“Destination Kobaïa”, suite, à Bordeaux MC2a,
le 27 Novembre 2004
Après l’écoute sur une chaise longue, le casque sur les oreilles, dans le noir total, d’une interview de Christian Vander réalisée par Yvan Blanloeil le 8 Avril 2004 à Montmagny, suit un débat rencontre avec Klaus Blasquiz, Yvan Blanloeil et Gerald Lafosse.
(Relire au préalable la retranscription de cette interview dans le pressbook : avril 2004 : Destination Kobaïa)
Klaus :
-J’ai découvert des choses dans ce qu’il a dit… C’est son point de vue, c’est son aventure mais j’en ai vécu quelques-unes avec lui, de 69 jusqu’à 80 et aujourd’hui. Il raconte des évènements qui peuvent paraître totalement anecdotiques, mais avec sa vision des choses, qui est assez cohérente même si elle paraît parfois embrumée, poétique, je ne sais pas comment la qualifier… il fait des erreurs, mais il en corrige certaines que ma mémoire ferait, c’est assez drôle. Je ne sais si vous connaissez l’histoire de la création du groupe.Yvan Blanloeil :
-Pour ceux qui ne connaissent pas Magma ici, Klaus, c’est le type qui était derrière le piano…Klaus :
-Ça s’est pratiquement passé comme ça. Il a oublié de dire qu’il y avait un chanteur avant, alors que ça ne s’appelait pas encore Magma. Il y avait un chanteur, mais il était souvent absent. Je n’étais pas dans le groupe. J’étais accoudé au piano et j’ai appris les morceaux comme ça. Il n’y avait pas de micro, il n’y avait rien pour moi… J’étais juste un visiteur. C’est vraiment comme ça que ça s’est passé…Une question vient du public :
-Quelle âge aviez-vous ?Klaus :
-19 ans.La personne dans le public reprend :
-Bah moi je connaissais déjà un peu tout parce que j’avais acheté le livre d’Antoine De Caunes… enfin un peu tout, disons un survol…Klaus enchaîne :
-Il est très survolé et puis en plus il est lui-même, quand il a écrit le bouquin, fan de Magma, il avait 18 ans. Il a écrit ce qu’on lui a raconté en fait, à sa manière.La personne dans le public :
-Ne serait-ce que la photo de pêche, avec le ciré de marin.Klaus (aux autres membres du public) :
-Je ne sais pas si vous connaissez cette photo parce qu’elle est assez drôle.La personne dans le public :
-Avec Paganotti à côté.Klaus :
-En fait c’est au studio d’Hérouville. C’est pas du tout sur une rivière… c’est une espèce de petit étang, une mare circulaire avec des poissons rouges… le gag ! Ils sont partis du studio avec les cuissardes, tout le matériel… c’était trop drôle… j’ai fait la photo…Yvan Blanloeil :
-Il y a un truc qui m’a évidemment beaucoup titillé dans cette histoire… toi tu vas pouvoir m’en dire un peu plus… c’est qu’on a affaire à un autodidacte qui, partant de rien, d’une simple inspiration, arrive à créer des choses d’une très grande complexité… c’est le point commun qu’il a avec Zappa… C’est des gens qui n’ont suivi aucune formation théorique et musicale, ils la pratiquent un petit peu sans doute, mais c’est surtout, comme il dit, par fréquentation de musiciens. En ce qui te concerne, c’est pareil ?Klaus :
-C’est pareil oui ! C’est-à-dire que le travail de recherche et de pratique, on l’a fait sur le terrain. On a essayé d’analyser les choses après, mais on était au pied du mur, il fallait déjouer des choses, en l’occurrence, pour ce qui me concerne, il fallait que je chante des choses inchantables, qui étaient composées par, justement quelqu’un qui ne cherchait pas l’académisme, qui ne l’avait pas, qui n’avait pas été formé, ou déformé… Donc je me retrouvais à faire des chœurs tout seul… mais il l’a dit tout à l’heure, il entend lui-même, quand il joue de la batterie, il entend qu’il est soixante batteurs… Moi je n’ai peut-être pas raisonné de cette manière-là, mais encore une fois j’étais au pied du mur et il fallait chanter… il fallait que ça sonne orchestral ! Et puis, même si je vous le raconte brièvement, il y avait aussi des problèmes techniques… À savoir que quand vous avez un batteur qui joue avec ce niveau sonore, avec cette énergie, même sur une petite batterie… Vraiment je vous incite à aller voir Magma prochainement, même si c’est sonorisé, vous allez comprendre que ce qu’on entendait là c’est très bien… mais la réalité… vous auriez Christian qui jouerait de la batterie ici, vraiment vous seriez bouleversés… il y a de la masse sonore, il y a de la profondeur… Et donc moi je me retrouvais non seulement avec lui, mais aussi avec un Francis Moze, qui n’est pas une brodeuse, ce n’est pas une fillette !… Un mètre quatre vingt-cinq, cent cinquante kilos d’énergie… les deux ensemble c’était déjà énorme, mais plus les autres musiciens, les cuivres, la sonorisation… et pour ceux qui connaissent un peu les questions techniques, mais je me limiterai à ça : il n’y avait pas de retour… Je me retrouvais à chanter avec un micro… une masse sonore de fous furieux derrière, et puis j’entendais vaguement ma voix dans la salle avec la sono, qui était une petite sono… Donc bah voilà c’était “ça passe ou ça casse !”… Il fallait que la voix soit orchestrale, ou pas. Donc je chantais dans cet esprit néo-classique… C’était déjà un peu décalé effectivement, même si autodidacte, je chantais totalement différemment des autres chanteurs de rocks des groupes que je côtoyais à l’époque. Et c’est peut-être ça qu’a entendu Christian… Il s’est retrouvé avec un chanteur avec une voix un peu placée, avec un vibrato, avec de la puissance. Parce que je n’avais pas de micro et on m’entendais quand même dans le piano… Bon, ça c’était pour revenir sur ce qu’on a entendu, et je terminerais là-dessus… moi je suis venu par Claude Engel, je suis venu à la première répétition que j’ai assisté en touriste. Et mon idée, moi j’étais aux Beaux-Arts à l’époque, aux Beaux-Arts appliqués, j’étais artiste, je cherchais la modernité. Et je me suis dit dans le vrai sens du terme : ça c’est moderne ! Ces fous furieux là, c’est ça que je veux faire !… Non seulement je ne veux plus jouer avec des gens qui ne savent pas jouer, mais en plus qui n’ont rien à dire. D’un seul coup j’ai eu cette espèce de marée musicale… il y avait un sens. Si je chantais ça, ça voulait dire quelque chose…
Autodidacte oui, même si maintenant j’enseigne, et d’avoir des élèves, ça m’a permis de travailler justement le sujet, à savoir non seulement raconter mon expérience mais aussi analyser un petit peu pourquoi est-ce que je préconise de travailler dans ce sens là.Yvan Blanloeil :
-Ce qui nous impressionnait beaucoup, les musiciens des années 70, c’était surtout la complexité rythmique. Alors donc il explique là, on a entendu qu’il ne la cherchait pas en tant que telle, qu’il ne cherchait à fabriquer des mesures bizarres mais que ça lui venait dans la nécessité. Je comprends ça de la part du compositeur, mais alors les musiciens qui doivent le faire… quand ils se trouvent face à cette composition…Klaus :
-Il parlait des musiciens tout à l’heure qui ont joué dans Magma, mais il y a des musiciens qui n’ont pas joué, dans Magma. Précisément. Qui ne pouvaient pas ou qui ne voulaient pas ou qui ne voyaient ce qu’ils pouvaient y faire, en dehors de ceux qui disaient “c’est téléphoné”. C’est pas n’importe lesquels… Teddy Lasry, Francis Moze, Claude Engel… c’est quand même des musiciens qui sont de vrais musiciens accomplis au départ… c’est-à-dire qu’ils ne vont pas se créer musicien dans Magma, même si moi je l’ai fait. Mais moi je suis aussi un petit peu décalé dans la mesure où je ne suis pas un musicien de rock à part entière. Je suis d’origine Basque et si je suis chanteur c’est parce que j’ai chanté avec mes parents. Je ne parle pas le Basque ni vraiment Espagnol, mais je connais des choses par cœur. On mettais deux jours pour aller chez mes grands-parents de Paris au Pays Basque. Et on couchait à Angoulême… il faut s’imaginer quand même la nationale… on roulait, on faisait une moyenne de quarante à l’heure… quand on faisait du cent dans la traction c’était “Ah ! On fait du cent papa ?!… Oui, c’est génial !” On mettait deux jours et je passais trois mois d’été à chanter, déjà dans la voiture on chantait avec mon frère et mes parents. Et revenir à Paris, et ne plus entendre de chanteurs, ne plus entendre de musique, ça m’a toujours paru étrange. Et donc quand j’ai entendu des gens qui chantaient d’un seul coup… parce que même dans le rock ça chante pas, le rock français en particulier, ça chante pas. Et alors voilà donc ces musiciens avec cet espèce de concours de circonstance… enfin bon il les a aussi attirés… quand on est passé à proximité, on a été attiré par ça comme par un aimant, par une lumière… Donc se retrouver avec une musique qui n’était pas patapouf : poumtchak poumtchak poumpoum ! D’un seul coup on s’est dit c’est ça ! On respire… Il y a un peu plus d’intelligence, un peu plus de second degré. Au lieu de jouer les choses évidentes, il joue entre ces choses-là, pour les suggérer. Quand il parlait… bon on ne va pas faire une conférence sur Kohntarkosz, il le ferait mieux que moi mais justement… Kohntarkosz, finalement quand on l’écoute sur le temps ce n’est pas très compliqué, quand on l’entend à l’envers… patapo patapo patapo (il joue le rythme sur le temps) si on l’entend comme ça c’est ridicule… mais si c’est : patahumpo… patahumpo (il joue le rythme en l’air) là ça prend… comme il le chantait sur le vingt sept temps, d’un seul coup tout est en fonction de ce renversement, tout prend le rebond, tout prend du sens… Donc la complexité rythmique en fait, elle est simplement dans le, ce n’est pas le second degré, je dirais c’est le “ne pas dire les choses” et les exprimer par leur contraire, par leur contraste, par leur respiration.Yvan Blanloeil :
-Ça fait deux fois que tu dis “respirer”. Alors lui aussi il est dans ça. C’est une histoire difficile à comprendre, de respirer en soufflant… Mais il semble que ce soit là le… dans la manière de se loger dans cette logique…Klaus :
-Et en même temps c’est totalement spirituel sa manière d’entreprendre la chose, sa manière d’entendre Coltrane. Mais c’est purement musical aussi. Effectivement, il y a des respirations qui sont des silences mais il y a des respirations qui sont des notes. On peut inspirer en faisant une note. Il se trouve que très tôt, j’ai pratiqué la fausse basse du chant tibétain et ce sont des traditions où on utilise le chant diphonique, mais aussi la respiration continue… et donc c’est assez étrange parce qu’on arriver par exemple à jouer d’un instrument à vent, sans s’arrêter. En respirant par le nez pendant qu’on souffle par la bouche. Donc là, c’est plus de la respiration. Et pourtant il y a de la respiration dans la musique même si on souffle. Moi je vois le rapport avec ça. Pratiquement, on peut l’expliquer, en décomposant la phrase, le phrasé. Mais lui il a ce sentiment je dirais primal ou primaire, premier disons. Il a tout de suite conscience de ça tout de suite.Une personne du public :
Je trouve effectivement que ce qui est flagrant dans la musique de Magma, c’est que ce n’est pas une musique technique en fait, bien sûr il faut que les musiciens qui jouent dedans aient une certaine technique pour pouvoir jouer les notes, mais ce qui ressort de la musique quand on l’écoute c’est justement le souffle et la respiration, qui est très particulier. Et je trouve que par rapport à ce qu’il est en train de chercher actuellement, enfin qu’il a cherché toute sa vie et qu’il est encore en quête par rapport à ça, cette espèce de musique qui se place dans un endroit indéfinissable… c’est-à-dire qui n’est pas sur le temps, qui n’est pas sur le contretemps, c’est de la musique qui jaillit d’un espèce de flou quantique, ou je ne sais pas comment on peut appeler ça…Klaus :
-Vous remarquerez qu’il n’utilise jamais le terme “émotion”. Ce serait trop facile de dire : “Bon bah on va faire de la musique et puis on va être ému… quelle que soit la forme“… L’émotion, elle est dans la musique elle n’est pas dans la réaction… les sensations sont importantes mais c’est AVANT que ça se passe ou c’est DANS la musique… c’est pas après !… C’est pas dire : “Oh ! La musique là était très belle ça m’a bien plu !”…-C’est qu’il est traversé par ça. C’est un récepteur…
Klaus :
-Et les rêves c’est authentique… moi je l’ai vu… j’ai passé des nuits dans la fameuse villa dont il parle au début, où on a répété six mois avant le premier album… Il se levait et il jouait des choses… Je me souviens de lui avoir demandé : C’est bien mais qu’est-ce que c’est ça ?… il répondait : je l’ai rêvé tout à l’heure… Parce qu’évidemment on était les uns sur les autres… il y avait une salle de répétition, qui était en fait un salon, avec deux lits… et puis il y avait des chambres… quelqu’un dormait dans la cuisine, un autre dans le sous-sol… donc quand quelqu’un jouait du piano à trois heures du matin ou à cinq heures ou à huit heures, forcément tout le monde était dans la musique…Yvan Blanloeil :
-Ce qui moi m’impressionne aussi… Bon, les musiciens abordent la complexité rythmique on en a parlé… mais la mémoire gigantesque !, parce que sa production est concentrée sur quelques années, mais alors : ENORME ! Alors comment on entre là-dedans ?Klaus :
-Bah c’est pas énorme puisqu’il fait de la musique vingt quatre heures sur vingt quatre…Yvan Blanloeil :
-Non, mais le musicien extérieur, le musicien du groupe qui doit rentrer dans ce truc là, comment il mémorise cette masse ? C’est ça !Klaus :
Alors c’est sûr qu’il y avait beaucoup de répétitions… parce que même si la musique était déjà composée, déjà écrite, il fallait aussi l’arranger par rapport à nos personnalités, à nos voix, à nos timbres, aux instruments… parce que Christian, à part quelques rares exceptions, il n’a pas composé pour un violon ou même pour un chant… Il a composé pour DES chants ou pour LE chant… il n’a jamais composé pour ma voix, ni pour la sienne d’ailleurs… Donc il y a un musicien qui se retrouve là, il y a un morceau et puis il le joue, il fait des bandes… et puis, bah c’est quarante cinq minutes… voilà… Alors on a écrit des fois des choses quand des musiciens nouveaux arrivaient, mais ça s’est fait au fur et à mesure… C’est aussi notre position de musicien de Magma, on arrivait pas au sein de Magma pour faire un disque, pour faire une émission de télévision, pour faire une carrière, pour vendre des disques… Donc on était un peu comme des moines, on entrait, surtout au début, dans la communauté… pas vraiment enfermés, mais assez cernés quand même… de musiciens, de cet objet qu’était “Magma”… C’était un groupe si on veut, mais dont on se sentait partie prenante… Moi je me suis retrouvé à dessiner, à écrire, à mettre en ordre le Kobaïen, par exemple… Ça me semble évident, mais j’irai jamais signer “j’ai inventé le Kobaïen”, c’est Christian qui l’a chanté d’abord. C’est un travail qui me paraissait logique. Il y a quelques phrases, quelques mélodies dans des morceaux qui sont de moi et d’un autre, dans un morceau de Christian. Mais en fait on ne faisait que compléter, polir une chose qui était de Christian, on a jamais réclamé quoi que ce soit, on recomposait une chose par rapport à notre façon de jouer qui était totalement Christian. C’est en ça qu’on n’était plus des autodidactes, parce que encore une fois ce n’est pas facile à jouer cette musique, elle n’est pas composée pour les instruments… Donc on s’est retrouvé… par exemple Jannick Top s’est retrouvé (le bassiste précédent était Jean-Pierre Lambert qui a enregistré peut-être un disque, il l’a découvert et il est venu nous voir en nous disant : j’ai trouvé le bassiste de Magma”, ce qui est quand même incroyable !… Donc on a été le voir dans un groupe qui s’appelait TROC, avec des musiciens merveilleux… et on a été dire à André Ceccarelli : “on va demander à Jannick Top s’il venir jouer avec nous puisque c’est vraiment le bassiste qu’il nous faut“… donc il est arrivé…) Et Jean-Pierre Lambert, le bassiste précédent, avait écrit une sorte de “score”, c’est-à-dire l’arrangement simplifié de la totalité de Mekanik Kommandoh… Alors ça faisait un sérieux courrier, comme on dit entre nous… une sorte d’accordéon qui faisait trois quatre mètres… c’est quarante cinq minutes quand même assez compliquées… et je me souviens très bien d’un Jannick Top ayant eu vaguement des bandes pendant deux jours, arrivant à la première répétition, dépliant le score, et puis se mettant à gauche, évidemment, à la clé… et il a joué d’un bout à l’autre… pas du tout les parties de J-P Lambert ! Il avait recomposé la partie de basse qu’on connaît aujourd’hui, instantanément… C’était lui qui devait jouer cette partie de basse ! Mais il fallait quand même qu’il soit premier prix de conservatoire de violoncelle, chef d’orchestre… il fallait cette technique là pour pouvoir gagner du temps, appréhender tout de suite ce que voulait dire Christian dans ce qu’il avait écrit… Il a évoqué certaines auditions qu’on a fait passer à des musiciens, on ne va pas être méchants mais il y a eu des choses très drôles… des gens qui n’entendaient absolument rien ou qui entendaient tout à l’envers. Et on ne pouvait absolument pas leur expliquer puisque c’était inexplicable. C’était pour rebondir sur le côté technique…
Mais un musicien avec beaucoup d’âme, beaucoup d’envie, je pense à moi, parce que je n’avais pas la technique pour le faire au départ, mais j’avais tellement envie, ça me semblait tellement évident de le faire, qu’on y arrive… c’est marche ou crève quoi… Il faut le faire ? Et bah on l’fait ! Et je crois que ça a été un peu pareil pour tout le monde même pour des musiciens de qualité technique instrumentale comme Teddy Lasry, qui sont des musiciens insensés. Ou comme Francis Moze, Christian parlait des bœufs où il jouait de la basse alors qu’il n’en avait joué de sa vie. Il avait vaguement une guitare chez lui et jouait de la bossa-nova. Et Teddy Lasry donc, pouvait prendre n’importe quel instrument. Un jour on lui prêté un hautbois, il jouait déjà de la clarinette et du saxophone mais je ne sais pas si vous connaissez la différence entre la clarinette et un hautbois, entre la anche et la double anche serrée… et bien instantanément il a joué du hautbois, il a fallu apprendre quelques combines mais il jouait de la basse, de la batterie… Son problème c’est qu’il est devenu aveugle… donc il a été obligé d’arrêter Magma… il a failli se tuer plusieurs fois, tomber de scène…
Donc c’était important que les musiciens arrivent avec un certain bagage, notamment les instrumentistes. Se retrouver sur un piano avec la partition de Mekanik Kommandoh c’est difficile à tenir si on ne s’appelle pas Gérard Bikialo, Benoît Widemann. Il y avait aussi un autre pianiste qui était avant Patrick Gauthier, qui a été furtif mais fantastique musicien, Jean-Paul Asseline, Christian l’a évoqué. Encore une fois, c’est quelqu’un qui a perdu l’esprit totalement pendant Magma. Un jour il a demandé à descendre du camion à 160Km/H, on l’a déposé et puis on l’a plus revu pendant un an. On allait jouer, on a été jouer sans lui. On pouvait rien faire, on l’a empêché de sauter… ce sont des choses qui arrivent…
Il y a eu énormément de musiciens qui sont passés par Magma… c’est-à-dire qu’il y a eu pratiquement une formule par an au départ et quelquefois deux, trois formules avec des changements drastiques, des rythmiques complètes qui changeaient… pour des tas de raisons. Simplement, au départ, les difficultés de vivre, de gagner sa vie, d’avoir un peu d’argent pour payer un loyer et autre chose que du camembert en revenant, vous avez vu Christian…Une personne dans le public :
-Sans faire les comptes, est-ce que Magma a gagné de l’argent ? Est-ce que vous avez vécu de votre musique ? Sans parler de jet, vous étiez pas les Stones…Klaus :
-On a survécu… Magma a fait vivre des gens par contre… pas seulement les membres de Magma, mais les maisons de disques, les éditeurs enfin tous les racketteurs habituels qu’on connaît… C’est facile à dire mais je peux évoquer la question du disque… quand Magma vendait un disque, on pourrait dire aujourd’hui douze euros, le prix de gros est d’environ cinq, six euros eh bien Magma, l’ensemble du groupe, touchait 10% du prix de gros sur la vente de chaque album… Alors, où va tout cet argent ? C’est vrai qu’imprimer un disque à un euro, c’est cher, graver un disque à deux euros, c’est cher… c’est fait trois euros ! Après il y a les marges de distributeur, les gens qui s’achètent des rolls… ils ont le droit de le faire mais il faudrait que les musiciens aient un petit peu de retour. Et ce n’est pas en vendant trois euros du mp3 en streaming sur internet qu’on va d’abord respecter la musique et puis ensuite, qu’est-ce que va gagner l’artiste ? 0,01 centime d’euro… donc la question n’est pas résolu… Alors ils peuvent dire : “il y a le piratage !” Mais c’est le piratage pour eux, c’est eux qui ne touchent pas autant ! Donc voilà, on a touché des avances de royalties minables qui nous permettaient de manger un peu, d’acheter un camion, une sono, un éclairage et de payer les techniciens… c’est ce qui fait que ça a été dur pour certain…La personne dans le public :
Et Seventh Records, c’est Stella Vander ? Elle est impliquée dedans beaucoup ?Klaus :
Forcément puisqu’elle a été la femme de Christian…La personne dans le public :
C’est elle qui tire les manettes dans cette maison de disques ?Klaus :
-Aujourd’hui ? Oui, je pense.La personne dans le public :
-Elle est avec Night & Day maintenant je crois.Klaus :
-Voilà, la distribution de Seventh Records c’est Night&Day. D’ailleurs, nous venons de reformer Utopic Records avec Jannick Top qui est aussi distribué par Night&Day. Donc nous allons sortir des documents et de nouveau disques. Parallèlement avec Christian parfois pourquoi pas, et moi je suis toujours prêt, je l’ai fait récemment et je continuerai de le faire à venir comme invité ou remplaçant comme à Bruxelles où je remplaçais le nouveau chanteur et qui est en fait le fils de Bernard Paganotti…La personne dans le public :
-Ce que vous avez loupé, à une époque, c’est le merchandising ! Moi j’ai commencé à aller voir Magma dans les années 73/74 et il n’y avait pas de merchandising alors qu’on était tous à vouloir des tee-shirts, etc… vous auriez pu vous faire des trucs en or…Klaus :
-Mais nous on les payait nos tee-shirts ! Il fallait qu’on les paie nos tee-shirts ! Moi j’étais trésorier, j’ai encore le livre de compte et c’est ce qui permet de savoir qui a joué et à quel moment…La personne dans le public :
-J’ai été sur votre site, où il y a tous les concerts à la queueleuleu… c’est incroyable, toutes les dates !Klaus :
On en faisait environ deux cent cinquante par an !La personne dans le public :
-Terrible ! Terrible !Klaus :
Mais il fallait qu’on joue, on avait deux raisons impérieuses : parce que de toute façon, on ne passait pas ni à la radio ni à la télé, ou si peu… même aujourd’hui… et puis il fallait qu’on joue pour pouvoir avoir un peu d’argent… parce que ce n’est pas avec les cinq mille, dix mille albums qu’on pouvait…Là, Klaus se tourne vers Gerald Lafosse, situé à sa gauche et dit :
-Tu as vécu les tournées… tu as été le premier assis sur une caisse, derrière, à rouler, à faire deux cents kilomètres par jour, pour aller jouer dans des endroits où il n’y avait jamais eu de musique…Gerald Lafosse :
-Oui.Klaus :
-Et monter un éclairage où il n’y en avait jamais eu…Gerald Lafosse :
-Mon premier concert avec Magma c’était à Jouis-en-Josas à l’école HEC, c’était dans le hall de l’école, tu t’en souviens sans doute…Klaus :
-Euh… oui…Gerald Lafosse :
-Il y avait eu une belle panne d’électricité qui avait durée une demi-heure.Klaus :
-Alors toi, tu es de Bordeaux !Gerald Lafosse :
-De Bordeaux, et à l’origine, j’avais dû aller rencontrer le groupe au Palais des sports pour la version Mekanik Kommandoh avec les chœurs… ça c’est la première fois qu’on l’avait joué… j’ai raté le début…Klaus (s’adressant au public) :
-Moi j’ai besoin de témoignage. Est-ce qu’il y en a qui était là ? Le grand Magic Circus nous a bien planté, j’ai été obligé de chanter pendant une demi-heure, de faire les indiens tout seul, en attendant que les musiciens prennent leur hôtel.Gerald Lafosse :
-C’était le bazar parce que moi je suis arrivé en cours de route, le concert était déjà commencé mais il n’était pas commencé à l’heure non plus…Klaus :
-C’était avec les chœurs de la Storchaus… Tout à l’heure on parlait de musiciens qui étaient faits pour jouer avec Magma ou pas ou qui étaient attirés… là on s’est retrouvé avec un cœur classique, des gens qui sont des choristes, mais qui n’étaient pas du tout sur la même planète. Et on avait des difficultés incroyables même en écrivant les choses comment il fallait chanter cette chose-là… Et alors on les tirait alors vous imaginez soixante, ils étaient peut-être pas soixante ?Gerald Lafosse :
-Non, ils étaient une petite dizaine !
(Rires dans la salle)Klaus :
-Mais c’est ce qu’il en restait, parce qu’on avait fait une répétition avec eux pour faire une sélection malheureusement, on avait été obligé, mais c’est incroyable des gens qui étaient d’avoir la moindre notion rythmique… quand on a voulu prendre des cordes aussi on avait des difficultés, alors je sais que ce n’est pas pareil dans tous les pays, si vous allez aux Etats-Unis, les gens jouent de toutes les musiques, donc quand vous prenez un violoniste il est capable de comprendre ces choses-là, et de jouer du jazz aussi pourquoi pas… En France, c’est tellement sectorisé que quand ils arrivaient ils avaient l’impression qu’on leur parlait une langue qu’ils ne comprenaient pas… Et donc on a été obligé de faire une sélection, on n’a pas pris de cordes pour ça, les cuivres, on avait de la chance de pouvoir sélectionner des musiciens de jazz qui pouvaient quand même le faire, mais si on avait pris des cuivres classiques, ils n’auraient pas pu le faire. On a été obligé, pour Mekanik Kommandoh, de faire une sélection. Parce que même des gens qui jouent du Stravinsky, vous écoutez du Stravinsky joué par des orchestres Français, sauf les meilleurs, ben, ils entendent tout à l’envers…Une personne dans le public :
-Mais ça, on peut le changer ?Klaus :
-Oh bah oui quand même ! Le niveau de technique et de culture des musiciens s’est amélioré incroyablement… mais en même temps, la musique, moi je ne sais pas, je l’attends encore… peut-être… Peut-être que j’attend une musique et que c’est une autre qui arrive… il faudrait qu’on nous la montre… mais il y a encore celle de Christian et le groupe…
Au public :
-Vous avez vu le groupe actuel ? C’est formidable !Une personne dans le public :
-Oui, l’année dernière au théâtre Barbey…Klaus :
-C’est incroyable !La personne dans le public :
-Oui mais il manque la violence de l’époque quand même !Klaus :
-Ah ! Je ne trouve pas !La personne dans le public :
-On sortait, on avait des larsen ! Quand on se couchait le soir, je m’en rappelle dans ma piaule, on rentrait du concert , on ne pouvait pas dormir, c’était terrible !Klaus :
-Oui mais peut-être que c’est euh…La personne dans le public :
-Le Son ! C’est moins fort qu’avant !Klaus :
-Peut-être. C’est moins saturé.La personne dans le public :
-Par exemple qu’Ivan a envoyé un petit peu, je me rappelle de ce son-là oui, même en concert… terrible ! avec des salles en bois en plus, genre le grand parc ou l’Alhambra de Bordeaux, où ça résonne, c’est comme le Bataclan ou La Cigale à Paris, vraiment c’était des sons qui nous arrivaient terribles, quoi !Klaus :
-Yvan est musicien vous le savez peut-être, et il avait formé un groupe qui s’appelait “Lucie dans le ciel” et il était à la fois première partie de Magma, à l’Alhambra notamment, mais aussi organisateur. Parce que c’est comme ça que ça se passait, puisqu’il n’y avait pas d’endroit, donc on a crée complètement le circuit avec des gens sur place… Donc on disait : “on vient jouer gratuitement, vous ne risquez rien, on vous envoie les affiches, trouvez-nous une grange, un hangar, et on va jouer !” Et il y avait cent personnes. La fois d’après, six mois après, on revenait, et il y avait cinq cent personnes. Et d’un seul coup, celui qui avait organisé, l’association gagnait de l’argent, nous ça allait, on payait les frais… Et après, bon on a pas eu cinq mille personnes forcément, mais on a écumé la France comme ça, pendant ces dix ans-là. Donc c’était d’abord un groupe de scène, même si on faisait un disque par an…La personne dans le public :
-Klaus ? Est-ce que Christian Vander il a un petit peu de regret de ne pas avoir fait une carrière internationale un peu plus forte ?Klaus :
-Non !La personne dans le public :
-Les Etats-Unis, l’Angleterre ! Il a percé en Angleterre un petit peu !Klaus :
-Mais, on a tourné énormément en Angleterre !La personne dans le public :
-Ou le Japon, les Japonais aiment beaucoup !Klaus :
-J’en parlais tout à l’heure avec quelqu’un qui était à Bruxelles… Dans les gens qui sont arrivés à se faufiler l’après-midi, il y avait deux Japonais, une douzaine de Britanniques, un Allemand… Vous imaginez, ils viennent du Japon quand même ! Pour ceux qui sont venus de Bordeaux à Bruxelles, c’est bien mais, du Japon ! C’est un signe ! Il y avait un Coréen… Regardez les sites, la moitié des sites sur Magma sont faits à l’étranger…
Alors pour terminer sur l’Angleterre… la première tournée, ça a été le temps de nous découvrir, on a joué dans un endroit clé qui a été… je ne sais plus le premier endroit si ça a été la Roundhouse, ou le Marquee…Gerald Lafosse :
-Non le Marquee c’était en cours de tournée, je crois que le premier c’était Guildford, et après on a fait un gros festival…Klaus :
-Alors là… c’était la première fois qu’on jouait cinquante mille, cent mille spectateurs. On ne voyait pas le bout du champ… Et puis il y avait un Rolling Stone qui était devant là …Gerald Lafosse :
-Mais le plus gros c’était au Danemark.Klaus :
-Roskill !… Mais pour terminer sur le premier concert qu’on a fait en Angleterre à Guildford, je suis persuadé qu’il y a une personne qui nous a suivie le lendemain, où on jouait au Pays de Galle et puis là il y a une autre personne qui nous nous a suivie. Et on s’est retrouvé à la fin de tournée, je crois en Ecosse, avec des types de Manchester, de Londres, qui nous avaient suivis qui s’étaient habillés en noir d’un seul coup… et puis qui étaient là et qui ne disaient rien ! Ils ne venaient pas nous voir pour nous dire : “vous pouvez nous signer… est-ce qu’il y a un disque et tout ?”… Ça je me souviens très bien, c’était la première tournée et on avait déjà une quinzaine de personnes… alors c’étaient des groupies un peu particulier puisqu’ils ne nous embarrassaient pas, ils ne venaient pas nous parler… ils pensaient qu’on ne parlaient pas Anglais ! Ni Français !Gerald Lafosse :
-C’était le type de tournées qui étaient très bien faites en fait, on avait des dates qui correspondaient pile poil, mais il y avait beaucoup de route… et on jouait dans des city hall. Ce sont de très bonnes salles de concerts classiques en fait, avec un balcon mezzanine…Klaus :
-Des théâtres municipaux, en fait.Gerald Lafosse :
-Oui !Klaus :
-C’est dans la mairie…Gerald Lafosse :
-C’était toujours de très belles salles.Klaus :
Et alors accueillis comme on était accueillis, c’est incroyable ! Parce qu’il y a des gens qui vivent dans ces salles-là, il y a des couples avec leurs enfants. Et alors ils nous amenaient le chocolat chaud dans les loges, les petits gâteaux, les muffins, les trucs comme ça… surtout en Ecosse, puisque l’accueil en Ecosse, ça nous a frappé…Gerald Lafosse :
-Alors maintenant je me souviens d’un festival très pointu avec Magma, d’un groupe en première partie qui était Isotope, et Return to Forever. Et j’avais fait la lumière pour les trois groupes… Donc pour Isotope je ne connaissais pas trop, ça a été difficile, Magma ça allait et pour Return to Forever, le manager est venu me voir il m’a dit : “il faut faire exactement le contraire de Magma… plein feux tout le long !…” Ah j’ai dit “bah très bien, c’est facile ça !” Je voyais très bien ce qu’il a voulu dire… c’était la lumière, la lumière, la lumière. À l’époque c’était les ténèbres, les ténèbres, les ténèbres…Yvan Blanloeil :
-Il faut que tu nous racontes un peu ça, puisque éclairer Magma ça a été quelque chose d’extrêmement particulier qui n’avait rien à voir avec la lumière du rockn’roll !Gerald Lafosse :
-Le groupe étant en lui-même étant atypique, il fallait forcément avoir des lumières atypiques, et pour en revenir au concert de Bordeaux au Palais des Sports, je suis allé voir le sale type qui vous faisait tourner… parce que vous étiez nombreux et je ne savais pas qui faisait quoi ni à qui m’adresser… j’ai vu un type bizarre avec une barbiche, il s’appelait Giorgio Gomelsky et je lui ai dit : “j’ai une proposition à vous faire”. Il m’a dit :“ je suis un peu occupé…Klaus :
-Tu peux le faire avec l’accent, il est Géorgien, il a appris le Français en Suisse…Gerald Lafosse :
-Donc il m’a dit :“ j’habite Vincennes, viens me voir on parlera de ça”… Donc je suis allé chez lui en banlieue et il m’a dit ok pour faire le prochain concert”… c’était celui, donc, à HEC… Et je suis rentré chez moi un an après, ça s’est tellement enchaîné !… jusqu’à ce qu’on en arrive à casser le camion, puisqu’on est tombé dans le ravin on a eu une accident avec le camion, entre Avignon et Toulouse…Klaus :
-Bah oui, on était un peu dans le fossé… On s’en est sorti. Mais on avait notre camarade Nico, la chanteuse-actrice, qui avait été blessée, et puis on avait écrasé son harmonium…Gerald Lafosse :
-Son harmonium qui était une pièce de musée qu’elle avait délicatement posé en dernier pour que personne n’y touche et qu’il ne soit pas écrasé, et donc il est parti au plafond du camion et il a été éclaté…Klaus :
-Alors j’ai une anecdote, pardonnez-moi d’avance, mais là je suis obligé de rebondir dessus, c’est que ce camion était donc presque cassé, il a été vendu à la casse. Un an après on se retrouve à Avignon où on louait une maison et il y avait une casse juste à côté. Et qu’est-ce qu’on voit ? Le camion ! On se disait, ça peut pas être le camion ! Si ! C’était notre camion ! On préparait une tournée en Espagne et tu y étais parti pour louer du matériel. Tu étais parti en avance, tu descends de ta chambre d’hôtel à Madrid, pour boire un coup et tu te fais embarquer par la guardia civil, et tu passes toute la tournée en taule… c’est ça ?Gerald Lafosse :
-Ouais…Klaus :
-Donc on a fait la tournée sans lui, en Espagne, qu’on n’a pas terminé non plus… puisque c’était Franco quand même à une époque ! Et donc on jouait dans les “plaza de toros”. Alors ils rajoutaient de la sciure et du sable sur le sang pendant qu’on s’installait…Gerald Lafosse :
-La tournée commençait à Figueras. En fait vous avez fait Figueras-Ibiza, et le rendez-vous était à Valence. Moi j’ai été libéré quinze jours après et je vous ai retrouvé à Valence. Vous êtes arrivé en panique d’Ibiza puisqu’il s’était passé des choses… étranges…Klaus :
-Etranges… puisqu’il n’y avait pas que la police, il y avait d’autres choses…Gerald Lafosse :
-Il y avait autre chose… Et à Valence en fait : l’interdiction de tourner, puisque de toute manière les deux tourneurs étaient eux-mêmes recherchés par la police ! Ils n’avaient pas le droit d’organiser des concerts !Klaus :
-C’est la seule fois où on a joué en Espagne d’ailleurs ! On était surveillé par les gardes civils, parce qu’on avait des contrats et des limites horaires… et ils nous surveillaient de part et d’autre de la scène avec une montre en disant :“bah voilà vous commencez à 20H30, et vous terminez à 21H30, sinon…”Gerald Lafosse :
-Ou sinon : prison !Klaus :
-Alors sur les douze dates de prévues on en a fait cinq peut-être… On est retourné à Avignon…Gerald Lafosse :
-Ça a été bref, vous n’avez fait que Figuras, Ibiza…Klaus :
-Et Barcelone !Gerald Lafosse :
-Ah oui ! Figuras, Barcelone, Ibiza ! Et le retour était à Valence. Valence à été annulé… Et Mickey a mis le feu à son (mot inaudible)…Klaus :
-On est trois à s’être à moitié noyés… C’était vraiment des choses, enfin ça peut arriver, mais là ça arrivait beaucoup il ne fallait vraiment pas qu’on reste en Espagne… on y serait peut-être resté !
Gerald Lafosse :
-Pour revenir à l’histoire de la lumière… je propose donc un concept à Gomelsky. L’idée était que je m’inspire des masses énormes sur les durées, comme par exemple, pour revenir même à la dernière tournée avec la trilogie, dans les théâtres où on a tourné, les techniciens me demandaient :“C’est quoi le spectacle ?” Je disais : “il n’y a que trois chansons !”… “Ah que trois chansons ça va alors !”
Rires…
Mais il faut partir sur ce principe, ce sont trois morceaux dont l’architecture est très vaste, il ne faut pas non plus travailler au millimètre près sur tous les trucs de musique, c’est une autre partition… Je me suis inspiré de mes origines, le théâtre… et dans le concert de Bordeaux, j’ai senti une construction dramatique d’opéra. Pour moi c’était très simple de concevoir la lumière du groupe en tant qu’opéra. Donc sur de très grandes plages, maîtriser les crescendos… quand vous écoutez les morceaux dans la globalité, à un volume très très réduit, vous entendez le contraste, qui est énorme en fait, la dynamique de tous les passages “piano” qui sont nécessaires pour tous les passages “forte”… tous les crescendos… Parce que quand on est dans le sombre, on subit cette spirale dont parle Christian. Et pour garder le contrôle de l’architecture il vaut mieux s’en éloigner, et ne pas perdre les pédales… Piloter la lumière à la main sur des durées telles, c’est-à-dire des montées crescendo, avec très très peu de moyens techniques, on a toujours tourné avec très peu de moyens techniques par rapport à des groupes de rock qui ont des centaines de projecteurs qui sont inutiles pour nous… il fallait simplement la lumière 3D de base, face latéraux, touche, pour tout le monde. Point…Klaus :
-Moi je voyais la différence par rapport à ce que faisait un éclairagiste ou un technicien de la lumière qui faisaient certes des effets de lumière mais c’était d’abord éclairer les musiciens… alors que toi tu faisais des décors, des ambiances, enfin c’est ridicule le mot c’est plutôt des atmosphères, des scènes… des scènes horizontales, et non pas à la verticale…Gerald Lafosse :
-C’est l’idée de voyage… c’est-à-dire que les musiciens sur scène, tôt ou tard on les verra… Ils sont là pendant deux heures, donc on aura l’occasion de les voir… ça c’est une chose importante, et aussi que Magma est un groupe et n’est pas un groupe de solistes, bien que Christian ait toujours dit qu’il aménageait des chorus, c’est parce qu’on lui reprochait parfois que c’était une musique où il n’y avait pas de chorus, mais c’est faux… il y en a… notamment dans Mekanik mais pour moi, la lumière, ce n’était pas juste éclairer les musiciens, c’était être au service d’une œuvre architecturale sonore, qui est servie par des musiciens, certes, mais qu’on verra tôt ou tard… Lors des passages “piano” on se rapproche du silence, et en lumière on se rapproche de l’ombre, de la nuit, pour mieux rebondir sur la force après…Yvan Blanloeil :
-Je me rappelle d’un éclairage extraordinaire de “De futura” au théâtre de la renaissance à Paris, qui avait été très impressionnant parce que c’était exactement le contraire. Plus ça montait en niveau et plus ça descendait en lumière, jusqu’au paroxysme du son, où là : obscurité totale…Gerald Lafosse :
-Ce morceau est encore plus atypique. J’avais fait la création de ce morceau au festival de jazz de Nancy avec deux batteurs, Christian et Jean Schultze… Et il y avait deux ou trois bassistes… Jannick, Sauveur… Utopic Sporadic Orchestra… Et il y avait un morceau, c’était De Futura, il faisait vingt minutes. C’était le récital, ça a été très bien bossé. Et il y a eu un rappel… Mais on n’avait pas de morceaux pour le rappel, donc qu’est-ce qu’on fait ? Un deuxième ! Et ça a très bien marché ! C’était encore mieux puisque c’était la première fois qu’ils le jouaient donc ensemble sur scène, ça rappel… et troisième De Futura !Klaus :
-Je n’y étais pas je n’étais invité pour faire trop Magma… J’ai chanté dans Magma “De Futura” pendant très longtemps mais là pour l’orchestre, déjà il y avait Christian…Gerald Lafosse :
-Et que je vous dise pour l’anecdote de la trace audio qui en est restée… Alain Français qui faisait le son à côté de moi, avait un petit magnéto à bandes et il avait donc enregistré la première version… mais sachant que c’était vingt minutes, il avait une bande de trente minutes… qu’est-ce qu’il a fait pour le rappel… il a rembobiné et il a écrasé la première version… et pour le deuxième rappel, il a refait pareil et on a plus que le troisième… puisque le reste à été systématiquement effacé par manque de bande…Une personne du public :
-Vous avez beaucoup archivé ! Il y a beaucoup de bandes de faites, là j’ai vu… en plus à chaque concert, il y a tous les morceaux de joués, je ne sais pas s’il y a le timing, mais il y a marqué “bande”, enfin toutes les archives, tout est bien fait… d’ailleurs si y’en a qui veulent y aller sur le site… c’est très bien fait…Klaus :
-Alors il y a deux choses qu’il faut dire, la première c’est que nous on enregistrait les concerts.Une personne du public :
-Systématiquement ?Klaus :
-Oui ! Non seulement pour les garder en mémoire, mais aussi pour écouter comment évoluaient les choses…Une personne du public :
Ah oui pour retravailler dessus…Klaus :
-Voilà ! Et puis il y a plein de gens qui ont sorti des albums d’ailleurs, des bootlegs, pirates, et on voit sur un marché parallèle sur internet, des gens qui proposent quatre cent, cinq cents concerts enregistrés… des copies de copies de cassettes… C’est insensé ! Et j’ai découvert des morceaux que j’avais totalement oubliés, des petites qu’on a joué très peu, parce que précisément ça a été enregistré alors que nous on l’avait pas fait, pour une raison ou une autre… le magnéto était en panne mettons, pendant cinq jours, on a joué ce morceau-là deux jours… on l’a abandonné à tort ou à raison, mais ben voilà un Japonais qui a fait une copie de quelqu’un qui lui a envoyé une cassette de Californie qui avait été copié sur… j’ai reçu récemment même des vidéos qui sont des copies de copies de copies…La personne du public :
-Il manque les supports vidéos… c’est dommageGerald Lafosse :
-Il y a un concert au Japon, pour le premier concert de la tournée. C’était très attendu, nous on était très ému puisque c’était la première fois qu’on mettait le pied au Japon pour Magma. Et on s’installe, tout se passe bien, c’est vaguement filmé en vidéo et on attaque “Kobaïa” et on ne voit plus Christian derrière la batterie ! Plus personne ! Il s’était levé sur la pêche de Kobaïa et plaom !, en se rasseyant le tabouret était tombé. Il ne s’est pas fait mal, mais il s’est retrouvé sous la batterie. On a eu très peur parce que ça aurait pu mal se passer, il aurait pu se blesser. C’était dommage en début de tournée…Klaus :
-Il lui en ait arrivé des choses !La personne du public :
-Moi je l’ai vu ça. En attendant qu’on vienne lui remettre le tabouret, continuer debout et même se baisser pour la caisse claire, etc… bon c’était un singe hein… rires…Gerald Lafosse :
-Tout ça pour revenir à la lumière si vous le voulez bien… donc lumière atypique, groupe atypique, et surtout en fait, climats et recherche de choses un peu osées, donc de jouer quelques minutes dans le noir. Ce n’est pas ça qui fait peur à Yvan, évidemment…Yvan Blanloeil :
-Si, quand je filme, ça m’emmerde !Klaus :
-C’est vrai que filmer en vidéo sur des basses lumières, on a du bruit !Gerald Lafosse :
-Oui, alors ce que vous allez voir, c’est une initiative personnelle d’Yvan et moi, parce que la trilogie avait déjà été filmée lors de l’anniversaire au Trianon, des mois avant, et on a vu les résultats, et puis on s’est aperçu que c’était une catastrophe parce que le réalisateur venait du monde de la télé, peut-être Starac ou autre chose, et il a filmé dans ce sens-là…Klaus :
-C’était bien éclairé, avec plein de lumières, pour qu’on voit tous les détails !…Gerald Lafosse :
-Le problème c’est le montage, les effets de zoom, les effets de mosaïques , les stroboscopes… des choses comme ça… qui ne sont pas au service de la musique… Donc il faut savoir se mettre un peu en arrière, et la lumière que je fais elle est au service de la musique ou plutôt de la tranquillité, pour recevoir tout… Si jamais on se parasite mutuellement les uns les autres… si un cadreur, un réalisateur, un éclairagiste, se met à lui-même faire des choses plaquées sur déjà autre chose, tout le monde se plaque les uns les autres, on ne sait plus où est l’inspiration… Alors est-ce que c’est complémentaire ou est-ce que ça ne l’est pas ? Bien souvent, quand ce n’est pas travaillé, ça ne l’est pas… Malheureusement Magma joue de manière de plus en plus sauvage, c’est-à-dire avec des petits moyens financiers, et il n’y a plus les moyens non plus pour louer du matériel de lumière pour prendre le temps de régler les projecteurs, moi j’arrive le matin pour jouer le soir, c’est plutôt emmerdant d’installer un cyclo et puis de faire les réglages… Beaucoup de concerts ne sont plus éclairés par moi actuellement, mais ça va revenir… et ce que vous allez voir, la trilogie filmée à Eysines, j’ai proposé à Yvan de la faire parce que je savais qu’il allait me sauter au cou et qu’on allait enfin avoir une captation… Peu après c’était fini… il n’y avait plus la trilogie qui ne sera d’ailleurs plus jamais jouée… Donc il fallait faire vite et tu as fait avec les moyens du bord…Yvan Blanloeil :
-J’avais enregistré dans les années 70, j’avais enregistré souvent les concerts… avec deux revox dans la salleGerald Lafosse :
-Christian se souvenait de lui comme l’homme aux revox…(fin de bande)
Zïha Meurdhek Tendiwa pour la difficile retranscription (son souvent inaudible par absence de micro)
Bordeaux, 27 Novembre 2004
Issèhndolüß Akhazhïr