Les mémoires de la musique (5/5)

Radio Suisse Romande – Espace 2
Emission du 28 février 2003

Les mémoires de la Musique.
Porte ouverte sur un huit clos.
Avec Christian VANDER, batteur, chanteur et compositeur.
Une série d’émission proposée par Jean LECLERC et Patrick LENOIR.

Cinquième et dernier volet : les cygnes et les corbeaux

(Musique)

CV : À partir du moment où on a choisi sa voie, il faut certainement pas… tenter à un moment ou à un autre d’aller sur une autre voie. On risque d’embrouiller quelque chose, d’emmêler les choses ; il faut conserver sa voie, ça c’est certain.

(Extrait : « Eliphas Levi », de l’album « MERCI »), fin du morceau, continue en fade derrière la voix du journaliste puis fin.

Dernière œuvre en date de Christian VANDER, « Les Cygnes et les Corbeaux ». Quelques chiffres suffisent-ils à en rendre compte ? La pièce a été composée entre dix-neuf cent quatre vingt deux et dix-neuf cent nonante sept. Quatre années ont été nécessaires à son enregistrement.
Voici ce qu’on pouvait lire récemment sous la plume de Bruno HEUZÉ : « après les forces telluriques, les masses aériennes. Après MAGMA et OFFERING, Christian VANDER, seul - ou presque - face à la puissance symphonique. La voici donc enfin orchestrée, cette jonction magique entre STAVINSKY et COLTRANE. Jonction qui n’a cessé de hanter VANDER depuis que résonnaient les premiers accords de « Kobaïa » en 1969. De facture résolument classique, cette dramaturgie garde cependant du jazz une pulsation essentielle, où un tambourin ondoyant a remplacé charleston et cymbales. Sans doute, celui-là même avec lequel Christian VANDER jonglait lorsqu’il dansait en écoutant « Le Sacre du Printemps » à l’âge de quatre ans. Chants en nuées, piano en battements d’ailes, immenses voiles orchestraux filant en apesanteur sur un horizon ouvert par le "semeur" vers les grandes étendues de l'est... " Les Cygnes et les Corbeaux " ne ressemblent à rien de connu. On le savait, Christian VANDER est un génie qui vient d'ailleurs. D'une beauté indicible, ce "drame d'un autre temps" le clame plus loin encore. »
L’essentiel de l’émission d’aujourd’hui sera donc consacré à l’écoute d’une grande partie de cette composition.
Avant sa musique, retrouvons quelques mots de Christian VANDER, qui nous parle de son oeuvre : « Les Cygnes et les Corbeaux ».

(Extrait : « Eliphas Levi », de l’album « MERCI ») fin du morceau, continue en fade derrière la voix de Christian puis fin.


CV : Voilà, une pièce d’une heure, on pourrait dire en deux parties… Une… rencontre d’oiseaux, première partie, c’est « l’Appel », deuxième partie, « les Oiseaux », sans interruption, bien entendu. Ce qu’on pourrait dire, c’est que c’est une musique à mouvements. Subjectivement, on peut entendre à des moments un tempo, des tempi, mais en réalité, ils sont vécus… pas à pas. Chaque pas ayant sa valeur. Donc, quelque part, ça reste en suspension. Il n’y a rien qui est posé définitivement, tout y est déjà presque en vol… C’est une manière de comprendre cette écoute, et même quelquefois d’éviter de penser : « tiens, c’est marrant, ça ressemblerait à un tempo bien posé et en même temps on arrive pas à situer le pourquoi, ça tourne, mais ça spire (sic) en réalité ». Voilà. C’est une sorte de spirale que j’ai découverte en créant ce morceau. Puisqu’au départ, je… j’ai commencé à enregistrer sans, sans connaître son mouvement ! Y’a qu’à la fin que j’ai compris son mouvement, que je, j’ai pu restituer tout l’ensemble, visualiser - si on peut dire – quel était son mouvement. On peut dire une chose, c’est que si demain on l’enregistre, ce sera un autre mouvement. Et les accords également sont faits de telle manière que, mêlés différemment ils procureront encore d’autres sensations, les mélodies résonneront de manière différente. Il peut y avoir des centaines de versions de, de ce morceau, voire plus, ce ne sera jamais pareil. Quoique les mélodies seront toujours bien différenciées, on les reconnaîtra toujours quelque part, mais elles auront évoluées en fonction des accords qui tourneraient différemment dessus. Et de la circonvolution des choses. C’est certain. Une musique à mouvements. Il y a deux… prises nulle part. Rien ne s’appesantit jamais. Par exemple, imaginez le début… avant la deuxième partie des « Oiseaux », la première partie quand on appelle « les cygnes et les corbeaux sont venus, sont venus » à un moment donné, j’ai dû jouer, je ne sais pas… 185 ou 190 motifs de piano sans – parce que, bon, il y a des passages entrecoupés de séquences, et puis soudainement, on enchaîne sur, cette fois-ci, la montée, la… définitive, où là, il y a je ne sais plus combien de mesures seules de piano - sans habillage, sans rien, la grande solitude, en imaginant tout l’orchestre à chaque fois il fallait pas se tromper d’un accord ! (Rires) 185 ou 190 accords, mais sans vouloir les compter, en plus, parce qu’il fallait, il fallait que ça arrive à ce moment là ! On pouvait briser tout l’élan, à une mesure près, à deux temps près ! (Rires) Il y a beaucoup de choses, là, qui sont… Evidemment, moi j’ai tout fait, donc j’avais tout en tête, hein, sinon, faut tout écrire… Il y a des parties qui sont écrites parce qu’on a joué certaines parties… Mais sinon, il faut tout écrire, tout ça… Ce qui n’est pas un problème !... Je donne les indications, on écrit tout, je veux dire, mesure par mesure… On a toutes les mélodies principales dans le disque, tous les accompagnements – en réalité, c’est des modes – mais les notes se déplacent, on, on a droit à jouer selon les couleurs d’oiseaux certains modes. Et on a des notes imposées. C’est ce qui crée en même temps la difficulté et l’intérêt de la chose. Encore au début des « Oiseaux », par exemple, il y a un flûtiste qui fait un solo. Et il n’a pas le droit de jouer plus que quatre notes ! Mais quatre notes avec les octaves, avec les choses, voire mêlées. Il doit se débrouiller avec ça. Donc les accords derrière passent dans tous les sens, avec des harmonisations spéciales – il faut absolument que lui négocie. (Rires) Donc, à un moment donné, il est obligé de blueser les notes – à un moment donné, on entend, il passe par un cap où il est obligé non seulement de négocier ce qui se passe autour, et en plus, il doit amener une modulation plus, je dirais euh… plus classique derrière – et ouvrir enfin pour amener la mélodie du chanteur. Là, il est… il est divisé, un peu, quelque part, en lui-même. Il y a le moment où il est… ni lui, ni les autres, enfin, enfin il est entre les deux, et la mélodie… bascule vers une harmonisation plus classique et amène le… le premier chant de l’Oiseau bleu… Donc, il y a le Semeur, y’à le Vent, y’à le… Les Cygnes et les Corbeaux, y’a beaucoup de parties qui évoluent… C’est un choix, après, bon… Deuxième partie « les Oiseaux », passé les séquences… Un des «Oiseaux bleu», c’est de toute manière le même qui évolue plus ou moins… Il a ses notes imposées, au bout d’un moment, il les tourne dans l’autre sens. Progressivement. Les mélodies souvent se passent de cette manière. Elles sont jouées dans un sens, puis, soudainement, ce qui servait l’harmonie d’une certaine manière dans un sens, l’harmonie reste dans le même sens mais par contre la mélodie est jouée à l’envers. Donc, on peut, on peut tout faire, en réalité. J’ai même, je dirais, occulté une partie où… Toutes les mains gauches piano devaient amener à certaines mélodies, complètement différentes, et je ne savais pas combien de temps même durait le morceau, donc j’ai supprimé ces parties. Et on s’est rendu compte à la fin qu’on arrivait à 65 minutes ! On avait encore dix minutes !... C’est comme ça… Mais je pouvais pas prévoir. Il fallait pas qu’on coupe le morceau, donc je voulais pas quand même arriver à 76 minutes et dire : « non, on est obligé de couper le morceau » ou quelque chose comme ça… Je voulais que les deux parties s’enchaînent. Enfin, deux parties bien distinctes, bon, en effet, la première partie – qui reste, à part l’introduction, encore traditionnelle – et la deuxième partie qui ouvre sur les « Oiseaux », où, là, c’est un changement radical.

(Voix de femme) : « En un lieu situé en dessous de l’écorce terrestre, SAHÏSS SIÏAAHT prononce une incantation. Un son grave et vibratoire s’élève jusqu’à la surface de la terre, délivrant un ultime message destiné au vent. Il devra survoler la planète entière pour annoncer à tous les oiseaux, que le temps est venu pour eux d’appeler l’Oiseau Unique. Pour cela, ils devront se réunir pour accorder leurs chants en un seul chant. Et lorsqu’ils ne formeront plus qu’un son, ils pourront se tourner vers l’azur pour invoquer l’Oiseau Unique. Christian VANDER »

LES CYGNES ET LES CORBEAUX :

Prologue :
« Des profondeurs »
« Incantation »

L’Appel :
« Le vent »
« En avançant vers le vent »
« Le semeur vers le nord »
« Le semeur vers l’ouest »
« Le semeur vers le sud »
« Le ciel de l’océan »
« Les cygnes et les corbeaux sont venus »
« Vent et nuées d’oiseaux »
« Le semeur vers l’est »
« Le vent disparaît »

Les Oiseaux :
« Les oiseaux bruns »
« Les oiseaux en colère I »
« Les oiseaux en colère II »
«Extrait : Les oiseaux en colère III »
«Extrait : Les oiseaux en colère IV »
«Extrait : Les oiseaux en colère V »
« Mon oiseau est parti pour un dernier voyage »
« Les oiseaux blancs et l’oiseau bleu »
« Vers l’inéluctable »
« Chant unique pour appeler l’Oiseau I »
« Chant de la fatalité »
« Chant unique pour appeler l’Oiseau II »

Epilogue :
« Repos »
« Chant posthume »
« Des profondeurs »

Nous écoutions de larges extraits de « Les Cygnes et les Corbeaux » de Christian VANDER, œuvre pour voix, piano et grand orchestre.
C’étaient « Les Mémoires de la Musique, une émission de Jean LECLERC et Patrick LENOIR, avec la collaboration de Laurent SAMBO et Daniel GOLAY. Si vous voulez vous tenir au courant de l’actualité des concerts ou de la discographie de Christian VANDER, nous vous conseillons de vous rendre sur le site dont voici l’adresse : www.seventhrecords.com.
C’était une semaine passée en compagnie de Christian VANDER, batteur, chanteur et compositeur, nos remerciements à Philippe ZIBOUNG ( ?) de nous avoir donné l’opportunité de faire connaître ce musicien.

Zeuhl Merci :
Laurent SAMBO
Evelyne CERMOLACCE, pour sa fidèle retranscription.

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