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MAGMA, par Antoine de Caunes

Au festival, Christian retrouve Elvin Jones qui le félicite lui aussi et lui procure une batterie Gretsch pour une somme tout à fait dérisoire. La moitié du public les applaudit, l'autre moitié qui venait écouter du "jazze" les boude. Le succès est d'"estime", comme on dit.

A peine de retour, Magma repart pour l'Angleterre jouer au Festival de Reading. C'est le premier concert anglais, effectué dans des conditions épouvantables. Ils jouent devant 45 000 personnes, à trois heures de l'après-midi, avec le soleil de face. Au milieu du premier morceau, Christian est asphyxié, et obligé d'économiser souffle et énergie pour pouvoir continuer, ce qui n'est pas trop dans ses habitudes.

La réaction du public, habitué à ses groupes de rock music, est d'abord l'étonnement. A proprement parler, les Anglais sont choqués par cette horde étrangère qui joue la sauvagerie sans fard, et la démence sans guignol. C'est une ovation fantastique qui se déclenche à la fin du concert, et qui sera relatée par tous les journaux de musique en France. Reading est un point de départ important pour Magma ; à peine sont-ils sortis de scène qu'une foule de gens viennent les féliciter et leur proposer d'organiser des concerts.

Le 30 septembre, Klaus part pour l'Allemagne, servir sa patrie, avec la ferme intention de la cocufier. Il passe vingt jours d'enfer dans l'hôpital psychiatrique de Fribourg et se fait finalement réformer pour troubles neurologiques graves. Les séquelles ne sont pas trop fâcheuses, bien que l'on remarque, de temps à autre, quelques symptômes inquiétants telle la présence d'un cendrier en cuivre Porto Cruz sur sa table de percussion, qu'il prend systématiquement pour une cloche. Après de nouvelles répétitions et un jeûne prolongé de Claude Olmos, Magma repart pour l'Angleterre, accomplir cette fois une tournée importante, juste à l'époque des pénuries (décembre 1973). Pendant les concerts, le courant s'interrompt, revient…

Peu après, en Allemagne, les conditions pour jouer sont loin d'être excellentes. La plupart des concerts ont lieu dans des universités où le climat qui règne, légèrement acide, ne colle pas du tout avec celui du groupe. A "Die Fabrike" de Hambourg, qui est une ancienne manufacture entièrement en bois, et l'un des plus beaux endroits pour un concert, ils font un tabac énorme, et là aussi, le public (allemand) découvre, sidéré, cette musique dont il ignorait totalement l'existence, et qui se rapproche, par certains aspects, de sa tradition musicale. Aujourd'hui encore, des spectateurs de ce concert continuent à suivre Magma dans ses déplacements allemands, venant parfois jusqu'en France quand le groupe reste trop longtemps loin des cieux germaniques.

Jour après jour, le public adhère de plus en plus à la musique et une quinzaine de fanatiques les suivent partout. Loulou, de son côté, n'en peut plus et craque en déclarant à propos des roadies britanniques : "Ils sont vraiment trop cons, ces rosbeefs!" A Londres, le groupe passe au Marquee une semaine et le Melody Maker s'enthousiasme, en la personne de Steve Lake. "Je n'ai jamais rien vu de semblable à Magma, et le groupe est si différent de n'importe quoi sur cette terre que la passion de la découverte quand vous les voyez pour la première fois est comme irréelle. Je n'ai jamais entendu les cavaliers de l'Apocalypse, mais j'imagine que le jeu de Vander doit donner une idée assez proche de ce que peut être le grondement de sabots galopants d'un autre monde. De la pure énergie! Quelle passion!"


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