Seule une fleur est venue du fond des bois.....

Depuis deux ans que je vis en Bretagne, la réputation d'une salle comme La Carène, neuve de surcroît, n'a pas tardé à stimuler mon intérêt, son acoustique était particulièrement mise en avant.
De plus, je connaissais l'appétit des brestois pour toutes sortes de manifestations musicales.
Je n'avais pas vu MAGMA depuis cette série merveilleuse de concerts au Triton (Paris /Les Lilas) en mai-juin 2005, où le groupe passait en revue tout son parcourt, avec en point d'orgue, sa dernière parution: K.A.
Point d'album en vue depuis, mais régulièrement des apparitions ici et là en France, peut être plus que jamais , depuis bien longtemps...
Même nos ainés distants de Rock & Folk ont consacré ce mois-ci une première page de couve à Christian VANDER et à la nébuleuse dont il fut et reste l'instigateur, c'est dire...!

La Carène est un bâtiment moderne à l'architecture imposante mais organique, entre la pierre et le bois, ocre chaud. Le hall d'entrée est assez grand, tapissé d' anthracite en béton lissé, meublé seulement par son bar (on est à Brest...). La salle est carrée, assez haute de plafond, avec une passerelle servant de balcon, une capacité d'accueil d'environ1000 personnes, un bel endroit ma fois.
Ce soir là, une première partie ouvrait le bal.
Un certain Mériadec GOURIOU, accompagné de son guitariste (j'ai pas le nom).
Le dit Mériadec, tient l'accordéon et nous a transporté dans des boucles intenses et hypnotiques, ponctuées par une guitare sobre mais soudée. Il faut voir l'accordéoniste au visage viking (roux barbu) se lancer dans des transes vocales et instrumentales totalement habitées, pour des pièces à la mélancolie puissante, possédée, toute zeuhlienne (le rapprochement magmaïen est évident).
Pour les deux brestois, point d'artifice, l'émotion pure, générée par deux instruments a fait ce soir là bien plus grand vacarme que bon nombre de groupes électrisés...
Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé, public nombreux au demeurant; facilement 500 personnes, ça change des à peine 80 du Triton en 2005!!!!

Vient ensuite le phénomène , tranquillement, du fond du plateau, sans protocole...huit musiciens ce soir vont donc nous transporter sur des millions de kilomètres auditifs; hormis VANDER(batterie et chant) et l'éternelle Stella (voix sublime), les non moins fidèles Isabelle FEUILLEBOIS au chant, James MC GAW à la guitare, Philippe BUSSONNET à la basse, dont la qualité n'est certes plus à prouver.
Ils ont été rejoints par un nouveau venu au chant masculin, Hervé AKNIN, qui n'a pas eu à rougir de son prédecesseur (exit Antoine et Himiko PAGANOTTI) bien qu'ayant moins de charisme, puis au claviers: Bruno RUDER, aux accents très free jazz, complété par Benoît ALZIARI aux vibraphone et Fender, dont la joie immense de jouer fut un plaisir de tous les instants...

Comment vous décrire maintenant plus de deux heures de stratosphère auditive...Le set a pourtant commencé avec un pain technique dès la 1ère minute de musique, stoppant net la locomotive...Ce qui a bien fait marrer nos huit participants !!! Qu'à cela ne tienne, ils ont recommencé cette même entrée sombre puissante et solennelle, pour onze minutes de ténèbres éclatantes; morceau encore en chantier ne comportant pas de titre pour le moment lié par une improvisation un peu longue au Fender Rhodes du clavieriste (le seul moment un peu en dessous de la soirée) pour s'ouvrir sur une autre pièce en guise d'exquis hors d'oeuvre. Tout aussi lumineux et harmonieux que le premier fut obscur, celui-ci est dominé par la céleste voix de Stella VANDER: une autre nouveauté intitulée FELICITE THOSZ, vingt cinq minutes de beauté mélodique. Le morceau s'achève réellement cette fois, laissant la blonde Stella présenter ces deux titres d'ouverture.
Vient donc le plat de résistance....Plus d'une heure dix, une heure vingt (!!!) de musique hallucinée, bouillonnante, transcendante, sidérante, peut être encore plus mélodique que le répertoire habituel, quasiment totalement inédite à mon sens (je ne connais pas la totalité de l'oeuvre de cette galaxie), aux light shows somptueux (l'ingénieur son-lumière connais la partition sur le bout des doigts, visiblement), et les choristes se succèdent , tantôt en choeur en retrait de scène, tantôt sur le devant, en solo ou dialogues, ébouriffés par les interventions de James MC GAW à la guitare , fébrile ou lyrique à souhait , les bons du vibraphoniste, la fougue du maître aux cymbales, dont le perchman oriente le micro-voix à chaque intervention (il faut voir VANDER soliloquer comme un possédé, tout en tricotant ses cuivres), le public, comme moi, est subjugué...Autour de moi, gars et filles ont quitté la surface , secoués de convulsions bienfaisantes, et j'imagine presque leurs yeux révulsés de joie, en un orgasme inouï.
Le périple s'achève en des lents et lourds pas scandés sur un sol de plomb en fusion, à la poussière corrosive, comme une profonde résistance à une agonie inhumaine (ouaaahhh), c'est Christian lui même qui achève en se moquant de ses propres borborigmes!!!
La troupe se retire sous les hourras lessivés de l'auditoire encore dans les nues.
Stella revient présenter les musiciens qui fument en coulisse.
Les voilà de nouveau réunis pour envoyer dans les brancards un Kobaïa d'anthologie; raaaaah ces joutes de clavier et de Gibson « Les Paul »!!!!.... Jazz et rock à tous les étages.
J'ai la mâchoire crispée par tant de sourire hébêté, je crois que je n'ai pas fermé la bouche de toute la séance (comme d'habitude en fait...ben c'est MAGMA quoi...).
Départ à nouveau du groupe. Rappels furieux, la salle hésite à rallumer, mais nous tenons bon...Je siffle comme un furieux entre mes doigts.
VANDER nous revient, seul à la voix, accompagné du claviériste. Que de frissons... Bientôt le reste des acolytes réapparaît, se glissant dans cette mélopée de miel où le maître, les mains tendues vers le plafond semble apostropher l'humanité toute entière, l'invitant à l'amour et à l'apaisement, à l'écoute de toute nos souffrances (je décris réellement ce que je vois et entends).
Inoubliable, en attendant le prochain rendez-vous avec cet amas d'étoiles.

Par CHFAB - 25 Mars 2009
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Zïha Denis Longo

 

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