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MAGMA, par Antoine de Caunes |
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D'un point de vue technique, la musique Magma que l'on connaît jusqu'à aujourd'hui reste de facture classique, c'est-à-dire qu'elle s'intègre dans un mode de culture qui a pour fondement le système tonal. Paradoxalement, Vander compose, sans posséder les trois conditions dites nécessaires pour toute composition. S'il sait lire la musique, en revanche personne ne lui a appris à écrire (étude de l'harmonie, du contrepoint et de la fugue), pas plus qu'on ne lui a enseigné à construire (étude de la forme, du style et du rythme). Chacun sait que pour apprendre la musique et ses règles (la technicité théorique), rien ne remplace les classes de composition des conservatoires. Encore faut-il pouvoir se les offrir. Le climat musical de l'adolescence de Vander et les conditions économiques ne s'y étant guère prêtés, c'est seul qu'il découvre les formes, en les comprenant intuitivement sans pouvoir les décrire, ce qui est là le signe d'une intelligence musicale immédiate. Mais si l'étude est importante, elle n'est pas tout. L'imagination et l'inspiration tiennent lieu, chez lui, d'apprentissage. Il est évident que, si elles compensent, elles ne se substituent pas à un savoir technique. Cependant que dire de l'uvre d'un musicien dans laquelle tout présente un caractère de nécessité et ou rien ne laisse paraître un quelconque artifice, sinon que ce musicien est (ou sera) sur la voie de sa réalisation. Vander reste l'exemple d'un compositeur "inné", hors des sentiers classiques, qui apporte pourtant (et cela bien que la critique dite sérieuse garde le silence) un nouvel espoir dans l'horizon de la musique occidentale : celui de l'individu qui prend la parole sans les hautes cautions, produit une uvre originale et nouvelle (ne serait-ce déjà que par le renouvellement de l'inspiration dans le domaine où elle opère), et ouvre ainsi à un public aujourd'hui considérable des possibilités autres et bouleversantes pour l'ordre établi. Notre rôle n'est pas de dire ici si, aux yeux de la divinité musique, l'uvre de Vander est oui ou non de la Grande Musique (nous ne saurions le faire) ; il est de signaler qu'elle est une continuation de l'esprit des plus grands musiciens ayant existé, et qu'à son appel, des foules dépourvues de l'enseignement musical traditionnel (on en connaît l'application dans ce pays) se lèvent et découvrent, émerveillées, un domaine qui leur était jusqu'alors considéré comme tabou. Enfin, point important, dépassés les problèmes techniques (qui ont été, surtout en ce qui concerne l'instrumentation, l'objet d'un travail titanesque), la création ne succède pas à la connaissance abstraite. En un mot, et c'est vrai pour l'Art en général (surtout pour la musique dont l'art de la composition est né en fait de l'analyse de chefs-d'uvre jugés "classiques") la théorie succède toujours à la pratique. Comme le disent les musicologues (Roland de Candé, Musique) : "Le but suprême, qui est d'émouvoir, sera atteint ou manqué selon que coïncideront ou non les formes musicales et le rythme intérieur du créateur. Le génie c'est peut-être la perfection de cette coïncidence." A vous de juger... Chez Christian Vander, la création de la musique suit un fil conducteur qui est sensiblement toujours le même. Elle a lieu dans un moment privilégié, fulgurant, d'une intensité sans commune mesure avec le travail technique quotidien. En règle générale la nuit : un personnage ou une entité lui apparaît en songe, en chantant, et sa voix est tantôt piano, tantôt orchestre symphonique. Elle passe, en termes figurés, par l'intermédiaire d'un archange toujours présent bien que se manifestant par intermittence et qui est la représentation d'une force universelle et éternelle dont nous serons amenés à reparler. Le fait que la musique naisse plutôt la nuit a une importance certaine ; il souligne son caractère nocturne, l'instant où la guerre, s'épanouissant, retrouve son champ de liberté par rapport à la quiétude du jour. Musique du songe, elle est le chant de l'inconscient prophétique, marque même du poète (voir encore Lautréamont), et qui se manifeste en visions. Répondant à ce que l'on peut nommer véritablement un appel, Vander se lève aussitôt, en transe, et retranscrit ce qu'il vient d'entendre, sans exercer le moindre contrôle de la conscience. |
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