Magma aime les résidences pour étrenner ses nouveaux morceaux. Après une permanence de sept jours en 2004, puis de près d'un mois (!) en 2005, au Triton, durant laquelle il couvrit les trois périodes de sa « première » carrière (de 1970 à 1981), la formation de Christian Vander prend ses quartiers à Paris intra-muros, en l'occurrence à l'Alhambra. C'est dans cette salle récente et très agréable (mais peu pratiquée par les formations rock, quoi que cela semble changer) que le groupe propose la version finale, immortalisée en studio, de son nouveau morceau-album épique, Ëmëhntëhyt-Ré. Cela dit, on peut se demander si le terme « final » est vraiment approprié au regard du perfectionnisme extrême des musiciens, ainsi que nous avons pu le constater lors des répétitions : de simples intonations sur certains passages étaient encore longuement discutées et comparées une heure avant d'entrer sur scène ! C'est une foule toujours aussi hétéroclite qui vient voir le groupe : « vieux de la vieille » (ou de la veille, tant certains de ses fans sont jusqu'au-boutistes !) côtoient « jeunes de chez jeunes ». Hervé Aknin, le nouveau chanteur qui remplace Antoine Paganotti, débarque tel un pirate, manches retroussées et bandana sur la tête, à l'abordage de l'Alhambra ! Celui-ci prend la salle par surprise en entonnant seul un nouveau titre, déjà étrenné en concert depuis l'an dernier : la basse volcanique de Philippe Bussonnet lui emboîte le pas, suivi des deux chanteuses, Isabelle Feuillebois et Stella Vander, juchées sur un podium. Même si cette nouvelle composition « n'a pas encore de nom » dixit Isabelle, elle semble avoir pour titre de travail « Whost Klammeuhn » : morceau atonal surpuissant se transformant en transe prenante lors de plusieurs montées successives, il appartient à la grande lignée des titres sombres de Magma, à la manière de Mekanïk Destruktïw Kommandôh. Bruno Ruder prend les rênes du concert avec un solo de Fender Rhodes en forme de gammes ensorcelantes. La suite de cette première partie n'est pas moins étonnante, avec un second inédit qui fait honneur au trio de voix, en particulier Isabelle Feuillebois qui prend le devant de la scène, et dont les parties font écho à celles, en français, d'Aknin. Ce « Félicité Thosz » tranche avec son prédécesseur et fait la part belle à des ambiances gaies et lumineuses, et des mélodies presque romantiques. Deux titres plus un solo égalent une heure en arithmétique kobaienne et il est déjà l'heure de faire une pause! La seconde partie de la soirée est consacrée au dernier album, Ëmëhntëhtt-Ré, ici joué en intégralité : comme attendu, et après une introduction en douceur, c'est sur la seconde moitié de la partie II que Magma prend son envol, porté par la splendide mélodie de James Mac Gaw à la guitare et un Vander en roue libre qui commence à envahir l'espace sonore.

Dès lors, et pendant une demi-heure, le groupe comme son public semble possédé par un rythme d'une intensité folle qui voit s'enchaîner « Hhaï » et « Zombies », deux morceaux historiques du combo repris sur l'album, jusqu'au quatrième temps où cymbales et chants déconstruisent ce titre avant de laisser place à « Funëhrarïum Kanht », point final lugubre sur laquelle la voix gutturale d'Aknin annonce la fin d'une compo qui a brûlé la vie par les deux bouts ! Après une sortie de scène étrange car silencieuse, le public comprend qu'il faut demander un rappel qui survient après un long temps de mise en place. On comprend mieux pourquoi lorsqu'une vingtaine d'invités, chanteurs ou non, amis et proches des musiciens, rejoignent ces dernier pour former une chorale inattendue. « On dit de la musique de Magma qu'elle est difficile, on va vous prouver le contraire » annonce Isabelle et c'est alors un merveilleux « gospel » ludique, auquel s'ajoutent au fil de l'eau claviers, basse, batterie et... claps du public, qui met fin à ces deux heures. Pas de commémoration inutile ou de passage en revue de son énorme répertoire : Magma continue d'avancer et de n'en faire qu'à sa tête, et c'est comme cela qu'on l'aime ! Vander le magnifique (il aura une fois de plus, épaté son monde avec des parties de batterie tant jazzy et subtiles que pachydermiques, mai aussi avec ses parties de chant grave dignes d'un ténor) nous disait, à quelques minutes d'entrer sur scène : « il n'y a rien de pire que le silence ». Avec ses nouveaux morceau le groupe devrait le briser dans peu de temps !

DJUL - Photos : Vanessa Girth (www.metalzoom.fr)

RockHard N° 95 - Janvier 2010

Note du Pressbook : L'auteur semble confondre Isabelle Feuillebois et Stella Vander.

Issèhndolüß Akhazhïr


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