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MAGMA, par Antoine de Caunes

Sortie de l'album vers le mois de juin : "Ne pardonnez pas."

Cette violence quotidienne, cette position de démiurges qui refusent leur pardon, dérangent visiblement tout le monde. "Que faire de Magma ?" se demande Jean-Pierre Lentin dans Actuel. "En deux ans d'existence, deux albums et un nombre de concerts qu'il aurait aimé plus important, le groupe s'impose comme le plus grand espoir du rock français, et comme sa plus grande épine au pied. Tout le monde s'incline devant la musique. Mais Magma dérange, bouscule, inquiète. L'originalité obstinée et dédaigneuse de Magma fait grincer les dents. La scène pop française qui somnolait doucement ne s'en est pas encore remise. La presse pop oscille entre le dithyrambe et la diffamation. Le plus souvent, les "spécialistes" gardent respectueusement leurs distances… Le phénomène ne se limite pas aux réticences de quelques personnes en place. Plus d'un amateur de pop recule encore. Magma fait peur et les âmes sensibles "flippent à sa musique"".

Au festival de jazz de Montreux, l'accueil du public et de la presse est en revanche complètement enthousiaste. Pour les musiciens, le ciel commence à s'éclaircir, et devient tout à fait bleu avec la rencontre décisive, entre deux concerts, de Giorgio Gomelsky, par l'intermédiaire de Faton. Celui-ci, après avoir lu une interview de G.G. dans un journal français, est immédiatement persuadé que "c'est l'homme qu'il nous faut". Gomelsky est invité à un concert à la Mutualité, et se déclare très "intéressé", n'ayant pas pensé jusqu'à ce jour qu'un tel groupe pouvait exister en France. Après s'être occupé des Rolling Stones, le voilà qui a le coup de foudre pour Magma ! Il décide pour commencer de leur organiser une tournée dans les M.J.C.…

6 - 1971. Portrait-robot de l'envahisseur - Photo xEn attendant, le groupe joue à la Cartoucherie de Vincennes, au Théâtre du Soleil, et enregistre à Hérouville l'album Uniweria Zekt. Ce n'est pas véritablement de la musique Magma, même si les musiciens font tous partie du groupe, mais plutôt un disque de tentatives, dans des directions autres. La musique est composée à la fois par Vander et les autres musiciens, et Engel revient jouer spécialement pour l'album. On a l'étonnant plaisir d'y entendre Klaus chanter en anglais. Notons au passage que la maquette de ce disque fut conçue, au début, pour servir de musique à un film qui s'avéra par la suite désastreux, et dont nous rappellerons ici le titre, par bienveillance pour les cinéphiles qui nous lisent peut-être : Vingt-quatre heures seulement (le film devait illustrer, subtile métaphore, un reportage sur la course du Mans).

Une anecdote insolite mérite d'être contée. Dans le premier album, Christian et Klaus, avant l'enregistrement, font des invocations au "Wurdäh Khomputeur", robot destructeur de la mythologie kobaïenne dont nous serons amenés à reparler, et qui se manifeste en rêves par des sifflements très aigus. Or, dans "Undïa", on entend très clairement ces sifflements, que personne dans le studio n'avait joués, et qui tombent, aussi bien rythmiquement qu'harmoniquement, parfaitement en place.

A la fête de l'Humanité, où ils jouent en septembre 1971, tout se passe bien, sauf que ça sent la frite et les merguez, ce qui chatouille les sens olfactifs et néanmoins végétariens de Klaus !

Au Gibus, qui devient l'un des lieux habituels de passage, le groupe attire un public de plus en plus nombreux, et il semble, à ce moment-là, que l'époque où seuls les groupes anglais parvenaient à remplir ce club est enfin révolue. Jean-Paul Commin (Best, septembre 1971) estime en spectateur assidu que "l'accueil de plus en plus fervent du public est encore trop timide. Le succès de Magma reste un succès alors qu'il devrait pouvoir atteindre le stade du triomphe… Quand Magma sera-t-il reconnu à sa juste valeur, celle d'un des groupes les plus passionnants à l'heure actuelle?"


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