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MAGMA, par Antoine de Caunes |
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Pour clore ce chapitre, un léger regard en arrière, en parallèle avec la situation actuelle, est nécessaire. Quand Magma naît, en 1969, la scène française, si elle existe en tant qu'identité propre (?), est une scène de rock traditionnelle sur laquelle viennent se greffer un certain nombre de groupes qui sont supposés révolutionner tout et dont les plus connus ont pour nom Triangle, Martin Circus, et, en 1970, Ange. Le Triangle s'affaisse rapidement pour cause de déséquilibre pendant que Martin Circus suit sa voie pour aboutir en 1976 à l'éblouissante composition qui sert de générique aux piles Vander ! Ange travaille de son côté dans le respect de sa musique et regroupe aujourd'hui une bonne partie du public français, pendant que Magma conquiert la sienne. Deux "familles" musicales coexistent donc aujourd'hui en France, là encore agrémentées de groupes, qui, on ne s'en fait pas, vont tout révolutionner bientôt En ce qui concerne Magma, la "famille" croît sans cesse par alliances, grâce aux musiciens passés un jour ou l'autre dans le groupe, et qui offrent au public de nouvelles tentatives, guère toutes heureuses, mais en tout cas axées sur une recherche musicale et un esprit. Les noms défunts ou bien vivants de : Troc ; Zao à ses débuts, Hamsa Music, Nefesh Music, Weidorje sont là pour illustrer ce fait. Au total, plus de la moitié environ des groupes français importants peuvent être dits influencés par la forme si ce n'est plus le fond. C'est aussi à cela que l'on mesure le travail de musiciens comme Vander. Que dire de plus ? Le chapitre d'ouverture peut-il se clore sur un jour déterminé ? L'histoire de Magma ne fait que commencer, et nous savons que ni l'absence ni la mort ne pourront enrayer un processus qui surgit des parties les plus secrètes de l'esprit. Depuis une dizaine d'années, une troupe de musiciens le proclame, au milieu du défilé des modes et des confusions. Histoire déjà meurtrière ; les masques collés à la peau ne se déchirent pas sans douleur et le soleil ne gagne pas à être regardé de face. L'adhésion à Magma n'est pas affaire d'humeurs, c'est un monde qu'il faut rejeter, un monde mort envahi par la désolation, où la pureté a été massacrée dans les abattoirs du quotidien. Peu à peu, l'on commence à comprendre que l'agressivité, la haine de Magma ne servent, en tant qu'étape de transition obligatoire pour laver les cerveaux, qu'à indiquer, d'un regard fébrile, cette réalité autre vers laquelle il est de la première urgence de se tourner. Pour reprendre le mot de Lautréamont en changeant les termes, la littérature devenant musique, on pourrait dire que "cette musique sublime ne chante le désespoir que pour opprimer l'auditeur, et lui faire désirer le bien comme remède". Depuis une dizaine d'années, la rage dont participe l'uvre se fracasse tous les jours sur les remparts de l'indifférence, les ébréchant de plus en plus, sans que sa résistance s'en trouve altérée. Nous ne saurions rendre meilleur hommage à ces hommes qu'en déclarant une nouvelle et inlassable fois que la beauté de Magma est née, et qu'elle est née de la souffrance "Quand nous jouons, nous offrons notre cur " |
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