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- De la musique considérée comme un promontoire intérieur
Influences
La
musique de Christian Vander, comme celle des musiciens ayant composé
pour Magma, est une musique d'identité européenne. Ses
sources se situent à des points cardinaux espacés dans
le temps et reliés néanmoins de manière très
structurée, qu'il s'agisse de musiques populaires de l'Est ou
de compositeurs considérés comme classiques. Le compositeur
le plus important pour Vander est sans conteste Igor Stravinsky, dont
il découvre "Le Sacre du Printemps" à l'âge
de cinq ans, en même temps que les "Concertos brandebourgeois"
de Bach. Les deux uvres ont en commun une utilisation du rythme
qui en fait des musiques pour le corps plus que pour l'oreille, c'est-à-dire
des musiques de la danse et du mouvement. Une anecdote amusante illustre
bien ce trait. Vander enfant se met nu dans sa chambre, revêt
des costumes tahitiens que son père lui a rapportés, des
colliers sonores, et empoigne un tambour. Les premières notes
du "Sacre" sont à peine esquissées qu'il danse
déjà comme un fou, accordant sans s'en rendre compte ses
soubresauts aux rebonds rythmiques de l'orchestre. Plus qu'il n'écoute
la musique, il s'imprègne jusque dans chaque nerf des développements
mélodiques, des surprises dionysiaques de cette fête qu'il
découvre et qui ne le quittera plus. Ces premières sensations
resteront décisives dans ses découvertes futures. Les
musiciens qui l'envoûtent immédiatement sont ceux qui parlent
directement à son esprit et qui surtout ne vont pas par quatre
chemins pour expliquer une idée. Par exemple, il ne pourra jamais
se satisfaire, à quelques très rares exceptions près,
des conceptions classiques de la musique (Mozart en particulier) qui
répondent à des règles de mode pour écrire
leur musique, faisant succéder des développements à
des thèmes puisque l'usage le veut, alors que la nécessité
ne s'en fait pas profondément sentir. Par contre, les musiciens
russes (à l'exception de Tchaïkovsky) le captivent ; il
retrouve chez eux un lien de sang qui lui fait comprendre instinctivement,
sans culture musicale, une pulsation rythmique, particulièrement
chez Stravinsky, considérée comme difficile pour une oreille
occidentale. Il se rend compte de l'importance du piano rythmique chez
ce compositeur, ce qui restera une influence capitale lorsque lui-même
commencera à composer. Au terme de ses danses barbares, il s'effondre
sur le plancher, tous les sens aux aguets, coordonnant naturellement
son souffle sur la respiration des sons pendant que d'immenses barres
de cuivre pendent devant ses yeux dans l'espace et l'apesanteur en marquant
la mesure. A l'écoute du maître russe, il réalise
qu'il vit pour la musique. La première impulsion est donnée.
La seconde
date importante, pour ce qui est des compositeurs classiques, est la
découverte de Bartok, quand il a seize ans. L'écoute de
la "Musique pour cordes, percussion et célesta", de
"Mikrokosmos" et des quatuors le confirme dans son désir
d'une musique simple (non simpliste), épurée, où
les élans s'exaltent dans des thèmes condensés
et incisifs.
On retrouvera
dans Magma ce souci d'une musique directe, basée sur l'exploitation
d'accords fondamentaux répétés à l'obsession,
renversés et développés en fonction d'une progression
figurative. Sur cette trame, des idées sont rajoutées
qui ont pour charge de capter l'attention de l'auditeur tout en créant
un effet psychologique. "Je fais d'abord voir une maison éclairée,
ne recelant aucun secret. Je décide ensuite d'éteindre
les lumières et de faire passer une ombre à une fenêtre
d'étage. C'est toujours la même maison qui est montrée,
seuls les axes de vue se déplacent jusqu'à ce que le bâtiment
ne puisse plus avoir de mystère et que celui qui écoute
respire à son rythme."
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