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MAGMA, par Antoine de Caunes |
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Ce "noyau d'inconditionnels" regroupe un tas de gens fort différents. Les musiciens, d'abord, qui sont directement touchés par l'originalité, la technique et le son du groupe, et qui admirent particulièrement la prestation de Vander à la batterie. Aussi une partie du public qui découvre dans Magma une solution nouvelle et viable et qu'ils aident à faire connaître et à défendre. Pour eux, un nouveau champ du domaine musical s'ouvre, par l'intermédiaire de Magma, et des conséquences immédiates s'ensuivent : écouter les sources pour apprendre à les connaître, et donc reconsidérer d'une oreille plus ironique la musique de la scène rock dont on se berçait jusqu'alors. D'autres encore, qui aiment ou détestent inconditionnellement, et dont la profession consiste justement à faire état de leurs préférences. Pour certains d'entre eux c'est l'occasion de proclamer qu'envers et contre tous ils considèrent Magma comme moins que rien, sans pour autant s'expliquer (Citerons-nous ici le toujours pétillant Méchamment Rock ?) De l'autre côté, pour les admirateurs, c'est une défense passionnée qui se dévoile dans certains journaux (Paringaux, encore et toujours lui, dans Rock & Folk, Jean-Pierre Lentin dans Actuel). Peu d'argent et un besoin impérieux de matériel : Christian forme un groupe parallèle avec Moze, Faton, Engel et Teddy Lasry, destiné à assurer la première partie des concerts parisiens de Deep Purple, qu'ils n'ont jamais entendu. Le groupe est baptisé "Transition" et interprète du jazz des années 60. Mais le public est venu pour écouter du rock anglais bien saignant, et n'a rien à faire du jazz qui lui est proposé. A la fin du chorus de Christian, un spectateur hurle : "Ouais, pas mal" en ricanant. Par curiosité, les musiciens restent écouter Deep Purple et s'offrent un fou rire réparateur. Par contre, dans la salle, c'est le délire. Ritchie Blackmore le guitariste, voilà du journalistique, boit du Coca-Cola d'une main pendant que de l'autre il exécute un solo et que les flashes crépitent. "Transition" décide de ne pas en rester là. Ils préparent le concert du lendemain en l'agrémentant de ce genre d'effets. Engel exécute maintenant ses soli en buvant une bouteille de vin des Rochers au goulot ; Moze présente le solo de Christian en expliquant: "Et maintenant il va vous faire des trois/trois, plus vite, encore plus vite, etc." A la fin de la prestation, le groupe s'avance au bord de la scène et jette des carottes et des navets sur le public. Les gens de Deep Purple sont outrés, et se promettent de ne plus jamais reprendre ces sombres agitateurs qui saccagent leur beau spectacle. Fin d'intermède ! Au milieu des répétitions de "1001° C", Engel décide de quitter Magma, en même temps que Richard Raux et Paco Chaeleri (pour des problèmes de santé). Teddy Lasry prend en main la nouvelle section de cuivres, composée de Jeff Seffer à la clarinette basse et au saxophone, et de Louis Toesca à la trompette. Accomplissant un travail d'une rare efficacité, Lasry signe également les arrangements, tout en investissant dans Magma une énergie peu commune. Engel parti, Christian décide de se passer de guitariste pour un certain temps. Celui-ci fera néanmoins une apparition lors d'un concert sans cuivres au Gibus, quelques mois plus tard. 1001° C (qui devait s'appeler Magma II) est enregistré au mois d'avril 1971, au château d'Hérouville, toujours pour Philips, sous la garde d'un "directeur artistique" de triste mémoire, nommé Roland Hilda. En fait, la seule intervention de ce personnage dans la réalisation de l'album se situe au stade de la conception de l'infecte pochette. A l'origine, la couverture de 1001° C devait être gris métallisé, avec le sigle noir en surimpression. Christian tenait beaucoup à la présence massive de ce sigle, symbole, à son avis, de puissance et d'effroi, et propre à édifier dans la tête des gens une image du groupe. Hélas ! Ce n'était pas l'opinion de Philips et du plaisant artiste méconnu qu'était Roland Hilda, pour qui Magma II signifiait compilation du premier album. De plus, idée exquise, puisque l'on parlait de "magma", ce dernier considéra comme indispensable que l'on pût voir de la lave en fusion. A mille lieues de cet esthétisme du show-biz français, l'idée de Christian était pourtant fort simple : sur toutes les pochettes, le sigle devait être reproduit, successivement mêlé aux différents éléments (Air, Terre, Eau, Feu). Idée, comme on s'en rend compte, tout à fait irréalisable, et en tout cas absolument pas rentable. |
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