MAGMA
Ëmëhntëhtt-Ré
DJUL
RockHard N° 94 - Décembre 2009
Magma dans Rock Hard ? Hé bin, ouais. En réalité, on pourrait même dire que ce sont des synonymes. Car, contrairement à ce que les non-initiés peuvent penser, Magma, ce n'est pas que de la musique « bizarre » chantée dans une « langue inventée » : c'est aussi une puissance tellurique portée par un batteur hors normes, Christian Vander, dont la frappe emprunte autant à la finesse du jazz de papa maman qu'à la folie de John Coltrane. Le groupe français s'était récemment rappelé à nos bons souvenirs avec K.A., paru en 2004. Ce morceau, déjà écrit vingt ans auparavant comme la suite de Köhntarkösz (1974), bénéficiait d'une seconde jeunesse, revigoré par une excellente production, mais aussi par l'arrivée de nouveaux membres, en particulier Himiko et Antoine Paganotti au chant. En 2009, Magma boucle la boucle, dans la même lignée « rétrofuturiste », avec ce Ëmëhntëhtt-Rê, dernière pièce de la trilogie initiée par les deux albums précités. Voilà un historique tortueux pour une formation qui ne l'est pas moins ! Après avoir assisté à l'interprétation de ce morceau/album en concert, en particulier lors de la résidence du groupe dans la salle lilasienne du Triton en 2007, nous n'avions qu'une hâte : découvrir sa version studio, en espérant que l'énergie si rare dégagée par Magma sur scène puisse se retrouver gravée sur CD. Et les espoirs en question ne sont pas déçus, loin s'en faut : d'une première partie reprenant des éléments tirés des précédents albums (le sublime et nostalgique « Rindohn » à un second mouvement bouillonnant de vie et rythmé par un Vander au Top (petite blague entre initiés), le retour en grâce du groupe se confirme minute après minute. Hervé Aknin, qui a la lourde de tâche d'assurer le chant principal, s'en sort avec les honneurs, dans un registre peut-être plus chaleureux et moins tonique que celui de son prédécesseur, Antoine Paganotti. Seule part d'ombre, le final, inédit et composé en vue de l'enregistrement studio, est un peu trop angoissant, surtout comparé à la lumineuse conclusion de K.A.. En termes de production, et à l'image de K.A., Emëhntëhtt-Rë présente l'immense avantage de proposer un son bien plus propre et dynamique que l'héritage discographique du groupe dans les années 70, qui ne faisait pas honneur à son talent, en particulier à celui de sa section rythmique. Cette nouvelle pierre à l'édifice constitue donc un excellent moyen de s'introduire au groupe, avant de suivre le long fil d'Ariane qu'il a déroulé sur trois décennies. Cependant, rien ne vaut de vivre l'expérience Magma en direct, tant cette musique est organique et hypnotique.Zïha Oillic Stéphane