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MAGMA, par Antoine de Caunes

Postface

1996

Dans les années 70, je venais de dépasser sans prendre garde le cap fatidique de mes 20 ans - je vouais un culte passionné à Christian Vander et à sa musique. La première fois que j'avais entendu Magma, en concert, j'avais eu du mal à croire à ce qui venait de me tomber sous les yeux et sur les oreilles. A cette époque-là, le rock, puisqu'aussi bien c'était dans ce coin-là que je me fournissais, commençait à sérieusement virer sa cuti après les affligeantes retombées de l'été de l'amour et autres Woodstock : prétentions symphoniques, morceaux étirés à l'infini, ambiances baveuses de light shows façon ballons d'alcootests, tout ça ressemblait à s'y méprendre au naufrage du Titanic sur lequel il y avait aussi, il est vrai, un orchestre.

Et puis, Magma est arrivé : avec ce mélange inouï d'épure et d'emphase, d'économie de moyens et de débauche absolue, de rigueur et de cinglerie. Un groupe qui faisait PEUR ! Extrême au point d'en faire passer les punks les plus extrêmes pour des veaux marins venant de se faire gober les parties par d'espiègles coquilles Saint-Jacques. Une musique que les références affichées (de Stravinsky à Coltrane) et sa fureur jamais calmée plaçaient d'office hors les normes de l'époque. Un groupe et une musique enfin qu'ouvrait - un peu à la manière d'un Moëbius pour le dessin - son auditeur à une véritable fringale de curiosité.

Et puis le temps a passé. Les routes de Vander et les miennes, un instant croisées, se sont séparées. Ce qui ne m'empêche pas de tenir l'animal à l'œil. Annonce-t-on un disque sous son nom ou celui d'une de ses nouvelles formations qu'aussitôt mon oreille se tend, à la manière de celle du loup-garou subissant les méfaits (?) de la lune nouvelle. Métamorphose dont jamais je ne songe à me plaindre.

Enfin, j'ai remarqué qu'il se trouve un nombre considérable d'individus victimes du même sortilège. Il suffit, au détour d'une conversation, de glisser l'un de ces magiques mots de passe : Vander ou Magma, pour qu'aussitôt les larmes viennent aux yeux de bon nombre d'interlocuteurs.

Et dans ces cas, je me souviens de cette promesse faite à Vander, au plus fort de ma passion pour sa musique, d'un lien dont même la vie ne viendrait pas à bout.

Elle tient toujours Christian. Tu peux compter sur moi.


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