Mais c'est où, Kobaïa ?
Le voyage sonore de Magma n'est pas fini. Christian Vander, son créateur, pète le feu et a remis les gaz. Attention, ça brûle !


Magma 1969-2009
Concerts du 12 au 14 Février, 20h, Casino de Paris

Quarante ans que ça dure. Quarante ans que Magma, groupe en éternelle ébullition, suscite le fanatisme de ses admirateurs et le rejet de ses détracteurs (armés de préjugés). Quant à la majorité, elle ignore encore cette formation unique dans le paysage musical français et même mondial, à l’accès involontairement limité. Magma et sa musique inclassable, symphonies païennes, au lyrisme échevelé, entre post rhythm'n blues, jazz et contemporain, est, depuis presque toujours, même s'il s'en défend, la vision d'un seul homme, Christian Vander. Le batteur extraordinaire, amoureux du piano, obsédé par les infinies possibilités de la voix, poursuit sans répit la quête de son Graal : produire une musique nouvelle qui toucherait les âmes aussi fort que celle de John Coltrane, le saxophoniste mutant qui l'a ébranlé, dès son plus jeune âge, pour la vie. Depuis quatre décennies, des dizaines de musiciens de tous les horizons, ont participé à l'aventure, épousant naturellement, instinctivement, la vision de Vander partageant avec lui les commandes du vaisseau afin de le mener à destination: cette planète Kobaia, où la liberté se gagne au prix de l'exigence, loin de la médiocrité dont se contentent nombre de ses contemporains. Alors qu'un imposant coffret retraçant toute l’épopée vient de paraître, le Magma actuel entreprend une énorme tournée, avec une halte de trois jours au Casino de Paris. Loin d'une célébration du passé, le groupe a la ferme intention de démontrer que son voyage est loin d’être terminé. Retour et éclairage du leader par défaut sur un groupe au parcours et au destin hors norme.

La préhistoire
Christian Vander, né en 1948, a beau être le fils (adoptif ) du pianiste Maurice Vander il doit avant tout à sa mère sa passion precoce pour 1e jazz. "Elle fréquentais les musiciens. A 5 ans, j’allais déjà avec elle dans les clubs de Saint-Germain-des-prés, où je m’installais à côté de la batterie. Kenny Clarke, Art Blakey, Elvin Jones jouaient sous mes yeux. De là est venue ma fascination pour la batterie, et surtout les cymbales. Mais la vraie révélation, ce fut John Coltrane. Avec lui, ma vie a basculé. Je n’écoutais plus que lui, ne vivais que par lui, il me nourrissait littéralement. A sa disparition, en 1967, j'ai été effondré". Vander sombre deux ans durant dans une profonde dépression. Et part en Italie avec un seul souhait: mourir.

L'Illumination
A Turin, début 1969, un matin, Christian Vander se réveille un autre homme. Une force irrépressible le pousse à tout quitter – la ville, sa compagne - pour foncer à la gare et rentrer à Paris. S'il est impossible de faire du Coltrane (" Tous ses disciples directs s'y sont cassé le nez "), il doit bien y un moyen de poursuivre « son travail », se dit il. "La Variété, le rock et même le jazz n’avaient aucun intérêt. Tout était formaté, répétitif à mes oreilles". Arrivé à Paris, le musicien Laurent Thibault me contacte pour une tournée alimentaire, et c’est là qu’a lieu le déclic. "Ensemble, on imagine ces planètes où, enfin, on échapperait aux cons. C’est à partir de là, petit à petit, que les musiciens, certains accomplis, d’autres autodidactes, nous ont rejoints, acquis à la cause. Magma était né."

Le nom
"Nous n’avions pas de nom. II n'y avait que cette musique qui nous unissait, qui se déversait de nous. Un jour, j'ai contacté le club Rock'n'Roll Circus pour y jouer. Il m’ont demandé de nom du groupe. Le titre d’un morceau que j’avais écrit autrefois, "Nogma", m’est venu à l’esprit. Alors j’ai répondu spontanément, « Magma ». C’est comme si les choses s’imposaient à moi. Pareil pour le kobaïen. J’étais sur une plage, un type avait une guitare. Je n’en avais jamais joué et je lui ai emprunté. Les trois accords que j’ai plaqués sont devenus ceux du morceau fondateur du groupe et le premier mot qui est sorti de ma bouche fut cette onomatopée « Kobaïa ». Il ne restait plus qu’à créer la langue qui allait avec, le « kobaïen » ! "


Magma, des années 70 à aujourd'hui:
même look extraterrestre, mêmes bras croisés

Parlez-vous Kobaïen ?
Avec sa sonorité gutturale, stridente le kobaïen, sabir imagé, pouvait inquiéter. Entre les tenues noires des musiciens, le fameux logo crochu porté en pendentif et cette langue a accents germanisants, Magma soupçonné d'étre une secte fascisante.. "Le kobaïen naît d'abord sous forme d'un son, musical, explique Vander. Après, un sens finit par s'imposer. Comme tout chez Magma, il avait pour but de frapper l’imagination. On ne se retrouvait pas dans notre époque prétendue cool et colorée, où l'accent était mis sur l'apparence et les light shows. Comme le jazz de Coltrane se jouait dans le noir, nous aussi nous nous effacions derrière la musique avec l'espoir de réveiller les gens, habitués à une musique superficielle, sans substance réelle".

Prophètes ailleurs
Alors que la France ne sait sur quel pied danser à l'écoute de l’œuvre ambitieuse en construction de Magma, en 1972, l’Angleterre accueille le groupe dans ses bras - une première pont une formation hexagonale. "On ne comprenait pas que la France ne croie pas plus en nous. On écumait, en crevant la dalle, les plus petites salles de France. La foi me faisait tenir. Et puis il a suffit d'une date, au Marquee de Londres, pour que l'on se retrouve à la une du Melody Maker !" Un contrat chez A&M est signé et Magma enregistre son œuvre majeure, Mëkanïk Dëstruktïw Kömmandöh, au célèbre studio The Manor. Là un jeune homme, Mike Oldfield, ne perd pas une miette de ce qu'il entend. "Tubular Bells, paru après, est bâti sur une mélodie que je jouais continuellement au piano", affirme Vander.

La valse des musiciens
"Le jour où Claude Engel a quitté groupe, en 1971, j'ai pensé que c'était fini. Et d'un certain point de vue, c'est vrai ce Magma-là était mort. J'ai donc accepté que la nature de Magma était de muer perpétuellement, toujours au service d'un même idéal musical. Malgré le succès, Magma n'a jamais enrichi personne, à part notre manager de l’époque, Gorgio Gomelski. A un moment ou un autre, un musicien craque de ne pas gagner sa vie, surtout lorsqu’il y a des enfants ou un appartement à payer. L'ironie de l'histoire est que Magma, qui s'est créé en réaction à la musique insipide environnante, n’a cessé de l'alimenter: Jannick Top, Bernard Paganotti et tant d'autres ex-musiciens du groupe sont devenus la crème des musiciens de variétoche, un genre qu'on n'a jamais apprécié !"

Hugo Cassavetti
Télérama Sortir 3083 - 7 Février 2009

Voir aussi le lien (Zïha Wurd)
http://www.telerama.fr/musique/mais-c-est-ou-kobaia-au-casino-de-paris,39158.php

Issèhndolüß Akhazhïr

 

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