise les choses, comme des petits carrés, ou comme quand on place des petites… des balles, pour jouer au billard, moi je ne joue pas au billard, forcément, vous voyez ce que je veux dire, on place… Et encore, on regarde des petits cubes bien imbriqués, on essaye, on les déplace – tiens, ça n’a pas marché dans le sens où on voulait – donc, on les replace à nouveau et on recommence… Moi, c’est pas du tout comme ça que je vois la musique. Je vois ça comme… du sable sur une plage. On marche, une fois. Et après « ha, c’est pas comme ça que je voulais marcher », bon, ben, replace les grains ! C’est déjà… Une autre dimension, je trouve. Donc, c’est pour ça qu’on a la responsabilité, la valeur des choses à ce moment là… (On entend parfois tout au long de l’interview des oiseaux derrière la voix de Christian).
Pour moi, bon, quand même, s’il doit exister un enregistrement, un bon enregistrement, c’est où on peut visualiser les musiciens dans un lieu. Aujourd’hui, quelquefois on entend, je dirais, que ce soit une charleston, une cymbale de batterie, on se demande où le gars pouvait être placé pour la jouer ! Ou un clavier de piano, pris tellement proche, qu’il n’y a même plus la place à l’oreille du pianiste ! Je veux dire, il doit être couché sur le clavier pour entendre le clavier de cette manière, donc c’est même plus son oreille ! Ça, c’est étrange. Il faut l’espace, simplement l’air qu’il y a entre l’oreille et le clavier et les mains surtout ! Aujourd’hui, très souvent, ça donne pas envie d’aller jusqu’à un certain degré de travail – Moi, je le fais, hein, je le fais…- mais on se dit qu’à l’arrivée toutes les subtilités n’existerons plus. On va perdre, on va perdre énormément. Jusqu’à trente, quarante pour cent du travail ! Alors, on me disait « c’est subjectif, blabla, etc », j’ai dis « non, non… » Parce qu’en fait, j’ai dis, si je composais une harmonique, une symphonie qu’avec une harmonique, mettons - quelle que soit la tonalité -très, très fine. A des moments, elle serait tellement fine, qu’on l’entendrait presque plus, sur la bande. Après mastering, qu’est-ce qui resterait de cette harmonique ? Elle serait même peut-être des fois transposée au niveau tonalité ! Quand ça tiens à un cheveu, hein… Ca peut moduler sur un demi-ton au-dessus, un demi ton en dessous, ça va très, très, très vite, des quarts de ton, des huitièmes de ton, hein… Donc, ce n’est déjà plus la tonalité que j’ai indiquée, et en plus, l’endroit qui était presque insaisissable - tellement fin, ténu, que l’on aurait pu le briser - et bien, cette fois il va être brisé ! Parce que la machine va pas entendre ce moment, et va couper !

(Extrait : « The night we Died », album « MERCI »). Se termine en fade derrière la voix du journaliste.

Pour beaucoup de musiciens, la question de la restitution est un problème non négligeable. Etre au plus près du son. Au cœur de la matière. Au bord du toucher. Et tenter des expériences.

CV : En tout cas, pour moi, j’imaginais à l’intérieur de la musique - grâce à la quadriphonie, donc, faut penser à ça - et j’ai même fait des expériences à l’époque - bon, il y a peut-être des gens qui ont fait ça aussi dans d’autres domaines, hein – on jouait « Mëkanïk Kömmandöh» et sur tout le final, j’avais fait répéter un groupe, euh, parallèlement, qui était installé derrière les gens – une autre scène, en fait, en réalité – et… Il n’y avait pas de rideaux, mais… Sur tout le final, un deuxième orchestre se mettait en branle au fond de la salle… En stéréo, en quadriphonie. Donc les gens étaient encadrés par la même musique, par deux groupes différents qui jouaient, un au fond de la salle et un… Bon, c’était dur à gérer au niveau des retours ! Mais on l’a fait, on l’a fait… En fait, pour moi, c’est la musique d’abord. Je dis une chose aussi : dans le fond, plus ça va, plus je pense, dans l’idée de fond, la musique est monophonique, et non pas stéréophonique.

(Extrait : To Love, album « TO LOVE »). Se termine en fade derrière la voix du journaliste.

L’entrée en scène. Le passage à l’acte. Le moment où le compositeur redevient musicien.

CV : Personnellement, en tout cas, je préfère rester concentré. Plus ça va, plus je me prépare avant les concerts. Donc j’évite de bouger, j’évite de participer, même à trop de discussions… Quelquefois ça arrive, hein… La tension, la tension générale fait qu’on participe quelquefois (petit rire). Mais… J’ai, je me prépare suffisamment, dans la journée et… avant le concert, en tout cas, parce que quelquefois le concert se fait plus tôt dans la journée… Je me prépare de toute manière. C’est le but, donc il faut… Il faut être prêt et rassembler toute l’énergie à ce moment là. Ne pas se disperser, ça c’est certain… D’une manière générale, je crois qu’on se prépare tout le temps, même quand il n’y a pas de concerts. L’idée, c’est être dans un état permanent, je dirais pas « égal », mais… (Petit rire) dans cet état. C’est-à-dire qu’à l’instant même, maintenant, là, je peux jouer, tout de suite, le temps de le dire… Dans le même état, tout de suite… (Petit rire) Il n’y a pas, là, il n’y a pas de mise en condition, donc j’y suis, j’y suis forcément.

(Extrait : « Nono», album « ATTAHK ») Se termine en fade derrière la voix du journaliste.

Au mois d’octobre dix-neuf cent nonante cinq, à Epinay-sur-Seine, près de Paris, une expérience pas ordinaire, baptisée « Baba Yaga, charivari pour voix d’enfants ». La musique de Christian VANDER est alors enregistrée par une soixantaine d’enfants. Impressions, souvenirs.

CV : C’était un moment merveilleux. C’est certain. J’avoue (rires) franchement aussi que j’écoute très régulièrement ce disque ! J’avoue, il me procure un, une sensation tellement différente… Et puis je les ai vus, je les ai sentis, tous ces gosses… Très souvent, j’ai pensé, c’est marrant, tous ces enfants… J’ai presque l’impression que c’est mes enfants, quelque part ! (Rires) sensation étrange, mais… Je les aime comme ils sont. J’aime cette fraîcheur. D’une certaine manière, on a une petite tranche de vie qui nous est impartie et… Ça, ça c’est des moments quand même importants (rires). C’est important, ce qui s’est passé, moi je trouve, ça c’est sûr. J’aurais jamais pu imaginer une chose pareille, ça c’est certain.

(La musique commence alors que Christian finit de parler. Extrait : « Baba Yaga la sorcière, charivari pour voix d’enfants ». Continue en fade derrière la voix du journaliste, puis fin.)

Révélateurs, ou faussaires. Les mots sont des menteurs, a-t-on suggéré un jour. Christian VANDER.

CV : Les mots pour les mots, non, ne m’intéressent pas, bon, la littérature… Parfois, c’est beau, un style (petit rire) ou quelque chose, mais en réalité, non, ce qui m’intéresse, c’est l’histoire réelle. C’est l’histoire de notre temps, l’histoire de notre vie, l’histoire de la vie. Et l’histoire… Tout court. Mais cette histoire qui n’est pas forcément gravée sur les livres qu’on a forcément pu… lire, que ce soit à une certaine époque, dans notre enfance, dans notre adolescence ou autre. L’histoire réelle. Prenons un dictionnaire, le « dictionnaire de la musique » Bordas, par exemple, on lit : « John COLTRANE, destructeur de la mélodie ». Moi, c’est une personne que j’ai connue dans ma tranche de vie et je sais que c’était John au contraire… C’était plutôt quelqu’un fou de la mélodie. Donc, déjà, c’est totalement erroné ! Donc la personne - en parlant d’ordre alphabétique - qui se trouve juste avant John COLTRANE et juste après, qui c’est ces gens là ? Je ne les connais pas forcément ! C’était une autre époque, c’est pas ma tranche de vie, je me dis : « et si c’était pareil ? » C’est grave, moi je trouve ! Je peux rayer ce, ces termes sur mon dictionnaire à moi, mais je ne peux pas empêcher (rires) le Bordas d’exister ! Vous comprenez ? Finalement, je ne, je n’aime pas parler des gens que je n’ai pas connus, directement. Au moins, les gens que j’ai connus, je dirais, de mon apparition (rires) à partir du moment où j’ai, où j’ai été ici, je peux déjà, peut-être un peu – peut-être, peut-être – un peu parler d’eux. Non, j’ai une grande méfiance, d’une manière générale, sur les écrits, malgré tout ce qu’on peut dire. Notamment même sur l’histoire de MAGMA (petit rire) et je suis là, pourtant ! Mais on n’a pas toujours le droit de réponse.

(Extrait : « Hhaï », de l’album « MAGMA LIVE - KOHNTARK »). Continue en fade derrière la voix du journaliste, puis fin.

Musicien inclassable, nous disions tout à l’heure, avec toutes les conséquences d’incompréhension, d’isolement, de rejet, que cela peut engendrer. Les relations avec le système sont naturellement proportionnelles aux compromis qu’on s’autorise.

CV : Je crois que l’on n’est pas dans le moule. Ou dans le monde (rires). Je crois que… Bon, les médias ne nous aiment pas. Donc, c’est pas facile. Ils connaissent tous, ils respectent tous, mais ne passent pas. J’aurais pas pu dire ça si j’avais travaillé cinq ans et arrêté ! J’aurais dit « bon, j’aurais du persévérer, je ne sais qu’est-ce… » Mais, trente ans de boulot comme ça, plus de trente ans, et toujours la même… le même mur, si on peut… ça y est, on a compris, je ne peut pas me tromper en disant des choses comme ça… Les médias ne nous aiment pas, c’est tout. Bon, moi, je les ai vu, puisque, bon, j’ai été invité à deux, trois émissions, notamment Canal plus, Antoine DECAUNES m’avait dit d’ailleurs : « tu sais Christian, je peux pas faire beaucoup plus pour toi », c'est-à-dire, passer cinq minutes, et puis bon genre une à deux minutes avec les baguettes ; tandis que un gars comme BASHUNG, lui, parlait trois à quatre heures, et puis - ou une, deux heures, je ne sais qu’est-ce, je n’ai jamais regardé cette émission – mais parlait de moi pendant une demi-heure, en disant « c’était fantastique, blabla, etc ». Bon, moi aussi, j’aimerais bien parler de moi pendant un petit peu de temps ! C’est vrai, pourquoi moi j’aurais pas pu parler de moi à un moment ou un autre ? C’est terrible, ça, quand même ! Non, j’assiste à des gens qui glissent, très vite : « Ah, oui, Christian VANDER, c’est fantastique, etc », et bon, blabla ! Bon, on passe à autre chose… Moi, je les ai vus, dans les coulisses, surtout. Ils m’ont tous dit « Ah, Monsieur VANDER, votre musique, c’est fantastique, c’est merveilleux, mais alors… Notre public n’est pas prêt du tout ! Notre public n’est pas… n’est pas préparé pour écouter d’aussi belles choses ! » (On entend le journaliste rire)
Quand je pense qu’il y a trente ans, un jour il m’avait dit ça, et j’en avais presque tiré un genre de gloriole ! (Rires) Je me suis dit « oui, c’est vrai, c’est peut-être une musique tellement fantastique ! » Là, maintenant, j’ai pas… Quelle horreur !... Non, je… Ils prennent les gens pour des… des billes, je dirais ! On le sent bien, les choses n’ont pas bougé d’un millimètre ! Ils ressassent, ils ressassent ! Il y a des gens du groupe qui ont travaillé, qui ont servi ces gens-là, ces causes-là, pendant vingt ans ! On peut pas tout faire, hein ? Puis il reste des traces, après… Et puis souvent, on est que la mémoire de ce qu’on était… Dangereux ! C’est un choix de vie, je sais pas ! Moi, je m’attendais à rien, c’est ça qui est génial, à la fois ! Je ne m’attendais pas, je savais que tous les musiciens que je connaissais, les grands musiciens, étaient des gens qui avaient soufferts, qui… qui n’ont d’ailleurs jamais travaillé pour l’argent ! Ça, c’est certain… Quand il y en a, y’en a ! Mais ils ont souffert, beaucoup, souvent ! Parce que pour moi c’était un déshonneur de gagner de l’argent, au début, donc (rires) je n’avais aucune angoisse ! J’ai vu des gens craquer pour ça, c’est normal ! Faire vingt concerts, 25 concerts par mois dans des conditions aussi difficiles, dormir des fois sous le camion, pour un sandwiche que promettait le gars, quelquefois, de toutes manières pas le restaurant, moi, je l’ai fais ! Le lendemain, qu’on soit payé ou non, c’était plutôt pas payé qu’autre chose, j’étais à nouveau sur scène - jouais avec le sourire, je dirais peut-être pas !- Mais je jouais avec la même énergie et la même volonté de faire passer quelque chose ! C'est-à-dire que bon, moi je pensais que c’était forcément difficile à partir du moment où on avait décidé de faire de la musique. Mais je pensais pas en plus qu’on nous mettrait des bâtons dans les roues ! Je pensais quand même qu’au bout d’un moment, c’était moins facile, en effet, que de faire certaines choses plus accessibles. Mais ça se trouve, ça peut être aussi accessible ! Je suis sûr que si les gens écoutaient pendant plusieurs mois que de belles musiques ou des choses comme ça, ils feraient déjà leur choix au travers de ça ! Ils diraient : « oh, j’ai écouté « Naïma », j’ai trouvé ça magnifique, oh, il y a une belle balade », et puis, pourquoi pas aussi, au Japon, John COLTRANE au Japon ! (Rires) Pour ne parler que de John ! C’est vrai ! Découvraient des sons, d’autres choses. Après, c’est une question de, de se mettre dedans. Très souvent, au début on va dire : « au début, j’avais du mal, c’était vraiment pas ma chose, puis, progressivement, je commence à bien entendre les mélodies, maintenant, je trouve ça génial ! Je ne peux plus m’en passer », ou je ne sais pas ! C’est possible ! Non, on les, enfin on les abrutis, légèrement, je m’excuse !

(Extrait : « Ehn Deïss », de l’album « OFFERING, part III-IV »)

Quelques heures passées aux côtés de Christian VANDER, et une question vient comme une évidence. Ou plutôt, une hypothèse. Celle d’ouvrir une école, un centre, où savoir, expérience, seraient enseignés au lieu des connaissances habituellement dispensées. Une école d’esprit. Poursuivre, élaborer, proposer des choses nouvelles, s’ouvrir. Beaucoup de chemin est déjà parcouru. Il semble, cependant, que la route soit encore longue. Qui y a-t-il d’écrit sur la boussole de Christian VANDER ?

CV : L’approche de tout, l’approche des choses. L’esprit, on verra ! Que ce soit de la musique, de n’importe quoi… L’approche, déjà l’approche. Faire sentir… Ça, oui. Je trouve que c’est une « école », entre guillemets, qui manque… Cruellement. Je me souviens, de ma première expérience, moi j’étais allé au conservatoire de musique du dixième arrondissement, avec mes baguettes - je travaillais seul, sur la musique de John, des choses comme ça, un peu… sans direction précise, j’écoutais, surtout, bien, et j’essayais de, voilà, relever les choses à ma manière, comme ça se faisait beaucoup à cette époque et de toute manière ça avait du bon – je suis allée dans cette école, bon, j’ai vu un professeur de tambour, il m’a vu avec mes baguettes à la main et il n’a même pas cherché à m’écouter, il a dit : « écoutez ». Il m’a fait écouter un de ses élèves, voilà, son meilleur élève, il m’a dit : « vous voyez ? », l’élève a joué quelque chose, « vous voyez, cet élève, là, il a déjà deux ans de tambour dans les mains ». Je l’ai écouté, j’ai pensé, pour deux ans, c’était forcément pas la direction que je voulais prendre ! Je connaissais tout ce qu’il venait de jouer… Deux ans pour faire ça ! j’ai pensé... J’ai dit, bon, tant pis, je suis reparti. Il n’a même pas cherché à savoir si j’avais une approche différente, si, bon… Il avait donné une approche raide à son petit tambour (rires) et franchement, c’est pas ça du tout ! Même aujourd’hui, par exemple, des gens me demandent des conseils, voire quelquefois, des cours de batterie, des choses comme ça… Je dis, bon, attention, moi je donne quelques conseils, mais de là à donner une position, un positionnement à quelqu’un - évidemment, je sais à peu près ce qui peut faire mal dans le temps - mais d’indiquer des positions trop précises à quelqu’un, c’est très difficile, avant même de faire le premier exercice. J’apprends aux gens, quelquefois, à connaître leurs corps, connaître le sens de leurs muscles, pour simplement qu’ils ne prennent pas une position définitivement, qui va les gêner durant toute leur vie de, de musicien ou autre, c’est la réalité, hein… Ça, c’est évident, ça change tout, l’approche.

(Extrait : « Korusz 2 » puis enchaînement avec le thème de l’ « Exorciste », musique de Mike OLDFIELD, puis fade et fin derrière la voix du journaliste.)

Retour à présent sur une histoire un peu trouble, longtemps évoquée, l’histoire d’un plagiat qui a plus fait la fortune du copiste que de son créateur.

CV : Bon, nous (chants d’oiseaux) on était dans le, dans ce studio, Manoir, à Londres, et quelques jours avant l’enregistrement de « Mëkanïk Kömmandöh», on répétait, un petit peu –ou plus ou moins, je sais plus très bien – je crois que je jouais les passages de « Mëkanïk »… Et puis des nouvelles choses, aussi que je faisais, notamment une, une petite chanson que pour une fois j’avais fait en pensant à mon grand-père, qui s’appelait « « La » Dawotsin ». Et lui, heu… Il a entendu l’introduction de cette chanson. Qui est vraiment note pour note « Tubular Bells », en fait, finalement (rires). Mais il était là tous les jours à écouter ça. Tous les jours, tous les jours. Ca l’a obsé… ça l’obsédait, et d’ailleurs, un jour, on m’a dit : « tiens, ce gars, c’est Mike OLDFIELD », j’ai dis «oui, bonjour, enchanté… », il n’était pas hyper-connu à l’époque, je crois (on entend le journaliste approuver), mais nous, bon, on jouait, on jouait, on jouait, moi, je jouait toujours ces… Je travaillais dessus tous les moments où je pouvais, sur le piano. Et lui était toujours là, à observer, écouter, bon… Je crois, un an plus tard, un an et demi, quelque chose comme ça, heu… j’étais à Londres aussi, et j’ai vu la première ou je ne sais qu’est-ce du film l’ « Exorciste ». On m’avait dit, c’est extraordinaire, etc, bon… Et, avant le film, une musique passait. Et j’écoutais la musique, je veux dire… C’est beau, c’est beau, cette musique ! (Rires) Et puis après le film, avec le - enfin, je ne me souviens plus comment c’est placé, mais enfin - le générique, et à nouveau cette musique, au bout d’un moment, j’ai pensé : « mais, c’est étrange… ça me rappelle l’introduction de « « La » Dawotsin », ça, c’est incroyable, on dirait « « La »Dawotsin », on dirait « « La » Dawotsin » ! J’aimerais bien savoir qui est-ce qui a fait ça ! » On m’a dit « ben, tu sais qui est-ce qui a fait ça ? C’est Mike OLDFIELD ! » Mike OLDFIELD… Ah ! (Rires) le gars qui se trouvait donc dans le studio !
Euh, ce qui m’a ennuyé, moi, ce n’est pas ça, c’est simplement que si moi je jouais quelque chose d’un peu similaire - puisque évidemment la couleur était très proche, notamment, même dans « Mëkanïk », ou dans ces choses là, ou même dans ce morceau que je devais enregistrer - on me disait, on m’aurait dit : « mais dit donc, ça ressemble à la musique de Mike OLDFIELD ! » C’est tout ce qui me gênait, en fait ! Qu’il se soit passé ce qu’il se soit passé, bon, après tout, ça peut arriver, hein ? Ça lui a plu… C’est tout, mais, mais moi, c’est ça qui me dérangeait ! Donc, tout de suite, j’ai du passer ailleurs. Ça n’a pas été facile ! Mais, quelque part, ça a été bénéfique pour moi, puisque… J’ai tellement voulu sortir de ce type de musique – pourtant, c’est véritablement MAGMA – que j’ai découvert « Köhntarkösz ». Tellement j’ai voulu m’évader de ce style de rythmique, de ce style d’ambiance. Donc, je suis passé à « Köhntarkösz », et à nouveau, ça m’a amené véritablement à autre chose. Peut-être je serais resté figé sur cette musique pendant des années, parce que j’avais envie de développer beaucoup de thèmes avec ce type d’ambiance. Parce que ça appartenait à MAGMA. Or, aujourd’hui, bon, on voit, tout, pratiquement tous les films qu’on voit, même des séries B, de, un peu fantastiques, ou voire ou autre, on entend toujours ce type de canevas, qui, quelque part, est un succédané du succédané, l’ombre de l’ombre de l’ombre de ce morceau de Mike OLDFIELD qui est lui-même qu’un succédané de « « La » Dawotsin », finalement !

(Extrait : « « La » Dawotsin », de l’album « RETROSPEKTÏW III »)

Au cours de l’émission, nous avons entendu « To Love », tiré du disque du même nom, enregistré en 1988, « Nono», extrait du disque « ATTAHK », « Baba Yaga », une adaptation de l’œuvre « Mëkanïk Kömmandöh» pour orchestre et chœurs d’enfants, « The night we Died », tiré du disque « MERCI », enregistré par Christian VANDER en 1988 (sic), un extrait du disque « Kohntark, le live », enregistré en mille neuf cent septante cinq, le morceau s’intitule « Hhaï » ; « Ehn Deïss », tiré du disque « OFFERING, part III et IV », enregistré en mille neuf cent nonante, un extrait de « Korusz 2 », tiré du disque de solo de batterie « Korusz », un extrait tiré du disque « Tubular Bells », de Mike OLDFIELD, et enfin, « « La » Dawotsin » extrait du disque « RETROSPEKTÏW III »
C’étaient « Les Mémoires de la Musique, une émission de Jean LECLERC et Patrick LENOIR, avec la collaboration de Laurent SAMBO et Daniel GOLAY. Si vous voulez vous tenir au courant de l’actualité des concerts ou de la discographie de Christian VANDER, nous vous conseillons de vous rendre sur le site dont voici l’adresse : www.seventhrecords.com.
Au cours de demain, nous aurons donc l’occasion d’entendre en quasi-totalité la dernière œuvre de Christian VANDER : « Les Cygnes et les Corbeaux »

Zeuhl Merci :
Laurent SAMBO
Evelyne CERMOLACCE, pour sa fidèle retranscription.

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