[Page précédente] [Page suivante] [Sommaire] |
MAGMA, par Antoine de Caunes |
|
A priori, aucun procédé de création n'est à rejeter, s'il est intérieurement nécessaire : cette caution lui donne son caractère "sacré". On aura compris que c'est bien le troisième élément, celui qui indique une constante harmonique, qui est le plus important, ayant pour charge de gouverner les deux autres. C'est lui qui est l'indice de la grandeur d'une uvre et de la grandeur de l'artiste, quand l'élément personnel dans l'art s'estompe finalement avec le temps pour disparaître tôt ou tard. Vander illustre clairement ces principes quand il déclare (Interview au journal Rock & Folk, "La longue marche", n° 100): " Si je parlais de ma vie, de ma vie seulement, ma musique serait triste : elle évoquerait ma souffrance, qui n'est pas la tienne, pas celle des autres. On écouterait avec un rien de compassion, comme pour dire : "Tu as été malheureux, mon pauvre." Cela n'irait pas plus loin au sens de l'épanouissement. Donc, si tu dois parler, n'évoque pas ta vie, mais LA VIE, et pourquoi elle doit être comme tu l'imagines. Parle de la souffrance absolue. En tant que toi, tu n'as rien à dire, et si tu parles de toi, tu resteras à la dimension que tu t'es donnée. Pars de la notion de rien, tu n'es rien. Là seulement tu peux accéder à l'Être, devenir parcelle de l'infiniment grand. Il faut être l'instrument de l'univers et se mettre en état de réception. Le peu que celui-là te confiera à transmettre sera tellement énorme comparé au néant du quotidien que la musique en sera transfigurée. La musique, tant qu'elle est empreinte de la personne, reste vulgaire." Cette quête de la grande entreprise est l'une des caractéristiques de la musique de Vander. L'uvre procède par fresques énormes s'étalant sur plusieurs albums enregistrés (aucune firme ne pourrait penser éditer un triple album en France aujourd'hui), entrecoupées de morceaux que l'on pourrait qualifier de "respiration". Ces pièces courtes (Lihns, Titilbon, par exemple) peuvent être considérées comme des travaux de moindre importance par rapport aux efforts de longue haleine que sont les grands morceaux. Mais elles ont une importance sans doute considérable. Elles libèrent leur compositeur du climat obsédant qui accompagne la création de ses ouvrages importants. De plus, la détente (et non le relâchement) qu'occasionne une uvre dite mineure peut aider dans bien des cas à la résurgence d'impressions oubliées et d'intentions refoulées un jour ou l'autre pour diverses raisons. D'un autre côté, elles sont l'illustration d'une joie retrouvée, d'un quotidien vécu après les combats meurtriers, d'un repos bienheureux sur la lointaine Kobaïa. Créateur inapaisable, Vander ne parle pas de la souffrance à la légère. Il n'est pas une composition qui le laisse aujourd'hui satisfait. Après une première écriture, il s'aperçoit qu'un certain nombre d'impuretés (de vulgarités) restent à éliminer. Ce nouveau travail lui prend parfois des mois entiers, au terme desquels il considère que le morceau est "terminé" et qu'il peut le jouer publiquement. Cependant, lorsqu'il réécoute la composition quelque temps plus tard, après avoir progressé sur son itinéraire spirituel, il remarque la présence de nouvelles impuretés, et se remet au travail. Musique de l'inachèvement, de la réalisation toujours douloureuse, entrevue et inlassablement quêtée, la musique de Vander participe d'un accomplissement total de son créateur. Par la spiritualité et la musique, conçues comme un tout indissociable, Vander "cherche l'immortalité", et travaille jusqu'à la perfection. L'uvre qu'il bâtit répond à ces deux désirs. Travailler jusqu'à la perfection, comme nous venons de le montrer, n'est pas un vain mot. |
|
[Page précédente] [Page suivante] [Sommaire] |