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MAGMA, par Antoine de Caunes

L'anecdote serait incomplète si l'on n'en racontait pas la fin. "Les Vengeurs" repartent dans leur Dauphine. Les grandes vitesses leur sont interdites : il faut tenir le moteur par une chaîne, de l'intérieur de la voiture, pour éviter qu'il ne s'éloigne ! Or, quelle n'est pas leur surprise lorsqu'ils aperçoivent derrière eux un nuage de poussière qui se rapproche ! Les ennemis reviennent à la charge dans leur 2 CV et gagnent visiblement du terrain à la faveur des descentes. Il faut en finir, et en beauté. La monture de nos héros s'arrête au milieu de la route et "Les Vengeurs" se vengent en expédiant sur le véhicule de leurs poursuivants des bombes fumigènes, écrous, chaînes, etc., qui permettent d'interrompre en un magnifique feu d'artifice la poursuite infernale.


Quant à la musique de cette époque, on ne saurait qu'en dire ! Il était en effet plus fréquent de voir les musiciens se battre entre eux sur scène pour décider "qui serait le plus fort du monde", ou aligner les spectateurs les mains au mur en les tenant en joue, ce qui gêne immanquablement l'audition. Ce qui reste, en tout cas, de cette époque frénétique, et ce n'est pas le moins important, c'est le rire de Christian.

"Les Wurdalaks" se séparent assez rapidement et c'est dans les "Chinese" que Vander fait ses secondes armes. Après avoir fait un bœuf à la Maison des Jeunes de Vincennes, il est aussitôt engagé dans le groupe où joue également Bernard Paganotti, bassiste que l'on retrouvera dans Magma une dizaine d'années plus tard. Les "Chinese" deviennent les "Cruciferius Lobonz" et interprètent quelques morceaux de Christian, dont l'un a pour titre "Nogma". Ils chantent déjà dans une autre langue, non structurée. L'un des morceaux, "Atumba", présente, dès ces années, une analogie assez forte avec la future rythmique de "Mekanik". La musique est inspirée du jazz coltranien, spécialement celui de "My Favorite Things" qui est sans doute l'un des plus beaux moments du saxophoniste. Les lignes de basse sont déjà construites en fonction d'une longue et sourde répétition, dans le même esprit que le jeu de Mac Coy Tyner.

Ceci se passe en 1966-1967 ; et lorsque Coltrane meurt, le 17 juillet 1967, Christian a dix-huit ans. La nouvelle est tellement sidérante (Coltrane n'était-il pas Dieu?) qu'il lui faut vérifier partout que ce n'est pas une erreur. La mort en est sans doute une, rarement les dépêches de l'A.F.P. Le monde s'écroule d'un seul coup. Il lui semble tout perdre, comme si, ayant vécu depuis toujours au bord d'une mer tranquille, une lame de fond avait subitement submergé la côte en l'engloutissant. Ne sachant plus où donner de la douleur, Christian se laisse dépérir, s'offrant à une mort qu'il a décidée sans pour autant vouloir en finir immédiatement. Les endroits familiers le paniquent d'un seul coup, et les murs manquent de s'abattre sur son passage. Il décide de partir le plus vite possible loin de Paris.


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