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MAGMA, par Antoine de Caunes |
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Enfin, 1977 est une année très importante pour Vander. Les signes précurseurs d'une grave dépression étaient apparus en 1976, à un moment où il s'était mis à penser que tous ses efforts ne donnaient rien, et que le public restait finalement indifférent AU FOND, à toute tentative de bouleversement dans son existence. Une absence totale de sentiments et d'amour autour de lui lui font pressentir à cette époque-là qu'un événement de première importance, à savoir son existence ou non sur cette terre, doit être annoncé avant le dixième anniversaire (juillet 1977) de la mort de Coltrane. 1977 correspond de plus au nouveau cycle de Magma, au terme de sept années d'existence intense. Une grande lassitude l'envahit, et l'envie lui prend d'aller s'asseoir au bord d'une rivière pour regarder l'eau s'écouler. Ce repos ne lui est pas accordé et l'eau se trouble à ses yeux, charriant des bancs de poissons crevés fixant le ciel d'un oeil morne et indifférent. Permettons-nous, pour finir, d'ouvrir une parenthèse à propos de la fameuse histoire du disque des trois Jeff (Gilson, Seffer, Catoire) dans lequel Christian est présenté en vedette. En 1969, Christian reçoit un coup de téléphone de Jeff Gilson, qu'il n'a jamais rencontré. Celui-ci lui demande de venir participer à une petite séance à la Maison de la Radio, pour, dit-il, apprendre la prise de son à de jeunes techniciens. Christian y va pour gagner un peu d'argent, et la musique qu'ils jouent ce jour-là est complètement improvisée, de façon assez médiocre du reste. Son jeu plaît à Gilson qui le prend dans son orchestre pour quelques concerts. Fin de la première partie. En 1973, Gilson rappelle Christian pour lui demander cette fois-ci de venir jouer en solo plusieurs pièces de batterie, sur lesquelles il veut rajouter en re-recording de la musique et des churs. Christian y va et fait toute une série d'improvisations, dans lesquelles il joue très sobrement, en prévision des raccords futurs. Il enregistre, au total, cinq rythmes linéaires et deux chorus de batterie qui n'en sont pas non plus vraiment, toujours à cause des futurs enregistrements. Fin de la deuxième partie. Trois semaines plus tard, nouveau coup de téléphone de Gilson à qui Christian demande que son nom ne soit pas écrit en plus gros caractères sur la pochette. Gilson est bien d'accord, et avoue qu'il trouve les deux chorus si beaux qu'il préfère ne rien rajouter dessus. Christian est ennuyé, il ne voulait pas faire de disque solo, il a joué dans cette optique-là, et le contraire se réalise. "Ne t'en fais pas, lui répond Gilson, ce sera de toute façon un disque confidentiel, que l'on donnera à des intimes à la fin des concerts." "0K, Jeff, dit Christian, tu as carte blanche." Blanche, elle ne le reste pas longtemps. Quelques mois plus tard, l'album sort dans le commerce. Le nom de Christian n'est pas plus gros que les autres : simplement, ils sont tous les quatre énormes et le sien est en premier. De plus un très beau portrait de Christian sert de pochette. Scandale, la loi oblige Gilson à faire coller une bande sur la photo. Comble d'horreur, le disque est classé au rayon Magma chez tous les distributeurs. Mais ce n'est pas fini. Un deuxième album sort, uniquement fait d'un long chorus, sur lequel un autre batteur (celui de Gilson) vient rajouter quelques petites choses. Le disque s'intitule "Christian Vander / Frank Raholison : Fiesta in Drums". La musique est présentée comme un duo entre les deux musiciens. Comme si n'importe qui publiait un livre où il répondrait à des extraits d'un grand écrivain: "Chateaubriand et Machin : l'écriture est une fête!" Fin du fin, la deuxième face présente un chorus de Raholison, où ce dernier plagie carrément des plans enregistrés par Christian. Tout ça pour prévenir les lecteurs naïfs qui risqueraient, sait on jamais, de se faire dévorer par le grand loup Gilson. |
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