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MAGMA, par Antoine de Caunes

3 - Découverte du Nouveau Monde

Etat et empire de Kobaïa

Ce n'est pas le moindre intérêt de Magma que de proposer une utopie à un monde où les rêves et l'imagination sont exécutés quotidiennement. Si l'histoire de Kobaïa est l'illustration des songes de Vander, elle est aussi la vague d'un courant de la pensée qui va de Platon à Aldous Huxley et qu'on a bien voulu ranger sommairement sous le qualificatif, quelque peu condescendant, d'Utopie. C'est à certaines époques que celle-ci resurgit de façon cyclique, celles où toute la civilisation sombre dans un sentiment de déréliction et où l'être, l'individu, se retrouve seul, loin de toute cohérence, comme jeté dans l'existence sans qu'il puisse y trouver une nécessité véritable. L'utopie se nourrit des moments de crise souvent mal perçus par les contemporains, elle permet au fil du rêve qui est son unique conducteur de resurgir avec toute sa puissance. Si elle participe d'un certain idéalisme, ce n'est en tous les cas pas celui au nom duquel on commet les pires abominations pour l'avènement d'une divinité ou d'une révolution quelconque (suivant les époques). Ce qu'elle indique, c'est le départ, l'échappée belle par l'imaginaire dont Cyrano de Bergerac disait avec tant de beauté : "L'imagination est comme le soleil dont la lumière n'est pas tangible, mais qui peut mettre le feu à la maison. L'imagination mène la vie de l'homme : s'il pense au feu, il est en feu. S'il pense à la guerre, il fera la guerre. Tout dépend seulement du désir de l'homme d'être soleil, c'est-à-dire d'être totalement ce qu'il veut être." (Histoire comique des Etats et Empires de la Lune et du Soleil)

L'utopie est le rêve de l'Occident. Chez tous ses auteurs, la même thématique réapparaît, que l'on retrouve dans Kobaïa. D'abord la critique de l'ordre social qui doit être abandonné ; le voyage qui en découle, qui peut revêtir également la forme d'un songe ; la géographie de l'utopie, c'est-à-dire l'emplacement où on la situe, le désir de retour à la pureté (la cité radieuse), le costume (qui exprime la volonté d'une renaissance), l'égalité ou l'absence des lois, et la topographie (le retranchement derrière des murailles protectrices). Enfin l'Utopie apparaît comme le symbole de la délivrance ; elle libère l'homme de tout sentiment de contrainte et donc de toute angoisse. Elle a pour but le perfectionnement de l'être humain, mais, à l'instar de la religion pour qui ce perfectionnement obéit à un but lointain, elle pose comme conditions la nécessité d'une nouvelle naissance au monde (ou autre monde), c'est-à-dire, et on l'expliquera en détail plus loin, un défi de l'être à la mort. Au-delà est le paradis retrouvé, d'où il n'est plus question qu'aucun Dieu jaloux ne puisse jamais nous chasser.


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