BENOIT WIDEMANN
"UN GRAIN DIFFICILE A IMITER "Benoît Widemann a sévi au clavier au sein de Magma, mais pas sur n'importe quel clavier. Son dévolu est tombé sur le Minimoog, avec lequel il a développé une relation forte...
KR : Avant d'être « engagé » dans Magma à 17 ans, aviez-vous déjà touché un clavier électrique ou de synthèse?
Benoît Widemann : J'avais un piano Fender Rhodes et quelques années d'orgue classique qui m'ont sans doute poussé vers le clavier du synthétiseur.
Vous avez joué très vite sur un ARP Odyssey.
Je l'ai choisi car ses possibilités timbrales, plus étendues que celles du Minimoog, m'attiraient.
Vous sembliez bien vous amuser avec: en étiez-vous satisfait?
Au début, oui, mais j'ai vite été gêné par la mau-vaise qualité de son clavier et par son pitch-bend peu utilisable. Le «gros son» du Moog me manquait aussi terriblement.
Comment êtes-vous passé au Minimoog ?
Le Moog de Patrick Gautier a achevé de me séduire et j'ai revendu l'ARP sans regrets après quelques mois pour acheter mon Minimoog. Plus tard, j'ai racheté un ARP 2600 mais je l'ai peu utilisé en concert. Pas facile de jouer la standardiste sans se déconcentrer!Vous teniez quels rôles respectifs, entre allumés du Moog?
Je ne sais pas si les rôles étaient très bien défi-nis. On en profitait chacun à sa manière avec des parties mélodiques en plus des parties de piano, parfois à l'unisson. Le son des deux Moog, plus le violon et la guitare, tout ça donnait une richesse énorme à l'instrumentation du groupe.
Votre Minimoog est un D ou un E ?
C'est un modèle D de 1974, plutôt stable quand il est chaud... II a subi quelques modifications au fil des années, synchronisation et modulation séparée des oscillateurs, deux LFO externes avec un sample and hold, trigger manuel, etc. II fonctionne toujours, avec quelques humeurs et crachouillis qu'on lui pardonne facilement. Je suis quelquefois obligé de recourir à la baffe en plein solo, lorsqu'un connecteur décide de jouer du faux contact. Mais ça se finit toujours bien et je me rachète en l'entretenant avec soin. On est un vieux couple.Aviez-vous fait midifier votre Mini ?
Ça va pas, non? J'aurais bien aimé avoir un second Moog en esclave, mais ça ne s'est jamais concrétisé, à part en CV/gate bien avant le MIDI. Je me suis rapidement dirigé sur l'Oberheim Polyphonic puis sur le Prophet 5 de Sequential Circuits. Midifier un Moog est assez délicat, on perd immédiatement la moitié de l'instrument, le clavier nerveux et les molettes ultrasensibles qui font une bonne part de sa musicalité.
Vous avez essayé le Voyager, qu'en pensez-vous?
Intéressant et décevant en même temps, notamment à cause de son clavier médiocre. Pour moi, le Minimoog - toutes générations confondues - est avant tout un instrument qui sert à jouer. Le son définit l'instrument, et le synthésiste doit ensuite apprendre à jouer avec ce qu'il vient de créer. La sensibilité des contrôles plus certaines imperfections qui rendent le son irrégulier, par exemple le mauvais recyclage des enveloppes, sont autant de caractéristiques originales que le Voyager a un peu oubliées. Si je lâche mon vieux Moog, j'irai sans doute plutôt vers une version modélisée sur ordinateur, ça commence à être vraiment ressemblant. Mon problème est que je n'arrive pas à trouver un remplacement satisfaisant pour le clavier et les molettes... Je déteste les pitch-bends à ressort et les zones neutres au centre, impossible de faire plus antimusical. Autant jouer du violon avec des gants de boxe.Un petit mot en hommage à Bob?
II venait à peine de remonter sa société sous son nom, après des années passées à ne pas pouvoir l'utiliser... J'espère que Moog Music continuera d'innover en son absence. Robert A. Moog laisse un bel héritage, un son que l'on reconnaît instantanément, un grain difficile à imiter, une véritable culture instrumentale qui dépasse certainement tout ce qu'il avait pu imaginer. Son influence est perceptible dans l'archi-tecture de tous les synthétiseurs construits, réels ou virtuels, analogiques ou numériques. ARP, Oberheim et Sequential Circuits ont disparu, Moog Music est toujours là. Quel plus bel hommage?
Klaus Blasquiz
Keyboards Recording – Novembre 2005
Zïha Thierry Jardinier