MAGMA à Pontacq et Cahors
Magma deux jours dans le Sud Ouest!
Les dates du premier et deux Mai étaient cochées sur mon Agenda depuis des mois… Patiente attente devenue fébrile en raison d’un changement de personnel intervenu mi Février. En effet Emmanuel Borghi, Himiko et Antoine Paganotti sont partis, remplacés par Bruno Ruder au clavier, et Hervé Aknin au chant. Quelques échos de leur trois derniers concerts avec cette formation m’ont fait « monter la pression » comme on dit.Enfin, le 1er Mai arrive avec le beau temps et ce concert en plein air de Pontacq, entre Pau et Tarbes. Il s’agit en fait d’un festival dont Magma sera la tête d’affiche. J’y retrouve en milieu d’après midi de nombreux amis, fidèles et passionnés par cette musique hors norme et toujours si vivante. Passé le contrôle d’entrée au sein du village, avec des bénévoles vraiment accueillants, toujours disponibles et prêts à me renseigner, j’arrive sur la place centrale où se dresse la scène avec les musiciens qui font les derniers réglages de la balance. L’ambiance y est très détendue à l’image de ce lieu de fête. Et pourtant, j’apprends que sera repris ce soir l’incontournable et sublime Köhntzarkösz, répété uniquement deux fois par la formation actuelle. On s’en frotte les mains, cette pièce mythique fait l’unanimité.
Quelques petites heures à attendre en visitant les stands du festival, à partager un verre ou deux avec ce petit monde de la Zeuhl qui se retrouve toujours avec cette même joie.22h15. Ciel étoilé avec un petit vent frais tout de même. La foule s’est amassée devant la scène à hauteur d’homme. Et c’est la déferlante sonore avec l’attaque de Köhntzarkösz ! Le public manifeste sa joie par des cris et applaudissements. C’est parti pour un show d’1h45 qui va nous « chavirer » les émotions. Cette œuvre incandescente qui monte par paliers, sa rythmique implacable, ses chœurs aériens et sublimes… Magma est là, toujours vivant, donnant invariablement le meilleur de lui-même, comme au premier jour, attisé, initié et propulsé par Christian Vander au jeu inimitable, véritable chaman qui nous entraîne dans nos mondes intérieurs. Chaque concert de Magma est une véritable initiation au sens rituel du terme. Et pourtant ce soir le son a quelques ratés, la caisse claire qu’il faudra changer, un micro qui tombe, les musiciens qui parfois se cherchent un peu. C’est une reprise dont il faut accepter les faiblesses passagères, l’essentiel étant dans l’intention ici, dans le renouveau d’un nouvel élan.
Petit bémol aussi, une partie des spectateurs est visiblement venue plus pour la fête que pour la musique, et cela se ressent sur les cotés et l’arrière du large public qui discute, crie… c’est presque le 14 juillet. Manque que les pétards (enfin, certains). Des puristes sectaires crieraient au scandale, à l’insulte, devant ce peu de respect, mais il faut tolérance garder et accepter que ce soir là, certains soient venus s’amuser, et non écouter alors que d’autres ont découvert, à l’image de cette spectatrice assise à mes côtés sur le rebord d’une fenêtre pour mieux voir, novice, venant de Lourdes, qui confiera à l’un des mes amis que cette musique lui faisait penser à Carmina Burana… Pas sourde la dame d’un certain âge ! Le miracle était musical ce soir…
Bien évidemment nos yeux et nos oreilles se portent particulièrement vers les deux nouveaux musiciens. Hervé au chant, un peu en retrait , manquant peut être encore un peu d’assurance, mais dont le timbre colle bien à Magma, et qui se donne entièrement, cherchant dans le regard des autres les repères dont il a encore besoin. Bruno aux claviers qui d’ors et déjà s’annonce comme un musicien d’excellence et dont Christian ne tarit pas d’éloges. De quoi donc être confiant pour l’avenir.
Ce première pièce achevée, suit Ëmëhntëht-Rê, œuvre majeure s’il en est. Longue suite de presque une heure dont l’enregistrement studio est en cours. C’est du bonheur dans le public. Les différentes parties s’enchaînent comme au meilleur de Magma. Hhaï avec Christian debout, magistral derrière ses fûts, possédés par son chant.. Le final avec ses voix et ses rythmes complexes qui nous guident sur les traces d’Ëmëhntëht-Rê… Voyage tellurique au sein des forces de l’Univers. Telle est la Zeuhl !
Le public en redemande. Magma, Magma…
Et c’est la Ballade qu’ils viennent nous offrir pour clore ce concert. Tout en émotion, en chant déchirant, beau tout simplement.
Merci à eux, merci Magma.Difficile ensuite de reprendre pieds, retrouver ses esprits. Bonheur d’échanger notre exaltation, nos impressions. Dans le regard de chacun brille une imperceptible lumière, témoignage de ce vécu intemporel vital à nos âmes en quête de lumière.
Retour ensuite à Tarbes chez un couple d’amis Kobaïens ô combien passionnés. Petit voyage qui nous conforte dans nos sensations ; cette formation a un gros potentiel et ne demande qu’à tourner pour s’améliorer encore en attendant le grand rendez-vous des trois jours au Casino de Paris, en Février 2009, pour les 40 ans de Magma.Vendredi 2 Mai, Magma à Cahors, aux Docks, avec Kafka en première partie.
2h30 de trajet en début d’après midi sous un soleil d’été. La région est magnifique. Un sentiment d’allégresse m’envahit, je vais retrouver d’autres amis encore, et certains d’hier soir à Pontacq. Grande famille que celle de la Zeuhl.
16h30, j’arrive aux Docks accueilli par Stéphane Delpech, sympathique et efficace responsable, animateur de cette belle structure, qui fait à Cahors un travail remarquable.
Les musiciens sont sur scène, peaufinent les différents réglages, répètent quelques thèmes du répertoire. L’ambiance est détendue. On parle des petits problèmes de la veille.
Belle petite salle qui peut contenir 5 à 600 spectateurs. Le son semble bon d’où que l’on se situe.18h. Une rencontre de 40 minutes était prévue entre les musiciens et le public dans la salle d’accueil. Christian, Stella, Isabelle et Hervé se prêtent au jeu des questions réponses. En fait ce seront surtout Christian et Stella qui interviendront avec le plus souvent une dose de bonne humeur, voire de franche hilarité. Christian nous entraîne dans son univers de la vibration, des rythmes… Jamais de demie mesure ! Il est !
Je croise ensuite les très jeunes musiciens de Kafka que je connais bien, heureux de jouer en première partie de Magma qui est une référence pour eux. Une certaine tension se lit dans leur regard, en même temps qu’un vrai bonheur. On échange quelques mots. Un rêve d’ado se concrétise. Il faut rappeler ici qu’ils ont participé voici un an à Hamtaï ! ce double CD en hommage à la musique de Christian Vander, en reprenant un passage de Mekanïk Destruktïw Kommandöh.
21h précise, Kafka monte sur scène pour un set de 45 minutes qui commence comme à l’accoutumé par un climat sonore qui amène doucement les premières mesures de Brest. Cette intro relativement calme va vite nous propulser dans un univers très krimsonien où Clément Peyronnet à la guitare nous plonge dans les méandres d’une dissonance torturée savamment inspirée. Des respirations plus calmes permettent de calmer nos émotions avant de repartir de plus belle vers de folles envolées lyriques. La rythmique assure comme un seul homme. Découvert sur scène voici 3 ans, je ne rate jamais un passage de Kafka dans la régions. Le set se termine par le magnifique Neuf du premier album où la folie y côtoie le génie, le délire organique, dans un torrent sonore qui décuple notre imaginaire.
Sans conteste, leur univers est loin de celui de Magma, et une partie du public n’est pas entrée dans leur monde pourtant si riche. Point de jugement, juste une question de sensibilité musicale.22h25, la scène n’est plus occupée que par les seuls instruments de la Zeuhl, le public s’est rafraîchi à la buvette, les musiciens du bord du monde peuvent s’installer sur scène… Avec le cri d’ouverture de Köhntzarkösz, lancé par Hervé Aknin, la furie sonore annonciatrice de la célébration impie libératrice se déverse brusquement devant ce public prêt à s’engouffrer dans le monde éruptif incandescent de Magma. Cette œuvre qui a si souvent ouvert les concerts dans le passé, prouve toujours sa force première dans l’impact émotionnel asséné. D’entrée on est jetés dans le chaudron, dans l’athanor des grands prêtres égyptiens, au sein de l’œuf philosophal, les sens dilatés à l’extrême, aspirés par les forces mises en éveil. Köhntzarkösz nous engloutit dans une autre dimension où la vibration est UNE. Il ouvre la porte. Forces cosmiques et telluriques réunies pour nous permettre d’entrevoir un autre mode de perception. Rares sont les musiques qui permettent cette prise de conscience. Magma est l’une d’elle, sinon l’essentielle ! Par rapport au concert de Pontacq le groupe est davantage soudé, uni. Il avance, inexorable ! C’est du moins ma perception accentuée peut être par une meilleure mise en condition personnelle ? Cette sensation me sera confirmée ensuite par les musiciens, assez euphoriques. Toujours est il que l’émotion m’envahit, je dois m’accrocher à la barrière de scène pour ne pas chavirer, m’évanouir dans l’espace aux chants si beaux, si porteurs… La rythmique est démoniaque, propulsant James vers une montée des plus apothéotique. On ne se lasse jamais d’être avec Köhntzarkösz. Le temps n’existe plus, et pourtant, 35 minutes viennent de s’écouler.
Le temps que la lumière bleutée vienne suggérer une atmosphère plus recueillie, et les premières notes d’ Ëmëhntëht-Rê résonnent pour la suite du voyage. Cette gigantesque pièce composée pour une grande partie voilà des décennies et dont nous connaissions certains thèmes nous est à présent proposée dans sa quasi intégralité. La cohésion perçue lors de Köhntzarkösz se précise à nouveau. Chacun des musiciens excelle à son instrument. Mon propos n’est pas de m’attarder sur leur technique. Juste retranscrire l’émotion procurée car avant tout, en concert, c’est ce que je viens chercher. La perfection n’est pas dans la prouesse instrumentale, même si cela peut « aider », mais dans la manière, humaine avec ses imperfections, de « faire sonner » une œuvre, qui permet alors de provoquer cette extase inénarrable. Et pourtant, comment de ne pas parler du chant de Stella, que je redécouvre presque ce soir, celui d’Isabelle, d’Hervé qui s’intègre de plus en plus, de la basse vrombissante de Philippe qui nous traverse, qui nous explose dans sa force tellurique. Et Bruno, angélique derrière ses claviers, attentifs, concentrés, sans oublier Benoît visiblement heureux dans ce maelström vibratoire exceptionnel. Oui, c’est du Grand Magma ce soir à Cahors, avec toujours Christian éternel nécromancien qui pulse et propulse ses musiciens, son peuple, vers le chaos, la lumière ? Et ce final si envoûtant, tout en climat mortuaire et cependant apaisant, qui nous dirige vers la suprême révélation du Maître Ëmëhntëht-Rê, qui consacra sa vie entière à la recherche de l’Ultime But : faire se matérialiser Ptah, le Dieu de la Création. Ombre et lumière, Vie et Mort, Musique des extrêmes ! On se sent toujours différent, transformé à la fin d’un concert du groupe. Magie de l’épuration. Magie de la musique céleste !
Comme à Pontacq et comme depuis un certain temps déjà, on ne déroge pas au rituel et nous aurons droit à notre Ballade pour l’ultime don, en offrande séraphique. Chant aux intonations qui nous percent au plus profond. Douleur et joie… Christian le porte comme si sa vie en dépendait, accompagné de Stella, Isabelle et Hervé. Les Docks sont envoûtés, le public totalement conquis. Un concert qui restera dans nos mémoires.
Abdul Alhazred
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